ROLLON ou la Trêve du roi Charles
Après ses publications précédentes, Un Docteur pour tous, saint Thomas d’Aquin, puis Darwin méconnu, notre camarade qui signe sous le pseudonyme de Jacques Henry continue à mêler histoire et philosophie, mais cette fois au théâtre. Rollon ou la Trêve du roi Charles nous emmène en l’an 911, à Saint-Clair-sur-Epte, et nous y fait revivre l’un des épisodes fondateurs de notre pays : l’allégeance du chef viking Hrolfr au roi des Francs Charles III. Événement historique appris par coeur par des millions d’élèves, mais difficilement explicable : comment un Viking vivant de rapines a‑t-il pu devenir le fidèle vassal de son ennemi d’hier ? Comment un roi a‑t-il pu confier l’une de ses plus riches provinces à celui qui la ravageait ?
La pièce reconstitue la rencontre de deux hommes et de deux peuples que tout opposait. Le style rappelle La guerre de Troie n’aura pas lieu, mais l’intrigue se dénoue à l’opposé : alors que tout semblait converger vers une guerre interminable, c’est la paix qui l’emporte, et avec elle l’ordre et la civilisation. Tragédie grecque, intemporelle, grandiose dans son décor et avec toutes les règles désuètes qui en font le charme : unité de lieu, de temps et d’action, présence des chœurs, etc.
On pourra regretter une fin un peu rapide, mais l’idée n’est sans doute pas de tout expliquer. Elle serait plutôt de soulever dans le lecteur la question intérieure que chacun se pose si souvent : « Face aux événements, comment dois-je réagir ?
Je perçois plus ou moins confusément ce que je devrais faire pour le bien de ceux que je conduis, y compris malgré eux, et même contre eux. Mais tant d’éléments me porteraient vers une autre décision, facile à brève échéance, mais qui ne mène à rien. Tout repose sur moi, que vais-je décider ? » Un dénouement sans doute inexplicable, donc, si ce n’est par la Providence et le sens de responsabilité des chefs. Réflexion de fond, également, sur le pouvoir. L’alliance n’est possible que parce qu’elle repose essentiellement sur deux personnes, Hrolfr-Rollon et Charles.
Aux grands hommes la hauteur de vue pour prendre les grandes décisions, alors qu’autour les petits chefs ambitieux et finalement irresponsables sont incapables de lever les yeux. Un éloge du courage politique, donc ? À vous de voir – cela en vaut la peine.