G. GERSHWIN, C. IVES

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°651 Janvier 2010Par : Bernstein / Gershwin / IvesRédacteur : Marc Darmon (83)

Les mul­tiples facettes du talent de Leo­nard Bern­stein ont sou­vent été van­tées dans ces colonnes. Il fut à la fois un des plus grands com­po­si­teurs (trois sym­pho­nies poi­gnantes, des bal­lets et même une messe, à conseiller abso­lu­ment), le plus célèbre des auteurs de Broad­way (West Side Sto­ry bien sûr, mais aus­si Can­dide, On the Town…) et un des meilleurs chefs d’orchestre du XXe siècle. Il nous a lais­sé des enre­gis­tre­ments de réfé­rence sur une période qui va des der­nières Sym­pho­nies de Haydn jusqu’aux Sym­pho­nies de Sibe­lius, et il est consi­dé­ré comme irrem­pla­çable pour les Sym­pho­nies de Mah­ler et la musique amé­ri­caine (Ger­sh­win, Ives, Bar­ber, Copland, Bern­stein). Ses enre­gis­tre­ments vidéo lors de tour­nées en Europe (Londres en 1976 et Munich en 1987) consa­crés aux oeuvres les plus célèbres de Ger­sh­win et Charles Ives en sont d’autant plus précieux.

Coffret du DVD de Léonard BERNSTEINOn ne pré­sente plus les deux œuvres de Ger­sh­win, archi­con­nues et qui ont subi un nombre impor­tant d’adaptations, y com­pris au ciné­ma. Rien de plus authen­tique que de les voir inter­pré­tées par l’Orchestre Phil­har­mo­nique de New York, sous la direc­tion du chef amé­ri­cain. Voir les ins­tru­men­tistes (vio­lon solo, saxo­phone, trom­pette, trom­bone) se suc­cé­der dans des solos jaz­zy, alors que cet orchestre est un sym­bole du clas­si­cisme aux USA, est délicieux.

Ajou­tons que dans Rhap­so­dy in Blue, Bern­stein est lui-même au pia­no (encore un talent), avec un effet de mise en scène impres­sion­nant : lors de ses solos, la lumière s’éteint sur l’orchestre et toute l’attention est por­tée sur le pianiste.

Faire décou­vrir la musique américaine
La Seconde Sym­pho­nie de Charles Ives est beau­coup moins connue. Bern­stein en donne une pré­sen­ta­tion, remar­quable et indis­pen­sable, d’un quart d’heure en intro­duc­tion au concert. Le grand res­pect de Bern­stein pour Ives et cette sym­pho­nie est très per­cep­tible. Il consi­dère cette oeuvre comme la plus grande sym­pho­nie amé­ri­caine (c’est faire peu de cas des 3e et 6e Sym­pho­nie de Han­son, de la Troi­sième de Copland et des trois sym­pho­nies de Bern­stein lui-même).

Cette sym­pho­nie com­po­sée par un Ives de vingt-cinq ans en 1900 a été créée par Bern­stein en 1951 en pré­sence (à la radio) d’un com­po­si­teur de soixante-dix- sept ans. Elle est à la fois un mel­ting-pot d’hymnes et d’airs folk­lo­riques amé­ri­cains et d’influences roman­tiques euro­péennes. Bern­stein qua­li­fie même l’Ives de cette époque d’auteur « naïf ». L’interprétation, très dif­fi­cile du fait de la super­po­si­tion des motifs et des idées, est par­faite, du niveau de l’enregistrement CD paru à l’époque du concert (1987, Deutsche Gram­mo­phon déjà).

La seconde œuvre de C. Ives, The Unans­we­red Ques­tion, dure sept minutes. Elle est repré­sen­ta­tive de la période de matu­ri­té du com­po­si­teur. L’évolution entre les deux œuvres est telle qu’on pour­rait par ana­lo­gie ima­gi­ner le Doua­nier Rous­seau qui s’est trans­for­mé à tra­vers les décen­nies en Kan­dins­ky. Cette œuvre expé­ri­men­tale débute sans chef, Bern­stein appa­rais­sant sur l’estrade après le début de la per­for­mance. De même, il quitte l’estrade avant la fin, lais­sant l’orchestre seul ache­ver les der­niers accords.

Bern­stein vou­lait faire décou­vrir et appré­cier la musique amé­ri­caine en Europe et son objec­tif est par­fai­te­ment atteint. On voit un public ravi et admi­ra­tif. La publi­ca­tion de ces concerts est un effort louable, dans la mesure où le public spon­ta­né pour la Sym­pho­nie de C. Ives est res­treint. Espé­rons que le cou­plage avec les ver­sions de réfé­rence en image des œuvres de Ger­sh­win aide­ra à dif­fu­ser ce DVD.

Notons chez le même édi­teur (DG), la paru­tion il y a quelques mois d’un DVD regrou­pant deux oeuvres phares de Bern­stein, sa Seconde Sym­pho­nie et sa Sere­nade sous la direc­tion du com­po­si­teur avec des solistes phé­no­mé­naux : les jeunes Gidon Kre­mer et Krys­tian Zimerman.

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