Caude Debussy : Pelléas et Mélisande
Pelléas et Mélisande est une œuvre de Debussy à part dans l’univers lyrique. C’est le seul vrai opéra de Debussy, très caractéristique de son approche musicale que l’on compare souvent pour simplifier à l’impressionnisme.
Rompre avec les opéras romantiques ou wagnériens
C’est aussi le premier opéra (1902) à marquer la rupture avec les opéras romantiques ou wagnériens du XIXe siècle, qui va s’opérer dans le monde de l’opéra (hors l’Italie) au premier quart du XXe siècle. Pelléas précède Jenufa de Janacek, Salomé de Strauss, Wozzeck de Berg.
Sa création en 1902 fut l’occasion d’un des scandales mémorables de l’histoire de la musique (comme Le Sacre du printemps dix ans plus tard, à Paris lui aussi). Personne n’avait entendu auparavant cette déclamation musicale, infléchie par la musique de l’orchestre, musique qui illustre à la fois situation, sentiments et environnement. Car pour mettre en musique le drame symboliste de Maeterlinck, Debussy multiplie dans sa musique les « correspondances » avec ce que l’on voit ou ce que l’on doit comprendre de l’état d’esprit des personnages. « Les parfums, les couleurs et les sons se répondent » a dit un autre poète.
Comme pour beaucoup de pièces de cette époque, le résumé de l’intrigue n’est pas l’essentiel : le prince Golaud découvre dans une forêt la bien plus jeune Mélisande, et l’épouse. Mélisande et le jeune demi-frère de Golaud, Pelléas, tomberont amoureux malgré eux, avec les conséquences tragiques qu’on imagine.
Les représentations filmées à Vienne en 2009 avec Natalie Dessay, Laurent Naouri et Stéphane Degout dans la mise en scène imaginative de Laurent Pelly sont un moyen idéal de pénétrer dans cet univers symboliste, en y revenant à loisir, en intégralité ou par morceaux.
Une interprétation parfaite
Commençons par dire combien les chanteurs sont parfaits, musicalement, en termes de crédibilité dans leurs rôles (c’est l’apparence physique, la caractérisation des sentiments, la voix), en termes de style et de diction (indispensable dans cette œuvre).
Natalie Dessay est l’artiste lyrique française la plus connue. On le comprend quand on voit qu’après avoir été irremplaçable dans les rôles virtuoses, nécessitant une extrême agilité dans l’aigu, qui ont fait, un temps, sa réputation (la Reine de la Nuit, Zerbinetta, Olympia, Cunégonde), elle aborde avec maturité, maestria et toujours le même engagement théâtral les rôles plus lourds de la Somnambule, Pamina, Manon, Lucia di Lammermoor ou ici, formidable, de Mélisande. Laurent Naouri, très grand baryton français, est désormais une référence pour Golaud, très émouvant, plein de sérénité et de force à la fois. Il n’a pas souvent l’occasion de jouer dans la même production que son épouse, Natalie. Nous avons vu tout de même avec un grand plaisir, au-delà de ce Pelléas, Orphée aux Enfers où, Jupiter, il poursuit Natalie Dessay-Eurydice, et La Traviata où, Germont, il cause le malheur de Violetta-Natalie.
Très bien filmée, avec de nombreux gros plans qui montrent l’émotion des personnages, cette production réunissait des artistes d’une qualité exceptionnelle et une mise en scène très riche de Laurent Pelly. Surprise et plaisir de voir que Laurent Pelly, en parallèle à une carrière au théâtre, sait être à la fois incroyable et irremplaçable dans les mises en scène d’opéras pleins d’humour (Offenbach, Platée, Ariane, Gianni Schicchi) mais aussi être profond et juste, dans le style de Chéreau, dans les opéras les plus forts du répertoire (ici Pelléas, mais aussi La Traviata, Manon…).
Les décors tournent sur scènes, ce qui permet parfois de voir en même temps plusieurs endroits du pays d’Allemonde ou plusieurs pièces du château. Cela permet notamment une scène de la surprise des deux jeunes amants par Golaud (« Vous êtes des enfants ») à couper le souffle.
Un superbe DVD.
A lire : Claude DEBUSSY