LA SEXUALITÉ
Ce livre, écrit en fait par Bruno Grange, licencié en théologie, ce qui n’est pas monnaie courante chez les polytechniciens, est le fruit d’un dialogue avec le Père de La Morandais, prêtre catholique, docteur en théologie morale et en histoire, interlocuteur de référence dans les médias pour les sujets touchant la religion.
Le livre se situe dans la lignée de ceux du Père Sonet (conseiller au Cler, pour qui le plaisir est le ciment d’un couple durable) et de certains Pères de l’Église. Il se démarque, par contre, clairement du courant de pensée, qui, venant d’autres Pères de l’Église, et de saint Augustin en particulier, a sévi pendant des siècles, liant notamment sexualité et péché, affichant la supériorité de l’homme sur la femme, et de la virginité sur le mariage, autant de contresens dénoncés au début de l’ouvrage par rapport à l’enseignement de Jésus, tel que le rapportent les Évangiles. Au contraire, le livre présente l’union conjugale, vécue dans l’amour partagé, en ce qu’il exprime et grandit cet amour, comme permettant de comprendre et d’approcher Dieu, faisant alors de la sexualité un chemin vers Dieu.
Le livre se donne comme objectif de nourrir le dialogue qui doit toujours se poursuivre dans une Église vivante, en jetant un regard plus humain, plus ouvert, sur la vie affective et sexuelle : sur le mariage d’abord qui prend toute sa signification comme sacrement, l’union sexuelle étant même présentée comme un rite de ce sacrement ; sur d’autres sujets aussi qui font débat dans la société, comme la limitation des naissances, l’avortement, les divorcés remariés, l’homosexualité, le mariage des prêtres.
Le livre fait sienne la réflexion philosophique et théologique de Jean- Paul II, allant jusqu’à résumer en quelques dizaines de pages les écrits de celui-ci, de plus de 700 pages, sur ce que le pape lui-même a appelé « la théologie du corps » : théologie qui, tout en n’étant rien d’autre qu’une continuation de la réflexion chrétienne sur l’Incarnation, se présente comme quelque chose de radicalement nouveau dans la théologie chrétienne et affiche notamment que, dans la sexualité aussi, Dieu se révèle. La sexualité chemin vers Dieu en somme, bien que le pape n’emploie pas l’expression.
Cependant, si Jean-Paul II s’appuie sur sa « théologie du corps », pour défendre l’encyclique interdisant aux chrétiens la contraception, le livre en déduit, dans une logique différente, que cette encyclique doit être abrogée. Les arguments réciproques sont donnés. Chacun pourra juger sur pièces. Je ne cacherai pas que, pour ma part, je ne suis pas les auteurs du livre sur ce point, estimant que les méthodes naturelles préconisées par l’Église sont fiables, et qu’une grande richesse est à tirer par le couple de la pratique de l’abstinence.
Le dialogue est ouvert. Les mises en perspective de l’ouvrage en feront aussi un bon outil de réflexion pour les débats – intemporels – sur le divorce ou l’homosexualité. Un livre donc à conseiller pour ceux qui veulent dépasser les poncifs sur la sexualité, au moment où la faillite des couples (50% de divorces, mais plus des trois quarts chez les dirigeants) montre que l’amour reste un art sacré, mais difficile.