Vingt ans d’urbanisme amoureux à Paris
Il y a plusieurs lectures du livre de Jacques Marvillet et le titre en suggère au moins trois :
Vingt ans : 1982–2001. Vingt ans durant lesquels Paris s’est, sans doute, davantage transformé que pendant les quatre-vingts années précédentes. La liste des chantiers entrepris pendant cette période est trop longue pour la rappeler ici. Citons, pèle-mêle, les plus marquants dans la mémoire collective : l’aménagement du Grand Louvre, Bercy, la nouvelle Bibliothèque nationale, le réaménagement du palais des Congrès de la porte Maillot, la ligne 14 du métro, etc., alors même que le livre souligne la multitude des opérations plus discrètes qui ont eu lieu pendant cette période et qui n’en ont pas moins marqué le paysage et la vie de leur quartier respectif. Vingt ans qui ont vu se succéder trois maires bien différents et pourtant si semblables que, en la matière, aucun, à de rares exceptions près, n’a remis en cause l’héritage du précédent.
Le mot est lâché : Vingt ans d’urbanisme et c’est une autre lecture du livre qui commence. Je ne crois pas avoir trouvé dans le texte une définition de l’urbanisme. Mais la multitude des facettes évoquées par Jacques Marvillet dans son ouvrage en donne un contour finalement assez précis : c’est à la fois, bien sûr, de l’architecture et de l’art tout court mais c’est aussi de l’Histoire, de la sociologie, de l’économie, et, on serait tenté de dire, beaucoup de patience et de diplomatie. À cet égard, les professionnels liront ce livre d’un oeil assez averti pour tirer un enseignement des processus administratifs variés, et le plus souvent longs et douloureux, à l’issue desquels seulement les premières réalisations purent enfin voir le jour. Jacques Marvillet en dévoile les détails les plus fins et même, parfois, les artifices – je ne sais pas s’il appréciera le terme – auxquels il eut plus d’une fois recours pour surmonter les innombrables obstacles administratifs, associatifs, etc., qui semblaient condamner la plupart des projets dans l’oeuf. D’aucuns pourront s’étonner, voire s’indigner, de (re) découvrir combien l’Administration au sens large (État, Région, municipalités) a le réflexe de s’autoproclamer, dans ce domaine comme dans d’autres, juge infaillible du bien public. Mais, les mêmes seront, en fin de compte, surpris de découvrir comment, miracle français rendu possible par la génération spontanée des contrepouvoirs divers… et l’intervention discrète des Marvillet de service, les règles fondamentales de la démocratie restent respectées et le bien public, in fine, effectivement servi.
Vingt ans d’urbanisme amoureux à Paris. C’est le troisième volet du livre écrit par un authentique amoureux de Paris. Jacques Marvillet a une connaissance encyclopédique de sa ville et la promenade commentée dans laquelle il nous emmène dès les premières pages est, en soi, une lecture à part entière de son ouvrage. Avec la réserve que ses amis lui connaissent, l’auteur ne se découvre qu’avec une extrême pudeur ; mais la dimension la plus humaine de son livre réside, si discret soit-il, dans ce véritable culte qu’il a voué à Paris. Au poste qu’il occupait, avec la liberté de manœuvre dont il disposait ou, ce qui revient au même, la confiance dont il bénéficiait de sa ligne hiérarchique, il est certain qu’il portait une lourde responsabilité sur le devenir de la Ville lumière.
À chaque ligne de son livre, et avec son habituelle extrême discrétion, Jacques Marvillet trouve le mot juste pour traduire le poids de cette responsabilité : comment respecter l’Histoire, le patrimoine au sens large (celui avec un grand « P » et la multitude des autres avec un petit « p ») et comment, en même temps, faire évoluer cette ville avec un véritable souci du développement durable ? Pas celui, mal défini et trop galvaudé dont on nous rebat trop souvent les oreilles, mais celui, authentique, de ne pas hypothéquer le plaisir des générations futures.
En fin de compte un livre indispensable dans la bibliothèque de tout amoureux de notre capitale.