Le Château de La Rivière, à Fronsac
Sur la rive droite à l’ouest de Libourne, la région de Fronsac donne un peu l’impression de vivre tranquillement une existence paisible entre l’Isle et la Dordogne, à l’écart des grands axes. Elle est loin d’être aussi connue que les régions voisines de Saint-Émilion et Pomerol. Pourtant, ses vins rouges charpentés, harmonieux et profonds commencent à révéler le potentiel de son terroir, et ce à un coût plus que raisonnable. Fronsac, ou la bonne affaire de la rive droite…
Longtemps, les propriétés ont proposé aux amateurs des vins robustes et tanniques, qui avaient certes leur charme, mais manquaient peut-être de la souplesse qui aurait permis de conquérir un plus vaste public. Depuis quelques années, toutefois, les fronsacs se sont civilisés : on y cueille une vendange plus mûre, la vinification est mieux suivie, et les fûts de chêne neufs ont fait leur apparition. On s’est aperçu à cette occasion qu’on pouvait faire à Fronsac de très bons vins, égaux à ceux de Saint-Émilion ou de Pomerol , une vérité déjà connue au XIXe siècle mais qu’on avait fini par oublier, car la région a été très affectée par le phylloxéra. Il est certain que la parcellisation excessive du vignoble était aussi un facteur supplémentaire de fragilité, et ce n’est pas par hasard si – aujourd’hui ‑le signal du renouveau vient d’une des plus grandes propriétés, le Château-La Rivière, qui possède 53 hectares de vignes.
L’histoire de La Rivière
Cette propriété exceptionnelle a connu une histoire non moins exceptionnelle. Son site, un belvédère qui surplombe la Dordogne, l’a fait choisir au cours des siècles comme résidence par les maîtres du Fronsadais : à une villa gallo-romaine ont succédé un camp franc où Charlemagne séjourna en 769, au retour de Roncevaux, puis un château fort, construit par Gaston de l’lsle, et enfin le magnifique édifice Renaissance que nous admirons encore aujourd’hui, et qui trône au milieu d’un superbe parc de quinze hectares rempli de chênes et de platanes séculaires. Les armoiries de La Rivière racontent symboliquement les grands moments de l’histoire du château. Le lion placé au centre a une crinière peu fournie, c’est un » lion léopardé « , clairement apparenté aux léopards des Plantagenêts : n’oublions pas que l’Aquitaine a été anglaise pendant trois siècles…
L’écu est également frappé d’une croix, marque distinctive des Croisés : elle indique qu’un seigneur de La Rivière participa à une croisade, très certainement avec son suzerain, Richard Cœur de lion. Il est probable que ce fidèle compagnon (l “écu de La Rivière est sur champ d’azur, couleur de la fidélité et de la persévérance) partagea les épreuves de l’infortuné monarque. On se souvient en effet qu’un Habsbourg n’hésita pas – pour d’obscures raisons – à se saisir de Richard Cœur de Lion et à le maintenir en captivité quand le hasard fit que ce prince dut traverser des possessions autrichiennes à l’occasion de son retour de Terre Sainte. La tradition veut que le vin de La Rivière que leur fit alors parvenir la noble épouse du vassal de Richard fut un puissant réconfort pour les deux prisonniers relégués dans une forteresse au bord du Danube où ils trompaient leur ennui en disputant d’interminables parties de jacquet et d’échecs, jeux que les Arabes leur avaient appris.
Si Charlemagne et Richard Cœur de Lion sont d’illustres parrains pour le vin de La Rivière, il ne faut pas oublier pour autant le maréchal-duc de Richelieu : c’est grâce aux carrières de La Rivière que ce grand seigneur fastueux put faire construire le merveilleux théâtre de Bordeaux. À cette époque, le château avait pris une apparence moins martiale et fut progressivement transformé en une demeure de charme, les propriétaires utilisant le relief et les nombreuses sources du domaine pour y créer un jardin merveilleux, dont la description figure dans de nombreux ouvrages datant du Siècle des lumières. Il en reste aujourd’hui les allées noyées de verdure, les majestueux lions de pierre à l’entrée du domaine et la très charmante fontaine aux dames cachée au creux d’un étang …
Un grand domaine viticole
La pérennité de La Rivière ne tient pas seulement à son histoire ou à son site mais aussi et surtout au superbe domaine viticole qui s’est constitué au fil des siècles autour du château. Le terroir est d’une qualité exceptionnelle, il s’agit en effet du prolongement géologique de la côte de Saint-Émilion. Entièrement situés en coteaux, les sols de La Rivière sont composés d’un mélange d’argile, de calcaire et de sable particulièrement propice à la culture de la vigne. De surcroît, certains de ces coteaux sont situés plein sud, dans une sorte d’amphithéâtre naturel qui concentre l’action du soleil et permet d’obtenir des raisins d’une maturité exceptionnelle. Par ailleurs, la proximité de la Dordogne, qui coule à quelques dizaines de mètres des vignes, exerce une action régulatrice sur le climat : il ne gèle pas en hiver et les chaleurs de l’été sont tempérées par la fraîcheur de l’eau.
L’encépagement est dominé par le merlot (65 %) complété par 15 % de cabernet sauvignon, 12 % de cabernet franc et 8 % de malbec. La vinification est traditionnelle, les cuves de vinification sont thermorégulées, ce qui permet d’extraire le fruit des raisins tout en gardant des tannins ronds et veloutés, exempts d’amertume. Le vin est ensuite élevé en fûts de chêne (neufs dans une proportion de 30 %). L’œnologue de la propriété est – depuis le rachat de La Rivière par Jean Leprince en 1995 – le très célèbre Michel Rolland, la star des œnologues du Libournais. Le millésime 1997 est particulièrement réussi. Il va sûrement être bien placé dans les dégustations qui vont accompagner la sortie des primeurs.
Château de La Rivière
33126 La Rivière
Tél. : 05.57.55.56.56.
Fax : 05.57.24.94.39.