Créer des « petits boulots » ?
Nous sommes inondés de centaines de milliers de créations d’entreprises dont le nombre a triplé ou quadruplé en quelques années, mais la très grande majorité en est constituée d’entreprises sans salariés, souvent des coquilles vides.
Dix ans de stagnation
Maintenir les statistiques du chômage dans des limites politiquement acceptables
Les entreprises naissant avec au moins un salarié sont plus conséquentes pour la création d’emplois, et d’emplois durables. Ce sont les employer companies que répertorie l’Institut de statistiques américain. Les instituts européens s’orientent vers ce standard. Notre taux de création de telles entreprises est, lui, très mauvais ; il n’a pas changé depuis plus de dix ans, autour de 40 000 par an, chutant même à 33 000 récemment. C’est environ la moitié du taux allemand ou anglais. En outre, nous créons trois fois moins de salariés dans ces entreprises que ces derniers.
Deux fois moins d’emplois
Parmi les entreprises existantes, certaines sont définies comme « entreprises à forte croissance », c’està- dire, selon la définition de l’OCDE, 10 salariés ou plus, croissance de l’emploi d’au moins 20 % sur trois années successives. La dernière étude quantitative réalisée par l’IRDEME montre qu’elles sont deux fois moins nombreuses et créent deux fois moins d’emplois que leurs homologues anglaises : 600 000 emplois créés dans la période 2005–2008 contre 1350000 au Royaume-Uni.
Un paradoxe apparent
Les anges paralysés
L’émergence de business angels, capables d’investir quelques centaines de milliers d’euros dans un projet est paralysée par des plafonds de déduction fiscale ridicules : 40 000 euros pour l’avantage Madelin, 66 666 pour l’ISF-TEPA. Les Anglais étaient depuis des années à 1 million de livres pour un ménage et viennent de passer à 2 millions. Zuckerberg décolle avec Facebook grâce à un apport de 500 000 dollars par Peter Thiel, l’un des fondateurs de Paypal.
Le paradoxe est que, cependant, l’emploi français croît à peu près parallèlement à l’emploi anglais ou allemand (avec cependant un retard de 5 à 7 millions d’emplois marchands). Comment la France faitelle pour faire croître son emploi alors que les deux vecteurs les plus importants de cette croissance, la création par les entreprises nouvelles et celle par les entreprises existantes, sont si mauvais ?
Le service à la personne
Une hypothèse vraisemblable est qu’elle ait réalisé cette performance en développant les petits boulots, notamment le service à la personne. C’est ce que semble montrer la part prise par les services à la personne dans les créations d’emploi de 2005 à 2010 : environ 380 000 sur 700000 en France, 50000 sur 2,3 millions en Allemagne. Ce serait la conséquence d’une politique très ancrée dans les milieux gouvernementaux, consistant à encourager non des entreprises pour développer un produit ou un service à débouché international qui demandent beaucoup plus de capital de départ, mais des entreprises à capital très faible destinées à employer à un chômeur : programmes ACCRE (Aide aux chômeurs créant ou reprenant une entreprise), microcrédit avec notamment l’ADIE (Association pour le droit à l’initiative économique), entreprise à 1 euro de capital, services à la personne et chèque CESU (chèque emploi service universel), auto-entrepreneur. Les petits boulots permettent de maintenir les statistiques du chômage dans des limites politiquement acceptables ; mais pas la balance des comptes, ni l’emploi dans une vraie crise comme celle que nous traversons.