Réponses à Maurice Allais : Discussion des expériences de Miller
Discussion des expériences de Miller
N° 517 août-septembre 1996
1 – Le principe de l’expérience de Michelson
Une source lumineuse S envoie des rayons sur la lame semi-transparente L (figure 1).
Une partie de ces rayons continue vers le miroir M1, revient et est réfléchie vers l’écran E. Une autre partie est réfléchie vers le miroir M2, revient et continue vers E. Ces deux ensembles de rayons interfèrent sur l’écran E où l’on constate effectivement la présence de franges d’interférences EM1 perpendiculaires au plan de la figure 1.
Le principe de l’expérience de Michelson |
Au XIXe siècle on pense que la lumière se propage par les vibrations d’un milieu très subtil et très léger : l’éther qui remplit tout l’univers, un peu comme le son se propage par les vibrations de l’air, du sol ou de l’eau.
Bien entendu les corps opaques ont la propriété d’éteindre ces vibrations et les corps transparents les laissent passer, avec une vitesse moindre toutefois et avec un certain entraînement de l’éther mesurés par les expériences de Fresnel, Fizeau, Foucault, Airy.
Dans ces conditions il est naturel de se demander qu’elle est la vitesse “ absolue ” de la Terre, c’est-à-dire sa vitesse par rapport à l’éther.
L’idée de Maxwell et de Michelson est la suivante :
Si le bras SM1 est orienté dans le sens du mouvement de la Terre et le bras EM2 dans le sens perpendiculaire ce dernier est avantagé exactement comme un nageur qui fait un aller retour de 20 m perpendiculairement au courant de la rivière est avantagé par rapport au nageur qui parcoure la même distance aller retour dans le lit du courant.
En effectuant alors une rotation de 90° de l’ensemble de l’interféromètre on transfère l’avantage au bras SM1 et l’on doit donc constater un déplacement approprié des franges d’interférence sur l’écran E. L’ampleur du déplacement permettra de connaître la vitesse “ absolue ” de la Terre.
2 – Les expériences
La première expérience d’Albert Michelson en 1881 n’est pas concluante aussi recommence-t- il en 1887 avec l’aide d’Edward Morley mais le déplacement des franges obtenu n’est pas le dixième de celui qui correspondrait au 30 km/s de la vitesse orbitale de la Terre ; c’est décourageant.
Ce résultat négatif va inciter indépendamment Lorentz et Fitzgerald à proposer la “ contraction de Lorentz-Fitzgerald ” : le vent d’éther provoque une contraction longitudinale des objets dans le rapport qui convient soit :
où V est la vitesse de l’objet étudié et c celle de la lumière.
Cette contraction bien surprenante et faite pour les besoins de la cause a un côté “ coup de pouce ” qui déplaît à Henri Poincaré. La correspondance qu’il échange avec Lorentz sur ce sujet pendant près de dix ans le conduit à :
A) Renoncer au temps absolu, à l’espace absolu, à l’éther (La Science et l’Hypothèse, 1902).
B) Énoncer le “ Principe de Relativité ”.
Les lois des phénomènes physiques doivent être les mêmes pour un observateur fixe et pour un observateur entraîné dans un mouvement rectiligne et uniforme de sorte que nous n’avons et ne pouvons avoir aucun moyen de discerner si nous sommes oui ou non entraînés dans un pareil mouvement.
Au congrès scientifique mondial de Saint-Louis (Missouri, septembre 1904) Henri Poincaré consacre la majeure partie de sa conférence véritablement historique à la présentation et à la défense de ce principe.
C) Quelques mois plus tard Poincaré établit que le Principe de Relativité conduit à la transformation de coordonnées qu’il baptise “ Transformation de Lorentz ”, laquelle a la propriété de conserver les équations de Maxwell et explique très simplement la contraction de Lorentz-Fitzgerald : c’est un effet de perspective lié à une “ rotation dans l’espace-temps ”, c’est-à-dire à la mise en route d’un objet, et tout à fait analogue aux effets de perspective que l’on constate pour les rotations ordinaires dans l’espace.
Les fondements de la Relativité sont ainsi établis.*
Il convient cependant de vérifier avec plus de précision les résultats de Michelson et Morley et d’en tirer tout le parti possible. Au congrès de physique de Paris (1900) Lord Kelvin lance un appel pressant dans ce sens, appel qu’Edward Morley et son collaborateur Dayton Miller décident de relever.
De 1902 à 1906 Morley et Miller, puis de 1921 à 1926 Miller seul, iront de perfectionnements en perfectionnements. Ils allongeront les bras de leur interféromètre et multiplieront les aller retour pour augmenter la sensibilité. Ils passeront d’une structure de bois et de grès, à l’acier et au béton, le tout flottant sur un bain de mercure pour obtenir une rotation impeccable. Ils surveilleront l’influence de la température, de la pression, du champ magnétique terrestre, du vent. Ils recommenceront l’expérience en divers lieux (Cleveland, mont Wilson), à diverses heures et saisons. Ils accumuleront plusieurs centaines de milliers de mesures selon un protocole très strict.
En définitive Miller pourra proclamer que, même s’il n’obtient pas le mouvement absolu de la Terre, il obtient tout de même des résultats intéressants en désaccord avec la théorie de la Relativité.
Pendant ce temps d’autres expérimentateurs procèdent à la même expérience sans toutefois multiplier autant les mesures : Roy Kennedy puis Illingworth à Pasadena ; Auguste Piccard et E. Stahel à Bruxelles puis en Suisse ; Albert Michelson, F. G. Paese et F. Pearson au mont Wilson ; Georg Joos à Iéna.
Tous obtiennent des résultats “ négatifs ” : pas de déplacement des franges à la précision des mesures…
3 – Discussion
Comment ces deux séries de résultats peuvent-elles être aussi différentes ? Miller peut mettre en avant le nombre énorme de ses mesures et la variété de ses conditions expérimentales, ses collègues ont pour eux leur unanimité et l’unicité de leurs résultats. Il y a cependant une différence essentielle entre ces expériences : Miller opère à l’air libre, il préconise de “ laisser circuler l’éther autant que faire se peut ” et utilise au maximum le verre quand il est forcé de mettre une paroi. Ses collègues au contraire enferment leurs interféromètres dans des récipients solides et bien fermés, la plupart du temps ils y font le vide pour diminuer le plus possible les sources extérieures de perturbation.
C’est sans doute là l’explication. Il convient de se rappeler que la “ contraction de Lorentz- Fitzgerald ” est extrêmement faible : avec V/ c = 0,0001 cette contraction n’est que de cinq milliardièmes et l’effet obtenu par Miller est sept ou huit fois plus petit…
L’indice optique de l’air est certes voisin de 1 mais il n’est pas 1, il vaut 1,000294 à 0° et 1 013 millibars et sa différence à 1 est à peu près proportionnelle à la densité de l’air.
Il suffit d’une variation d’un millième de degré pour obtenir les résultats de Miller… Qui sait ? peut-être tout simplement ces résultats indiquent-ils que les coins Nord et Sud de son laboratoire avaient une température moyenne un millième de degré plus faible, environ, que les coins Est et Ouest… et il n’y aurait rien de surprenant à ce que cette différence évolue périodiquement avec les heures et les saisons comme l’indiquent les résultats. Mais il convient aussi d’admirer le sérieux et la remarquable minutie de Miller !
De toute façon l’expérience de Michelson n’est pas le fondement de la Relativité, c’est tout au plus “ la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ”. Ce qui se passe dans un cyclotron est bien plus significatif : pour faire tourner à la vitesse V une particule de charge q et de “ masse au repos” m0 sur un cercle de rayon R il faut une induction magnétique B normale au plan du cercle et donnée par une expression typiquement relativiste :
Le rapport V / c n’est ici pas limité à 0,0001, il peut aller aisément à 0,99 et même davantage.
4 – Conclusion
Les expériences de Dayton Miller ne semblent pas aussi signifiantes que l’on aurait pu l’espérer ou le craindre, mais il faut tout de même remercier Monsieur Maurice Allais d’avoir attiré notre attention sur ces expériences “ hérétiques ”.
Nous n’avons que trop tendance à passer sous silence ce qui n’est pas en accord avec nos idées (et personnellement je n’avais jamais entendu parler de Dayton Miller). C’est là un réflexe parfaitement anti-scientifique et stupide car il y a souvent beaucoup plus à apprendre d’une expérience rigoureusement conduite et qui ne marche pas que d’une expérience qui marche.
Dans cet ordre d’idées, il faut souligner que parmi les trois tests classiques de la Relativité générale (avance du périhélie de Mercure, courbure des rayons lumineux au voisinage du Soleil et effet Einstein de décalage vers le rouge des raies spectrales émises à la surface des étoiles) on parle beaucoup des deux premiers et assez peu du troisième. Cela s’explique : cet effet marche assez mal. Il est bien vérifié si votre observation porte sur les bords du disque solaire mais est deux à trois fois trop petit dans les régions centrales (réf. 2).
Peut-être y a‑t-il là matière à réflexion.
* Henri Poincaré ne survivra guère à ce travail de géant ; fort heureusement ses travaux seront repris et popularisés par Hermann Minkowsky et Albert Einstein. Ce dernier présentera la Relativité si magistralement que beaucoup s’imaginent qu’il en est l’auteur, alors que ses auteurs véritables sont Hendrik Antoon Lorentz et surtout Henri Poincaré.
5 – Références
1) Dayton C. Miller, The Ether – Drift Experiment and the Determination of the Absolute Motion of Earth, Review of Modern Physics, Vol. 5, p 203–242, July 1933.
2) S. Mavridès, L’Univers relativiste, p. 122–123, Masson et Cie éditeurs, Paris, 1973.
Christian MARCHAL (58)
Expérience de Miller et validité de la relativité restreinte
Résumé
Par une série d’expériences effectuée dans les années 20, similaires à celle de Michelson-Morley, Dayton Miller a affirmé avoir mis en évidence un mouvement de la Terre par rapport à l’éther, c’est-àdire l’espace absolu de Newton. Dans le numéro de septembre 1996 de La Jaune et la Rouge, Maurice Allais analyse à nouveau les résultats de ces expériences et conclut qu’ils réfutent la relativité restreinte. Nous montrons qu’il n’en est rien en faisant un bref historique des expériences de ce type, résumant ce qu’elles ont effectivement mesuré et pourraient encore éventuellement montrer.
La cinématique de Newton est caduque
On sait depuis le XIXe siècle que les équations de Maxwell de l’électromagnétisme n’ont pas la même forme dans deux repères inertiels différents si le passage de l’un à l’autre est régi par la loi de transformation de Galilée. On sait aussi que les physiciens de l’époque cherchèrent à mettre à profit cette propriété pour mesurer la vitesse absolue de la Terre, c’est-à-dire sa vitesse de translation par rapport à “ l’éther ”, le milieu absolument au repos postulé par Newton dans lequel les objets obéissent à ses lois du mouvement et par rapport auquel les repères inertiels sont en translation uniforme.
Les expériences furent menées à l’aide d’interféromètres qui, selon la théorie, devaient mesurer (vabs/c)2 où vabs est la vitesse absolue de la Terre et c celle de la lumière. Cette vitesse absolue peut se décomposer (en ignorant pour simplifier les effets d’orientation) en vabs = vcos + vorb + vrot où vrot ≈ 0.4 km/s est la vitesse d’un laboratoire à l’équateur due à la rotation de la Terre sur elle-même, vorb ≈ 30 km/s la vitesse orbitale de la Terre autour du Soleil et vcos une éventuelle vitesse “ cosmique ” du système solaire par rapport aux étoiles lointaines supposées au repos dans le repère absolu. On s’attendait donc à mesurer au moins vorb c’est-à-dire un effet de l’ordre de (vorb/c)2 ≈ 10-8. Et si l’on prend pour vcos la vitesse du système solaire par rapport au rayonnement cosmique de fond à 3 degrés Kelvin, c’est-à-dire ≈ 300 km/s, l’effet attendu devient de l’ordre de 10-6.
Les expériences furent nombreuses : Michelson 1881, Michelson et Morley 1887, Morley et Miller 1902–1906, Miller 1921, 1924–1926, Kennedy 1925, Picard et Stahel 1926, Michelson 1929, Joos 1930, Kennedy et Thorndike 1932, Ives et Stilwell 1938 et 1941, Townes et al. 1958 et 1964 et enfin Brillet et Hall 1979 (Phys. Rev. Letters 42 (1979) 549).
Aucune de ces expériences ne mesura un effet de l’amplitude escomptée. Ceci étant, aucune, bien sûr, ne mesura un effet strictement nul… Le problème, comme toujours en physique expérimentale, est en d’interpréter les effets résiduels, de déterminer s’ils sont significatifs ou imputables à des erreurs expérimentales. Mais tous les expérimentateurs, à l’exception de Dayton Miller, estimèrent que leurs résultats étaient dans les barres d’erreurs de leur expérience et donc compatibles avec zéro. Quant à la précision elle crût avec les développements technologiques du siècle : Michelson, en 1881, trouva que l’effet devait être inférieur à 10-9, Brillet et Hall, en 1979, trouvèrent que l’effet, s’il était d’origine locale, devait être inférieur à 10-13 et inférieur à 10-15 s’il était d’origine cosmique. Pour interpréter ces résultats bien inférieurs à ceux auxquels on s’attend dans le cadre de la théorie classique et tous compatibles avec zéro, sauf celui de Miller, on peut bien sûr invoquer, comme le fit Lorentz, des phénomènes de contraction de longueur ou d’entraînement de l’éther. Mais on sait que la solution proposée par Einstein l’emporta et ces expériences scellèrent le triomphe de sa théorie de la relativité restreinte.
Les conclusions de Miller doivent être rejetées
Dayton Miller était d’après ses contemporains un expérimentateur de haut vol qui collabora avec Michelson avant de lui succéder à la chaire de physique de l’université de Cleveland. Son article de revue de 1993 (Rev. of Mod. Phys. vol. 5 p. 203) sur lequel Maurice Allais base son analyse est un modèle de clarté et de rigueur. De plus Miller a été le seul à répéter ses expériences à différents moments de l’année, dans le but d’obtenir non seulement l’amplitude mais aussi la direction de la vitesse absolue de la Terre.
Ses résultats diffèrent de tous les autres : comme Michelson et Morley il trouve un effet résiduel de l’ordre de 10-9 correspondant à une vitesse absolue vabs ≈ 10 km/s, mais contrairement à eux, il estime qu’il est significatif. En analysant ses données il peut même décomposer vabs en vabs = vcos + vorb où vcos pointe dans la direction du pôle sud de l’écliptique et où vorb»1.5 km/s.
Ses résultats sont cependant difficiles à interpréter, même dans le cadre de la théorie classique, et ce pour deux raisons, ainsi qu’il le souligne lui-même. Comme la vitesse orbitale de la Terre est connue et vaut 30 km/s et qu’il ne mesure que 1.5 km/s, il est obligé d’invoquer un facteur d’entraînement de l’éther d’environ de 1.5÷30, à expliquer. Par ailleurs la direction de vcos devrait traverser la ligne Nord-Sud chaque jour à cause de la rotation de la Terre sur elle-même. Or, notr Miller, si vcos traverse bien un axe deux fois par jour, cet axe est déplacé par rapport au méridien, de façon variée suivant la période de l’année. C’est en fait cette anomalie azimutale, plus que le facteur d’entraînement de l’éther, qui semble avoir été la raison du doute jeté dès les années 20 sur ses résultats.
En 1995 cependant, des chercheurs de Cleveland, Shankland et al. (Review of Modern Physics, vol. 27, p. 167) analysèrent à nouveau les données de Miller, à partir de son article de 1933 mais aussi de ses cahiers d’expérience. Ils confirmèrent que l’amplitude de l’effet mesuré n’était pas un effet du hasard statistique. Mais les anomalies azimutales les incitèrent à chercher une cause locale plutôt que cosmique à l’effet mesuré. Ils étudièrent donc, plus attentivement que ne l’avait fait Miller lui-même, les erreurs systématiques qui auraient pu en être la cause. Ils en trouvèrent une : un gradient de température de 0,001 degré d’un bout à l’autre du laboratoire suffisait à produire un effet de 10-9. Or Miller, contrairement à ses contemporains comme par exemple Joos, pouvait difficilement réguler la température de son laboratoire : afin en effet de permettre à l’éther de circuler librement et ne pas être entraîné avec l’interféromètre, il opérait dans une hutte au sommet du mont Wilson, mal isolée thermiquement. (Il est intéressant de remarquer que les tests qu’il effectua dans son laboratoire de Cleveland où la température était remarquablement constante donnaient un effet compatible avec zéro…).
Il semble donc clair que les résultats de Miller concernant l’amplitude de l’effet, c’est-à-dire le module de la vitesse absolue de la Terre, ne peuvent plus être retenus, encore moins ceux concernant la direction de cette vitesse.
Que prédit la relativité ?
On présente toujours les résultats compatibles avec zéro des expériences de type Michelson- Morley comme une confirmation éclatante de la relativité restreinte. Je voudrais conclure en commentant ce point.
On sait qu’Einstein, confronté à la non-invariance des équations de Maxwell dans les transformations de Galilée, décida, contrairement aux “ classiques ”, de parier pour le principe de relativité : toutes les lois de la physique doivent avoir la même forme dans tout repère inertiel afin qu’aucun phénomène ne puisse mettre en évidence le mouvement de ce repère par rapport à un autre repère inertiel. Pour que les équations de Maxwell gardent la même forme il fallait donc changer la loi de transformation, plus précisément remplacer celle de Galilée par celle de Lorentz. Cette théorie de la relativité restreinte était une vision révolutionnaire car elle impliquait une modification profonde des représentations de l’espace et du temps ancrées depuis Newton. On se doute qu’un tel changement ne fut pas accepté sans de solides débats et de solides confirmations expérimentales.
Ainsi la loi de transformation de Lorentz qui régit le passage d’un repère inertiel à un autre est maintenant vérifiée à 10-22, de la façon suivante : si elle n’était pas valide, les lois de Maxwell seraient différentes et la séparation des niveaux du noyau de lithium dans un champ magnétique (effet Zeeman) serait différente de ce que donne la formule “ standard ” et confirmée par l’expérience (Hughes-Drever, 1961). (Pour une revue détaillée des tests de la relativité voir Clifford M. Will Theory and experiment in gravitational physics, Cambridge University press, 1993.)
Cette extraordinaire concordance entre théorie et expérience signifie- t‑elle qu’une expérience de type Michelson-Morley effectuée avec une grandissante précision donnerait toujours un résultat compatible avec zéro ?
Ce que dit la relativité restreinte est que la vitesse de la lumière doit être la même dans tous les repères inertiels. La question devient donc de savoir si un interféromètre attaché à la Terre est un repère inertiel. La réponse, bien sûr, est non : un laboratoire sur Terre n’est pas strictement en mouvement libre. Il est d’abord soumis au champ de gravitation de la Terre, qui induit des forces de marées sur l’appareil. On montre cependant que ces forces, proportionnelles à la dimension de l’appareil multipliée par la racine carrée de la courbure locale de l’espace-temps, sont tout à fait négligeables. Beaucoup plus importantes en revanche peuvent être a priori les forces d’inertie dues au fait que le laboratoire tourne, entraîné par le mouvement diurne de la Terre. Pour calculer ces forces, il faut savoir passer d’un repère inertiel à un repère tournant en relativité restreinte, et décrire dans ce repère un appareil “rigide”.
Ce sont là choses non triviales, encore vivement débattues. Si l’effet existe il serait en tout cas de l’ordre de (vrot/c)2, soit de » 10-13. Une expérience améliorant d’un ordre de grandeur ou deux la précision de celle de Brillet et Hall devrait pouvoir infirmer ou confirmer cette prédiction (cf. L. Bel, J. Martin et A. Molina, Journal of the Phys. Soc. of Japan, vol. 63 (1994) 4350).
Si l’expérience de Michelson- Morley doit être à nouveau discutée, c’est donc je pense dans cette ligne là qu’elle doit l’être, et non en termes d’une cinématique newtonienne maintenant dépassée.