Comment décider et gérer un programme de recherche scientifique ?
Ce qui devrait faire le succès de cet ouvrage, c’est que c’est un “manuel pratique” pour un type d’utilisateur bien identifié : l’entreprise. Celle-ci vise un résultat qui lui donne un atout dans l’exercice de son métier, ne seraitce que dépasser le simple empirisme et arriver à comprendre “ comment ça marche ”. La distinction entre recherche fondamentale et appliquée n’est pas essentielle, car pour “comprendre” il faut parfois plonger dans le fondement du savoir.
L’auteur éclaire très bien l’équilibre à assurer entre l’exigence à l’égard du chercheur et la liberté à lui laisser, cela aux différents stades du programme de recherche.
Il souligne le rôle indispensable d’un observateur de la démarche des chercheurs, bénéficiant d’un certain recul qui lui fait détecter les voies sans issue et à l’inverse discerner les bons choix.
Les situations auxquelles l’ouvrage s’intéresse sont celles que l’entreprise rencontre réellement : des données incomplètes, des expériences non répétables, des modélisations imparfaites…
Mais il faut quand même déboucher, dans un délai compatible avec l’enjeu de la recherche, sur des réponses utilisables et des décisions opérationnelles, y compris quelquefois celle de renoncer.
L’auteur est très précis sur les critères de choix des personnes à affecter à une recherche et du rôle à leur donner. Il est apparemment un peu sévère avec certains profils de chercheurs tels le thésard trop novice ou l’universitaire perfectionniste (dont il reconnaît pourtant l’utilité dans une équipe insuffisamment rigoureuse).
Mais l’ouvrage respire la compétence et la solide expérience par sa façon d’examiner les divers aspects qui peuvent se présenter. Cela lui permet souvent d’affirmer sans démontrer : les “ règles à respecter ” qu’il énonce relèvent du “ dire d’expert ” sûr de lui. En fait cet expert a derrière lui un palmarès de réussites assez exceptionnel : la “Société de Calcul Mathématique ” – dont l’appellation semblait choisie pour faire fuir ses clients – a obtenu en dix ans une crédibilité défiant les sombres pronostics de ses détracteurs. Bernard Beauzamy a l’élégance de ne pas s’en vanter ; son livre n’est pas une brochure publicitaire pour son cabinet. C’est plutôt un manuel pour ses clients, aussi intelligent que le petit livre de Bruno Latour sur la sociologie de la recherche, paru il y a une dizaine d’années.