ÉCHELLES MUSICALES ET PROXIMITÉ DES HARMONIQUES
Voilà un livre qui va tout à la fois intéresser les mélomanes et les férus de science physique, l’une des qualités n’étant au demeurant pas exclusive de l’autre.
Notre camarade Yribarren s’est en effet posé la question de savoir pourquoi la gamme chromatique également tempérée s’est imposée comme l’alphabet dans lequel s’écrivent, sans exception, toutes les musiques d’aujourd’hui, dans le monde entier.
Constatant que la structuration du continuum sonore se pose depuis la nuit des temps, il rappelle que Pythagore s’était déjà demandé si les sons émis par des instruments aussi simples que la flûte ou le monocorde obéissaient à une logique accessible à notre intelligence.
La première étape consiste à étudier la nature du son, phénomène périodique dont nous savons depuis Fourier qu’il peut se décomposer en une série de fonctions sinusoïdales de fréquences multiples entiers de la fréquence de base.
Et ces fréquences sont celles des harmoniques qui constituent le signal perçu par notre oreille et analysé par notre cerveau.
D’où l’idée d’utiliser ces harmoniques pour établir un découpage du continuum sonore.
C’est le choix empirique qu’ont fait les civilisations qui nous ont précédés en choisissant comme premier intervalle l’octave, la fréquence des deux sons correspondants étant dans le rapport 2⁄1, puis comme deuxième intervalle la quinte correspondant au rapport 3⁄2. Ainsi est né le « cycle des quintes » – partant de do, par exemple, on monte de quinte en quinte, sol, ré, la, mi, etc. – qui permet de couvrir, à peu de chose près, une octave. Le « à peu de chose près » a constitué la pierre d’achoppement de tous les théoriciens et facteurs d’instruments, pendant près de deux mille ans, jusqu’à ce que, à partir du XVIe siècle, on accepte de s’écarter de ce cycle en raccourcissant certains intervalles pour uniformiser l’octave. Et ce faisant, on se rapprochait, d’une certaine façon, des harmoniques de la note de base.
La difficulté à laquelle ont été alors confrontés les musiciens tient à l’impossibilité de concilier deux inconciliables : diviser l’octave en intervalles égaux – la recherche de l’équipartition – et faire coïncider ces intervalles avec les harmoniques de la fréquence de base.
Ce à quoi s’emploie alors l’auteur, c’est de montrer que les efforts continus des musiciens au cours des siècles ont consisté à concevoir une gamme qui définisse des intervalles aussi égaux que possible, tout en assurant la meilleure « proximité » avec les harmoniques de la fréquence de base (principalement quinte et tierce).
Pour définir mathématiquement cette proximité, et se remémorant les cours de statistiques que nous avons reçus dans nos bonnes écoles, il recourt à la notion d’écart quadratique moyen en comparant les deux séries que représentent les degrés d’une échelle musicale d’une part, les harmoniques d’autre part.
Cet outil, appliqué aux différentes gammes que répertorie l’histoire de la musique, lui permet de démontrer que leur évolution chronologique au fil des siècles a coïncidé avec une diminution régulière de cet écart quadratique moyen, aboutissant au tempérament égal qui s’avère finalement l’échelle la plus proche, en moyenne statistique, des harmoniques de sa note de base. Et Max Yribarren en conclut que cette remarquable propriété est sans doute la principale raison de son adoption universelle.
Tel est le thème de ce petit livre dont la démonstration rigoureuse est enrichie de graphiques et de notes qui en rendent aisée la lecture.