LE MANIFESTE DE L’ALTRUISME
Philippe Kourilsky, ancien DG de l’Institut Pasteur, est l’auteur d’un remarquable Rapport sur le principe de précaution (2000, avec Geneviève Viney, Odile Jacob) et d’un ouvrage destiné à défendre la science et la technique contre les agressions dont elles sont de plus en plus l’objet, La Science en partage (1998, Odile Jacob). Ses deux derniers livres ne sont pas des ouvrages scientifiques comme les précédents, que j’avais lus avec beaucoup de plaisir. Il s’agit cette fois-ci de philosophie politique et morale avec deux ouvrages : Le Temps de l’altruisme et Le Manifeste de l’altruisme (2009 et 2011, Odile Jacob), dans lesquels il nous propose en quelque sorte de substituer un nouveau libéralisme (que l’on pourrait qualifier d’altruiste) au libéralisme politique contemporain dont les vices cachés sont dénoncés.
Tout au long du Manifeste de l’altruisme, l’auteur se réfère à des personnages connus, en général de grande qualité, tels que Amartya Sen, Jean- Baptiste de Foucauld, Monique Canto- Sperber, Christian de Duve, Camille Landais, Thomas Piketty, Emmanuel Saez ou Joseph Stiglitz.
Avec eux, il s’intéresse à des enjeux planétaires, aux objectifs du millénaire : la faim, la santé, l’éducation et la croissance. Il évoque à cet égard un nouvel indicateur, celui du développement humain (IDH).
À ses yeux, les moteurs de notre action pour atteindre ces objectifs devraient être notamment la générosité, la fraternité, le besoin de justice sociale.
J’ai cru pouvoir sélectionner dans ce Manifeste de l’altruisme quelques idées fortes exposées ci-après.
Le point de départ de sa réflexion est tout naturellement une critique du libéralisme politique contemporain. Il donne deux exemples des pathologies de ce libéralisme : la fraude sur l’impôt, le refus de la vaccination ; et il présente trois déséquilibres du système financier existant : déséquilibre entre les revenus financiers et les revenus du travail, déséquilibre dans les relations entre actionnaires et entrepreneurs, dictature du court terme.
Il donne des définitions de l’altruisme et de l’altruité : l’altruisme biologique (qui existe chez les animaux et aussi chez les hommes) n’a rien à voir avec le nouveau concept qu’il nous propose ; l’altruité, devoir rationnel qui va avec la générosité et la fraternité, qui peut être une conséquence des leçons des trois grandes religions monothéistes, mais qui peut aussi provenir d’une morale individuelle (pas forcément religieuse).
À l’idée de liberté, il propose d’associer une autre idée, celle du devoir que nous avons de respecter la liberté de l’autre ; il s’agit du devoir d’altruisme, car altruisme et liberté, loin de s’opposer, se complètent.
Nous avons droit à l’énoncé des différentes déclarations des droits de l’homme : Déclaration d’indépendance des USA 1776, déclarations françaises 1789, 1793, 1795, Philadelphie 1944, Déclaration universelle 1948 (article 29), Charte africaine 1982 (chapitre 2). Seules les deux dernières s’intéressent aussi aux devoirs. Le devoir d’altruité implique la participation à un combat contre les inégalités : on trouve sur la planète des inégalités considérables, mais on en trouve aussi à l’intérieur des États (les riches et les pauvres) et notamment à l’intérieur de notre pays, ce qui explique le soutien apporté par Philippe Kourilsky aux idées développées par Thomas Piketty, Camille Landais et Emmanuel Saez dans un récent ouvrage. Ce choix délibéré de l’altruité, de la générosité et de la fraternité ne doit pas pour autant faire oublier l’importance considérable de la rationalité et de la connaissance dont Philippe Kourilsky est un ardent défenseur.
L’auteur fait enfin l’éloge de la tolérance (que l’on peut associer à la passion) et rappelle la nécessité de l’apprentissage et de l’éducation.
Quelques idées extraites de la conclusion du livre :
Les importants progrès accomplis dans différents domaines (soins médicaux, espérance de vie et quelques autres) sont tous sans exception liés à des avancées du savoir.
L’arrêt de la croissance de la population mondiale est prévu pour 2050. Il va tout de même falloir accueillir sur la planète 2,5 milliards d’hommes en plus, soit pratiquement deux fois plus de Terriens qu’il n’y en avait en 1900, et la demande sur les biens essentiels (nourriture, énergie, autres ressources), après avoir continué à croître, devrait finir par diminuer (économies d’énergie, mais satisfaction des besoins des pays les plus pauvres).
Enfin, le libéralisme altruiste n’est pas une branche du libéralisme ; il aurait plutôt vocation à lui succéder
Commentaire
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Il manque malheureusement à
Il manque malheureusement à l’analyse de Kourilsky une dimension spirituelle théiste indépendante des religions toutes inventées par des hommes.
Ce qu’il définit n’est qu’un humanisme athée de plus
Il eut été plus honnête de sa part d’utiliser altruité dans ses titres