C. GOUNOD : FAUST
Faust de Gounod est après Carmen l’opéra français le plus joué dans le monde. Vrai joyau dans l’oeuvre de Gounod dont les autres oeuvres ne sont pratiquement plus jouées. Le succès de Faust tient à son intensité dramatique, avec une intrigue venue de Goethe bien plus riche que ce que l’on résume souvent, mais surtout à sa musique, qui rend excellemment les atmosphères (amour, côté satanique de Méphisto) et qui est une succession impressionnante de « tubes » : Ah, je ris de me voir si belle – Gloire immortelle de nos aïeux – Avant de quitter ces lieux – Salut, demeure chaste et pure – Le veau d’or est toujours debout – Anges purs, anges radieux.
On ne sait ce qu’il faut vanter le plus dans ce DVD, entre la distribution incroyable et idéale, et la mise en scène exceptionnelle de McViccar, encore, dont décidément la plupart des productions sont à marquer d’une pierre blanche. Souvenonsnous des Noces de Figaro et de Salomé, déjà à Covent Garden (La Jaune et la Rouge, n° 653, mai 2009).
Le couple célèbre Alagna-Gheorghiu, à cette époque à leur apogée, est idéal en couple Faust-Marguerite. Notre grand ténor Roberto Alagna donne une grande leçon de chant et de diction dans ses interventions (un Salut, demeure chaste et pure à tomber). Angela Gheorghiu, pour une fois en blonde, nous génère des frissons en continu pendant l’enchaînement de la Ballade du roi de Thulé et du célèbre Air des bijoux. Mais le reste de la distribution est exceptionnel également : l’excellent Bryn Terfel en Méphisto, notre magnifique Sophie Koch crevant l’écran en Siebel, Simon Keenlyside en émouvant Valentin. Mention spéciale pour le Choeur de Covent Garden très présent, et la direction dynamique d’Antonio Pappano un des tout meilleurs chefs lyriques actuels. Et naturellement félicitons l’ensemble des chanteurs pour leur français impeccable, continûment intelligible, qui nous donne le plaisir de pouvoir nous passer parfaitement de sous-titres.
Mais l’opéra c’est aussi du théâtre, et ici on peut être enchanté. La mise en scène de McViccar est perpétuellement inventive, virtuose et riche, il s’y passe toujours quelque chose d’intéressant et de captivant. Citons à titre d’exemple le grand ballet du dernier acte (La nuit de Walpurgis), d’habitude un passage convenu issu d’une tradition du XIXe siècle bien vieillie, et qui représente ici un rêve de Faust : ballet qui passe du plus grand classicisme, avec tutus, à une véritable débauche dont est victime Marguerite enceinte sous les yeux d’un Faust plein de remords. Les très beaux décors du Paris d’avant Haussmann, les innombrables costumes très réussis (Méphisto change de tenue sans arrêt, jusqu’à se travestir en Christ ou en courtisane) participent à faire de ce spectacle un des plus importants des dix dernières années. Parfaitement filmé (visiblement sur plusieurs soirées, car la tenue des instrumentistes change d’une prise à l’autre), ce DVD est à conseiller absolument.