Cantates, délices et orgues
Bach, cantates : volume 6
Bach, cantates : volume 6
Avec le volume 6, l’intégrale des Cantates de Bach par Ton Koopman(1) attaque le gigantesque ensemble des cantates sacrées de la période de Leipzig (1723−1750). Ce volume est consacré à dix cantates, dont six sont les toutes premières qu’il écrivit au cours des trois mois qui suivirent son arrivée à Saint-Thomas. On examinera un jour ici les étranges constantes numériques des cantates de Bach, qui ont fait l’objet de recherches approfondies, et notamment l’importance du chiffre 14 (camarades numérologues, à vos calculettes!). On sait aujourd’hui, en tout cas, que tout se passe comme si Bach avait eu, avant la composition de chacune de ces oeuvres, la vision intégrale non seulement de l’architecture de l’oeuvre, mais de l’oeuvre tout entière, mesure par mesure, pour chaque instrument et chaque voix, d’où l’absence totale de ratures dans les manuscrits originaux des cantates qui nous sont parvenus. Mais qu’importe : quelle jubilation pour l’auditeur, croyant ou non . Paraphrasant (approximativement) un général connu, l’on pourrait dire qu’il y a là des moments qui dépassent chacune de nos pauvres vies. Quant à l’interprétation de Koopman, on n’a jamais fait aussi clair, aussi juste, aussi jubilatoire.
Mozart, Séverac
Une petite curiosité qui dépasse le simple divertissement : l’on s’est amusé à rapprocher quelques oeuvres de Mozart, jouées par l’Orchestre symphonique de Bulgarie, de musiques traditionnelles égyptiennes, sous le prétexte léger – que Mozart s’était intéressé à l’Égypte (Thamos, roi d’Égypte, Symphonie égyptienne, etc.). Et l’on a tenté des enchaînements, et même des arrangements, comme l’association de l’oud au piano dans le concerto 23. Le tout est publié non sans culot sous le titre Mozart l’Égyptien(2). Eh bien, universalité de Mozart, qui se prête à tous les habillages (lesquels ne faisait-il pas lui-même), ou ouverture d’esprit de notre fin de siècle, tenté par toutes les perversions, le résultat est plus qu’amusant : intéressant, parfois fascinant.
Déodat de Séverac est délicieusement daté, et aujourd’hui presque oublié. Cela vaut la peine de redécouvrir cette musique d’inspiration languedocienne et catalane, dans une réédition en CD de l’enregistrement qu’en avait fait Aldo Ciccolini dans les années 70(3). Une musique qui n” aspire qu’à procurer du plaisir, sans aucune recherche (apparente), parfaitement tonale, une musique de vacances à déguster avec un verre de Banyuls, un dimanche, en ne songeant qu’au soleil. Finalement, plus serein, plus ensoleillé que Poulenc.
Orgue, orgues
Sous le titre Trois siècles de musique française, le camarade Ferey (75), toujours féru d’inédit, publie dans sa maison Skarbo un récital donné sur l’orgue historique de Saint-Roch par Françoise Levéchin-Gangloff(4). Pour les inconditionnels de l’orgue, un instrument à la fois classique et romantique, à l’extraordinaire richesse de timbres. Pour les curieux de musique française peu connue, Nivers, Balbastre (plus connu par ses pièces de clavecin), Benoist, Boëly, Lefébure-Wély sont à découvrir, musique foisonnante et dans le droit fil classique, toute d’équilibre. À quand, sur l’orgue de Saint-Roch, les pièces pour orgue de Déodat de Séverac ?
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(1) 3 CD ERATO 3984−21629−2.
(2) 1 CD VIRGIN 24347 17272.
(3) 3 CD EMI24357 23722.
(4) 1 CD SKARBO SK 1978.