Enseigner, communiquer
Yves Quéré a été professeur à l’École, et a contribué de façon déterminante à son évolution. Des générations de polytechniciens ont bénéficié de sa passion communicative pour la science. Ils seront heureux de retrouver dans ce petit ouvrage la verve et le talent de leur professeur. L’enseignement y est vécu comme un engagement, aussi bien auprès des élèves-ingénieurs que pour les enfants des écoles auxquels Yves Quéré consacre beaucoup de son temps dans le cadre de « La main à la pâte ».
L’art de communiquer est au service du contenu, et apparaît comme une forme de respect complice de l’auditoire. Au fil d’anecdotes savoureuses, de l’enfant qui montre la lune en plein jour à ses parents qui refusent de la voir, à cet érudit qui n’en finit pas d’introduire une conférence sur le point-virgule, de ce cuistre ambassadeur revendiquant son ignorance des sciences, à un morceau de bravoure sur les « opaques transparents », c’est à une réflexion profonde sur le caractère formateur des sciences qu’il nous convie.
Tout comme le grec ou le latin, elles nous apprennent à « donner du sens ». Il réfute l’artificielle opposition entre le savoir appris et l’émerveillement découvert, les deux formes d’enseignement contribuant à égale valeur à la formation d’un honnête homme. En réponse à ceux qui, comme Riquet le chien de Monsieur Bergeret, ne regardent jamais le bleu du ciel, incomestible, Yves Quéré plaide pour une « science institutrice », une « tension vers le savoir » et non une accumulation de connaissances ou de savoir-faire. Le discours de remise des diplômes aux X en 1996, leur souhaitant une vie sans « pliure artificielle » entre la raison et la passion, le fondamental et l’appliqué, l’éthique et l’efficace, est une véritable leçon de sagesse.
L’enseignement comme école de liberté et la communication comme règles de clarté cheminent de concert dans ce livre qu’on lit avec gourmandise, pour donner à penser sur une vision humaniste de la science : « Continuez à chercher ce que vous connaissez, car il y a plus vaste que ce que vous savez, et à chercher ce que vous ne connaissez pas, aux frontières du savoir », n’y a‑t-il pas dans cette leçon un message pour tous les âges ? Comment s’étonner alors que le même professeur qui a conquis nombre d’entre nous s’attache à donner la passion des sciences aux élèves des écoles primaires ? Comment ne pas s’en réjouir ?