Jacques Mantoux (41)
Né en 1921, Jacques Mantoux tient de son père, Paul, normalien, secrétaire-interprète de la conférence de paix à Versailles en 1919, puis secrétaire de la section politique de la Société des Nations et cofondateur de l’Institut des hautes études internationales à Genève, une conscience précoce de la politique internationale.
En juin 1940, sa taupe de Janson étant repliée à Bordeaux, il s’embarque pour Casablanca en vue de participer au combat. Mais aucun moyen ne s’y présentant encore, il revient en France métropolitaine et entre à l’X l’année suivante. En 1942, l’École est déplacée à Villeurbanne. Il y subit des brimades dans la lignée des » lois juives » relayées par certains cadres zélés, son père s’étant déclaré juif par solidarité avec d’autres branches de sa famille.
Engagement précoce
À Noël 1942, Jacques Mantoux quitte l’École vers l’Espagne, laissant sur la table du gouverneur une lettre claire et ferme sur le but de son départ : rejoindre la France combattante. Les contacts laissés par un X plus ancien s’étant évanouis, il établit une nouvelle filière via Amélie-les- Bains. Il revient à Villeurbanne, malgré les risques, pour renseigner des camarades. Sept élèves de sa promotion suivront la même voie, et tous resteront liés pour la vie. Jacques passe les Pyrénées avec Sciama (38).
Le but de son départ : rejoindre la France combattante
Ils rejoignent Barcelone à pied sans être pris, et de là Gibraltar puis Londres. Jacques y retrouve son camarade Francis Rougé (41) avec qui il fera toute la guerre. Formé à Camberley, Jacques dirigera une batterie de quatre canons de 105 mm au 1er régiment d’artillerie de la 1re DFL (Division française libre). Par l’Afrique du Nord, il rejoint la campagne d’Italie début 1944 et prend part à la bataille du Garigliano.
Il se distingue ensuite lors du débarquement de Provence et de la prise de Toulon en réglant le tir sur les casemates de Saint-Mandrier. Lors de la meurtrière campagne d’Alsace, il est blessé, retourne aux combats en première ligne. Capturé en janvier 1945 à Obenheim, toujours avec Rougé, il est emmené en Allemagne. Ils s’évadent en mars par deux fois, rencontrent une colonne américaine, rentrent enfin à Paris.
Ingénieur de l’air
Vivement frappé par la perte de son frère aîné Étienne, Jacques Mantoux réintègre l’École et sort dans le corps de l’armement, ingénieur de l’air. Il est décoré de la croix de guerre avec palmes, de la Légion d’honneur, de la médaille des évadés. Affecté au Maroc, il rejoint ensuite le cabinet de Bourgès-Maunoury (35, compagnon de la Libération). Il en démissionne pour une carrière commerciale : Decauville, puis Westinghouse France, enfin Merlin-Gérin (maintenant Schneider Electric) à Grenoble. Directeur international, il développe les exportations de matériels de très haute tension dans le monde entier.
Devoir de mémoire
Jacques consacre en partie sa retraite à la mémoire familiale : une quinzaine de volumes, 1 500 pages, y compris ses propres mémoires de guerre. Sa vie et sa carrière sont marquées par une intelligence des situations, des relations, une ténacité efficace, y compris dans l’aide aux plus démunis, par son engagement fidèle pour l’entreprise industrielle créatrice de richesses pour son pays, enfin par une grande discrétion. Son nom restera attaché à l’honneur des X résistants, en particulier ceux de la promo 1941.
Étienne Mantoux, frère et modèle
Observateur aérien à la 2e DB, Étienne Mantoux tombe en Allemagne le 30 avril 1945, laissant un livre publié à titre posthume, sa thèse d’études économiques : La Paix calomniée (NRF Gallimard, 1946). Cet ouvrage démonte les thèses de Keynes en 1919 contre le Traité de Versailles.