Optimiser concrètement le besoin en fonds de roulement
REPÈRES
REPÈRES
Le BFR représente une quantité d’argent nécessaire pour gérer les flux financiers de l’activité courante d’une entreprise. Le BFR opérationnel est égal à la somme des créances clients et de la valeur des stocks, diminuée des dettes fournisseurs. Les créances clients et dettes fournisseurs correspondent respectivement au chiffre d’affaires réalisé mais non encore encaissé et aux achats réalisés mais non encore décaissés du fait des délais de paiement.
Une nécessité pour les entreprises
Le manque de focalisation sur la gestion du BFR peut avoir un coût très élevé, allant jusqu’à remettre en cause la pérennité de l’entreprise. Certaines sociétés de taille moyenne en croissance forte, tournées essentiellement vers les ventes et la production, négligent cette dimension de la gestion d’entreprise. Elles se retrouvent ainsi avec des besoins qui explosent (stocks excessifs, écart entre les délais de règlement des clients et ceux des fournisseurs, etc.) qui peuvent les conduire à une rupture de liquidités fatale.
Prise de conscience
Plus récemment, la violente crise de 2007- 2009 a vu de nombreuses entreprises confrontées à une baisse brutale de leur chiffre d’affaires et à des difficultés de trésorerie.
Des besoins qui explosent peuvent conduire à une rupture de liquidités fatale
Pour beaucoup, cette situation a été aggravée par un BFR mal géré, qu’il est toujours extrêmement difficile de rationaliser dans l’urgence : confrontés eux-mêmes à des difficultés similaires, les fournisseurs refusent toute flexibilité sur les délais de paiement pendant que, symétriquement, les clients paient de plus en plus tard.
Cette crise aura toutefois eu l’avantage de faire prendre conscience à un certain nombre d’acteurs de l’importance du sujet : nous avons vu des distributeurs dans le domaine du luxe ou des cosmétiques réaliser qu’ils pouvaient tout à fait réduire leurs stocks de moitié moyennant une réorganisation intelligente de leur supply chain et de leurs assortiments, sans impact négatif sur les ventes.
Bénéfices multiples
A contrario, une gestion « au cordeau » du BFR permet de faire entrer l’entreprise dans un cercle vertueux dont les bénéfices sont multiples. Tout d’abord, la libération de liquidités correspondante dégage de nouvelles ressources pour l’entreprise, qui peut les utiliser de manière plus efficace pour l’activité en réduisant son niveau d’endettement, en finançant par exemple une acquisition ou encore pour développer de nouveaux produits.
D’autre part, l’optimisation du BFR a des impacts collatéraux sur le compte de résultat de l’entreprise, de manière évidente par la réduction des besoins en financement et donc des frais financiers, mais aussi de manière plus indirecte : la réduction des niveaux de stocks permet par exemple de réduire les surfaces d’entrepôts nécessaires (et donc le coût associé), l’automatisation des mécanismes de relance des clients ou de facturation des fournisseurs conduit à une réduction des coûts de gestion des processus correspondants, etc.
Mise en pratique
Croissance externe
Cette logique devient encore plus puissante lorsque la cible elle-même démontre des lacunes dans la gestion de son BFR : l’acquéreur profite tout d’abord de cette faiblesse (particulièrement critique en période de récession économique) pour réaliser l’acquisition puis, en optimisant le BFR de la société acquise, dégage des ressources cachées qui viennent in fine en déduction du montant déboursé pour cette opération. L’acquéreur aura pu réaliser une opération stratégique à peu de frais. Ainsi, l’optimisation du BFR permet-elle de développer un cercle vertueux de croissance externe.
La gestion rigoureuse du BFR permet de dégager des ressources qui peuvent être utilisées pour financer des opérations de croissance externe. Beaucoup d’entreprises se heurtent au mur de la mise en œuvre. Soit l’intention initiale reste un vœu pieux, soit les projets lancés se traduisent par des gains très nettement inférieurs aux attentes, soit on observe une amélioration éphémère qui ne se maintient pas dans la durée. Sur la base de nos expériences dans le domaine, il nous semble que plusieurs éléments doivent être pris en compte dès le départ pour pouvoir prétendre faire partie des meilleurs.
Positionner le sujet
Tout d’abord, il est essentiel de positionner le sujet non pas comme un sujet financier mais comme un sujet business et opérationnel. L’ambition ne doit pas être portée par le seul directeur financier, mais par le directeur général de l’entreprise et les responsables de business unit.
En effet, l’amélioration pérenne du BFR passe par de nombreux arbitrages qui concernent directement les ventes et les opérations : refuser d’engager l’entreprise sur des contrats qui dégradent le BFR, refondre la supply chain et adapter les niveaux de stocks sans risquer les ruptures ou toucher à la qualité de service, etc. Cela implique par ailleurs d’intégrer la notion de BFR dans les objectifs des managers, et de ne pas se limiter aux aspects chiffre d’affaires et rentabilité.
Créer une culture
Dans la même logique, la « culture cash » doit être comprise et diffusée à tous les échelons de l’entreprise.
L’amélioration du BFR relève d’une véritable discipline d’exécution
La pérennité de l’amélioration du BFR repose sur une prise de conscience collective de la criticité du sujet. Il est donc essentiel de mettre en place des opérations de formation adaptées aux différentes audiences, visant non seulement à faire comprendre les mécanismes et l’importance du sujet mais aussi à faire appréhender par chacun son rôle, ses leviers d’action et les outils à sa disposition.
S’imposer une discipline d’exécution
Au-delà des améliorations parfois spectaculaires que l’on peut observer lors d’opérations « coup-de-poing » en mode projet, la pérennité de l’amélioration du BFR relève d’une véritable discipline d’exécution. L’excellence dans ce domaine repose souvent sur une multitude de leviers et de systématismes impliquant de nombreux acteurs.
Il est à cet égard très instructif de constater que, avant même de renégocier les contrats clients ou fournisseurs, la stricte application des clauses contractuelles permet généralement de réaliser des gains très significatifs. La figure 1, fondée sur un cas réel représentatif, montre sur l’exemple de l’amélioration du poste créances clients que près des deux tiers des gains relèvent purement de processus internes sans nécessiter de renégociation des contrats existants.
Veiller aux détails
FIGURE 2 L’INDISPENSABLE PRAGMATISME DANS L’OPTIMISATION DU BFR |
L’amélioration du BFR nécessite avant tout de faire preuve de pragmatisme ; or, dans ce domaine en particulier, le diable est dans les détails. À titre d’exemple, il n’est pas exceptionnel de voir des entreprises négocier pied à pied des clauses contractuelles dont l’application est tout simplement impossible, faute de disposer des informations correspondantes.
Nous avons constaté, chez plusieurs entreprises s’approvisionnant auprès de fournisseurs asiatiques, des « incoterms » classiques de type FOB (Free On Board), mentionnant que le délai de paiement commence à courir à partir du chargement des marchandises à bord des navires. En pratique, l’entreprise n’assurant pas toujours la traçabilité de la date de chargement des marchandises, le fournisseur établit la facture datée de l’expédition en sortie usine et gagne ainsi une à deux semaines sur les délais de paiement.
Dans ce domaine en particulier, le diable est dans les détails
Dans un registre différent, de nombreux acteurs définissent des stocks de sécurité sur la base de formules théoriques rassurantes intellectuellement mais dont l’application conduit souvent à des stocks excessifs qu’une simple analyse historique concrète permettrait de mettre en évidence (voir figure 2).
Anticiper dès la conception
Un travers classique consiste en un BFR subi plutôt qu’anticipé. En pratique, c’est dès la conception d’un produit (choix des composants, choix de la localisation des fournisseurs et donc des délais de transport, etc.) et l’élaboration des contrats (clients ou fournisseurs) que la majorité des impacts BFR se construisent. Il est bien évidemment difficile, une fois les ventes et la production lancées, d’essayer de revenir sur les choix initiaux.
Les meilleurs utilisent la notion de BFR normatif : il consiste à définir, avant même la conception d’un produit, le niveau de BFR attendu compte tenu de la ligne de produits considérée et de la nature de l’activité. Cette notion s’accompagne de la mise en place de processus de contrôle permettant de s’assurer dès la phase de conception que le développement des ventes ne se fait pas au prix d’une dégradation du BFR. Cette approche permet aussi, avant le lancement en production, de mettre en regard la rentabilité attendue du produit avec sa consommation de cash, avec des résultats parfois surprenants.
Piloter et non subir
Enfin, la question du pilotage du BFR constitue un élément clé de la problématique. Bien souvent, là encore, les entreprises sont davantage dans une logique de constat que de réel pilotage. En particulier, il est facile de trouver de multiples raisons pour ne pas expliquer les évolutions du BFR d’un mois sur l’autre : saisonnalité de l’activité, évolution du mix des ventes et de production, etc. Les raisons d’entretenir une confusion permanente et un manque de lisibilité sont multiples (et souvent réelles).
Il est donc essentiel de mettre en place des outils simples mais robustes, permettant d’analyser les évolutions de BFR en « dépolluant » les chiffres des différents effets de mix, et de souligner les améliorations ou détériorations réelles des différents postes.
Un enjeu de compétitivité
Nous l’avons vu, la bonne gestion du BFR constitue un véritable enjeu de compétitivité de l’entreprise, exacerbé dans les périodes de difficultés économiques. Le succès dans ce domaine repose sur une alchimie complexe, une discipline d’exécution et une attention constantes.
Comme souvent, ce sont les entreprises qui auront su faire preuve d’excellence dans les périodes calmes qui seront bien gréées pour affronter la tempête.