Beethoven : Fidelio
Fidelio est l’unique opéra de Beethoven. Mais il lui a demandé autant de travail que trois. Publié et joué à Vienne en 1805 sous le titre Léonore, ou le triomphe de l’amour conjugal et à cette époque singspiel classique dans la continuité de la fin du XVIIIe siècle, il fut remanié plusieurs fois (avec chaque fois une nouvelle ouverture) jusqu’à devenir en 1814 Fidelio, drame annonçant les opéras romantiques du XIXe siècle. Léonore est l’épouse de Florestan, prisonnier de façon abusive d’un gouverneur totalitaire qui va le condamner à mort. Léonore se déguise en jeune homme, Fidelio, et se fait recruter dans la prison pour libérer à temps son époux.
Naturellement entre 1805 et 1814 la situation nationale à Vienne (la ville est occupée par les troupes napoléoniennes en 1805) et les idées philosophiques et politiques de Beethoven ont changé. De même l’intrigue romantique est devenue allégorie politique, le personnage charnel Léonore s’est transformé en symbole Fidelio et l’opéra mozartien est devenu un hymne épique intemporel d’une portée humaniste équivalente à la Neuvième Symphonie ou à la Missa Solemnis.
On ne peut rêver aujourd’hui plus belle et plus riche distribution que celle qui fut réunie à Valence l’année dernière sous la baguette dynamique de Zubin Mehta. Waltraud Meier est proprement fantastique. À la fois magnifique en femme fidèle et dévouée, elle est tout à fait crédible déguisée en jeune homme. Elle crève l’écran de sa présence magnétique, avec une voix absolument intacte, émouvante et prenante. Son Florestan est le grand wagnérien Peter Seiffert, probablement la voix la plus adaptée au rôle de nos jours. Ce duo, dans un décor assez similaire, nous rappelle le duo mémorable formé des deux géants de l’époque Jon Vickers et Gundula Janowitz que le regretté Pierre Jourdan avait réunis et filmés dans les arènes d’Orange il y a trente ans.
Les autres artistes sont parfaits : Matti Salminen impressionnant en gardien de prison plein de sympathie et de doutes, Rainer Trost en amoureux éconduit et aigri, et la brillante Marzelline d’Ildiko Raimondi qui a la difficile tâche d’entamer l’opéra par trois airs et ensembles, parfaitement menés (même si le rôle s’est considérablement réduit dans les remaniements successifs de l’opéra).
Musicalement ce DVD est donc une référence pour longtemps. Le spectacle monté à l’occasion de l’inauguration du nouveau Palau de les Arts « Reina Sofia » de Valence par Pier’Alli est très réussi, avec quelques nouveautés, comme cette ouverture Leonore III, insérée pour équilibrer les deux actes au milieu du second acte comme l’avait suggéré et fait Mahler, mais ce qui n’avait jamais été refait depuis. La mise en scène et les décors sont parfaitement adaptés, sans originalité particulière, mais sans non plus transformer la perception que l’on doit avoir de cet opéra universel. L’absence de lumière de certaines scènes bien sombres a pour but de faire ressortir particulièrement la lumière sur certains personnages. Le second acte débute même dans le noir absolu (même l’orchestre a éteint ses lampes), procédé sûrement impressionnant dans la salle, mais que l’on doit reconnaître moins marquant en DVD.
Ce DVD est un excellent moyen de découvrir l’autre hymne à la liberté de Beethoven qu’est Fidelio.
Commentaire
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A quand la sortie de ce chef d’œuvre en DVD ? J’ai assisté à la représentation, c’était FAN TAS TIQUE.