Musique en images
Le festival de Verbier regroupe depuis plus de quinze ans tous les étés un ensemble d’artistes de premier plan. En 2007 et 2008, une trentaine de concerts ont été filmés chaque année, pour Internet (www. medici.tv) et des émissions sur Arte. Filmés en haute définition, avec un son de démonstration, certains de ces concerts sont disponibles en DVD et nous donnent envie de passer les fins du mois de juillet en Suisse romande. Les deux disques d’extraits nous font profiter de l’atmosphère d’une vingtaine de concerts, tous exceptionnels, avec de longs extraits et des œuvres complètes. Les images sont magnifiques, avec des caméras placées tout autour de la scène, ce qui nous offre des angles de vue très originaux. Le son est très présent, et cela en fait, avec la qualité des interprétations, des disques de démonstration.
Pour mettre l’eau à la bouche, citons à titre d’exemple, dans le désordre : Children’s Corner de Debussy par Nelson Freire, plein d’humour ou de mystère, très fin avec des nuances exceptionnelles ; Nelson Freire est fidèle à sa réputation d’humilité et de simplicité, modifiant son style en fonction des œuvres, ici très différent de ce qu’il fait dans Beethoven ou Chopin. Le Quintette de Schumann avec Hélène Grimaud et Misha Maisky, magnifique. Dichterliebe de Schumann par Hélène Grimaud et Thomas Quasthoff, avec une pianiste enchanteresse et des gros plans superbement expressifs sur le baryton. Des chefs‑d’œuvre de la musique de chambre avec le Quintette de Chostakovitch par Martha Argerich, Joshua Bell, Yuri Bashmet et Mischa Maisky (impressionnant n’est-ce pas ?), La Jeune Fille et la Mort de Schubert par le Quatuor Ébène, le Troisième Quatuor de Brahms par Menahem Pressler (le doyen du Beaux-Arts Trio), Salvatore Accardo et Gautier Capuçon.
Le récital de Nikolai Lugansky méritait bien d’être publié en intégralité. Son programme est intelligent, car varié mais cohérent. La rare Sonate de Janacek est poignante, les transcriptions de Roméo et Juliette de Prokofiev sont remarquables. Puis Lugansky joue trois Préludes de Rachmaninov, deux peu connus et le célèbre op. 23 n° 5, quatre Études d’exécution transcendante de Liszt et une Étude de Chopin, où le jeu du pianiste apparaît très équilibré, montrant à la fois finesse et performance technique, là où certains abordent ces œuvres en virtuosité pure.
Les disques d’orchestre de festival sont souvent moins mémorables que les disques de musique de chambre. En effet, les orchestres de festival montés pour l’occasion ont souvent peu de temps de répétition. On remarquera d’autant plus ce disque Sibelius : une des plus belles de ses symphonies, dirigée par un grand spécialiste, le chef finlandais, comme Sibelius, Esa-Pekka Salonen, qui aborde ces œuvres avec le même engagement et la même subjectivité que Leonard Bernstein dans ses enregistrements restés célèbres, avec des tempos très personnels. Cet orchestre très jeune et très féminisé y est remarquable, avec des bois d’une belle pureté et d’une remarquable présence, et des cordes « minérales » parfaitement adaptées à cette musique du Nord.