Urbain Le Verrier (1831) : de Neptune à Éole
Urbain Le Verrier mène des recherches remarquées sur la chimie du phosphore, qui entre dans la composition des allumettes.
Le Verrier est né à Saint-Lô le 12 mars 1811, dans une famille de la petite bourgeoisie. Rien ne le prédispose à devenir astronome. Élève brillant, il échoue pourtant au concours d’entrée à l’École polytechnique. Son père l’envoie à Paris, vendant sa maison pour subvenir aux frais de son séjour.
Après un an d’études sous la direction du mathématicien Choquet, dont il épousera plus tard la fille, il est enfin reçu à Polytechnique en 1831. Il en sort huitième deux ans plus tard, et entre dans le corps des Tabacs, suivant pendant deux ans les cours de l’école d’application correspondante. Il y mène des recherches remarquées sur la chimie du phosphore, qui entre dans la composition des allumettes.
En 1836, deux postes de répétiteur à Polytechnique sont vacants : l’un en chimie, l’autre en astronomie. Le Verrier postule pour le premier, mais il est attribué à Victor Regnault (1810−1878, X1830), qui deviendra un chimiste célèbre. Il se rabat sur le second, qu’il obtient : début inattendu d’une grande carrière d’astronome.
Un programme ambitieux : la théorie complète du système solaire
Urbain Le Verrier se fixe tôt un programme de recherches ambitieux, qu’il aura juste le temps de réaliser avant sa mort : une théorie complète du mouvement des planètes dans le système solaire. Ce programme culminera en 1846 avec la découverte de Neptune « du bout de sa plume », puis une seconde fois en 1859 avec la découverte d’une anomalie dans le mouvement de Mercure. En 1854, Le Verrier est nommé directeur de l’Observatoire de Paris, qu’il réorganise profondément. Sa structure hiérarchique, imitée de celles des observatoires de Greenwich et de Poulkovo en Russie, servira de modèle pendant un siècle aux observatoires français. Il y développe parallèlement à l’astronomie une activité importante en météorologie.
Cependant, Le Verrier se montre tellement odieux avec son personnel qu’il est révoqué en 1870. Il est remplacé par son pire ennemi, Charles Delaunay (1816−1872, X1834), qui meurt accidentellement en 1872. On rappelle alors Le Verrier, mais on le flanque maintenant d’un conseil qui se réunira régulièrement, même s’il tente de le boycotter. Du reste, malade, il se désintéresse progressivement de l’Observatoire afin de garder assez de temps pour terminer sa théorie du système solaire avec l’aide de son unique élève Aimable Gaillot (1834−1921). Cette théorie servira de base aux éphémérides français pendant un siècle. Le Verrier meurt à Paris le 23 septembre 1877.
Planète troublante
Depuis la découverte d’Uranus par William Herschel en 1781, on a non seulement mesuré fréquemment sa position, mais retrouvé des observations plus anciennes où l’on avait pris la planète pour une étoile ; la première remonte à 1690. En 1820, le Bureau des longitudes charge trois astronomes d’élaborer de nouvelles éphémérides pour les planètes du système solaire. C’est à Alexis Bouvard (1767−1843), un astronome autodidacte mais chevronné, qu’échoit la tâche la plus ingrate : établir les tables de Jupiter, Saturne et Uranus. Il calcule les premières sans difficulté particulière, mais un gros problème surgit pour Uranus : après avoir tenu compte des perturbations exercées par les autres planètes, Bouvard ne peut représenter le mouvement d’Uranus pendant toute la période où il a été observé. Doit-on pour autant remettre en cause la physique de Newton ? Ne pouvant s’y résoudre, Bouvard pense que les anomalies pourraient bien être dues à l’action gravitationnelle d’une « planète troublante ».