Bloodile
Parmi les lecteurs de romans, il s’en trouve, et peut-être plus qu’on ne croit, de portés à fuir les auteurs casse-pieds, véhicules de messages qui interpellent. Ils préfèrent se laisser envoûter par la poésie de l’étrange, le mystère des êtres et le sourire des choses. C’est à ceux-là que je m’adresse, ceux-là qui aiment à lire et relire Le Pays où l’on n’arrive jamais, Le Rivage des Syrtes ou encore Le Grand Meaulnes, tout au moins la première partie, parce qu’ensuite l’invraisemblable l’emporte par trop sur l’étrange.
À eux, mes frères de pensée, je recommanderai de s’abandonner au charme d’un bref roman, Bloodile, qui les emmènera rôder dans les sévères parages d’Ouessant en compagnie de personnages d’une poignante vérité, malgré des destinées peu ordinaires. L’auteur, Didier Sébilo, est ingénieur comme vous et moi. C’est dire qu’il garde, comme vous j’espère, le sens du réel, ce qui n’annihile pourtant en rien son imagination prodigieuse, à la Jules Verne de L’Île mystérieuse, mais sans le côté pédant de ce dernier avec ses degrés de longitude et de latitude à tout bout de champ.
Et puis, Didier Sébilo connaît et aime la mer, spontanément omniprésente aussi dans les deux romans que je viens d’évoquer, comme si cette présence était indispensable à l’expression poétique du mystère, comme si d’ailleurs la Sologne d’Alain-Fournier en tenait lieu, toute chargée qu’elle est aussi d’infinitude et de secrets.
Alors n’hésitez pas. Plongez dans Bloodile et n’en ressortez pas, même si les deux ou trois premières pages vous semblent d’abord un peu diluées. La suite vous enchantera tant que vous aurez envie de relire ce début, aussitôt le livre refermé.