Les grands ensembles
On parle aujourd’hui des cités ou des quartiers sensibles. Ils ont été construits pendant les trente glorieuses et on les appelait alors les grands ensembles. Ils constituaient la principale réponse à la crise du logement de l’après-guerre. Pour la première fois, l’État investissait massivement dans le logement social. Les architectes prétendaient mettre en oeuvre la charte d’Athènes (inspirée par Le Corbusier).
Les premiers habitants y ont trouvé un logement correspondant à la taille de leur famille et doté de tout le confort sanitaire, ce qui n’était le cas que de 2% des logements français au sortir de la guerre. Dès les années 1960, on a fustigé la monotonie de l’architecture, l’absence d’emplois, de commerces et d’équipements à proximité, etc. À partir de 1978, la réforme du financement du logement incita les ménages à revenus moyens à acquérir une maison individuelle en périphérie des villes. Ils furent remplacés par des familles plus pauvres, souvent d’origine étrangère (on était à l’époque de la résorption des bidonvilles et du regroupement familial).On connaît la suite : paupérisation, chômage, montée du racisme, sentiment d’exclusion, trafics, violence, émeutes.
Depuis les années 1970, les gouvernements ont multiplié les plans, tantôt pour améliorer le cadre bâti, tantôt pour aider à créer des emplois. Ces plans, dont le dernier avatar est le programme national de rénovation urbaine, n’ont pas été inutiles. Ils ont ralenti la spirale négative, mais sans l’interrompre.
Le livre de Pierre Merlin replace ces quartiers en difficulté dans la longue durée. Ils sont nés d’un mouvement d’idée (le mouvement moderne) né entre les deux guerres, qui a rallié tous les acteurs après la guerre. Après la satisfaction des débuts, ils ont subi une longue descente aux enfers. La crise des grands ensembles ne serait que le reflet exacerbé de la crise actuelle de la société française. Une solution est-elle possible ? Il faudra beaucoup d’argent, beaucoup de temps (au moins une génération) et surtout beaucoup de volonté collective.