Les archives de Gaspard Monge à l’École polytechnique
Tous les lecteurs de La Jaune et la Rouge connaissent évidemment Gaspard Monge. Même s’ils ne se sont pas particulièrement intéressés à l’histoire de leur École et à l’épopée de sa définition fondatrice, ils associent à ce personnage un certain nombre d’images.
- La géométrie descriptive, bien sûr (du moins pour ceux qui ont eu le plaisir de travailler cette matière que Bonaparte ne se lassait pas de se faire expliquer par Monge).
- “ L’amphi Monge ”.
- La campagne d’Égypte et la “ découverte ” de la raison d’être des mirages, proposée aux grenadiers de la garde avant de l’être à Dupont et Dupond dans les albums de Tintin et Milou.
- Les savants sauvant la Révolution, qui avait besoin de salpêtre autant que de bras et d’élan.
- Et, aussi, et, d’abord, la fondation de l’École, la conception de ce système de “ sélection – enseignement – débouchés” défini par Monge, d’abord, Monge, surtout, Monge qui pesa de tout son poids et de toute son influence sur le clan conventionnel des Bourguignons, sur le Premier Consul, sur l’Empereur pour “ formater ” l’École, la développer, la protéger.
Mais Gaspard Monge ne se réduit pas à ces images, ni aux définitions que l’on trouve dans les dictionnaires. Sa vie, pendant cette période où l’histoire des sciences se confondait avec l’histoire de France (pour paraphraser Michel Serres), propose bien des lectures. Celle d’un “ ascenseur social ” permis par l’excellence scientifique et le dévouement à la chose publique. Celle d’un parcours scientifique multidisciplinaire, éclairant de multiples aspects mathématique, physique, chimique, géographique grâce à un appétit prêt à répondre à toutes les sollicitations, celles de l’Institut comme celles de ce qui était, sans en porter le titre, la “ délégation générale à l’armement ”.
Celle d’un parcours politique avec ses fidélités et ses reniements, davantage de fidélités que de reniements. Celle d’un parcours de grand commis de l’État, exemple de la “ société civile ” venu au(x) gouvernement(s) pour être ministre, ou membre du Conseil des Cinq-Cents, ou commissaire des Arts et des Sciences en Italie, ou plénipotentiaire, ou sénateur, ou président du Sénat. Celle d’un époux toujours proche de sa chère Marie, à qui il a écrit des centaines de lettres postées du Caire, comme de Campo Formio ou de Liège, et de ses deux filles.
Les archives de Gaspard Monge qui viennent, début juin, de rejoindre la bibliothèque de l’École polytechnique ont été détenues et préservées depuis deux siècles par la famille, plus précisément par les descendants de l’une de ses filles, Lucie.
Gaspard et Marie Monge avaient gardé beaucoup de documents, “privés” (leurs lettres) ou “publics” (documents de ministère, ou de commission officielle).
Les spécialistes des archives savent que, à cette époque, le devenir des archives de gouvernement ou d’administration était loin d’être formalisé : beaucoup de hauts personnages les emportaient (précaution ou désir d’écrire des mémoires), d’autres les détruisaient (Gaspard Monge, pris de panique, en a brûlé une partie en 1815), d’autres les vendaient (il n’y a pas de petits profits). Ne leur jetons pas trop vite la pierre : combien de documents sont passés dans des coffres privés ou à la déchiqueteuse dans nos cabinets ministériels lors des changements de gouvernement, au mépris des règles désormais bien plus précises relatives aux archives publiques ?
Soyons donc reconnaissants aux quelques générations des descendants de Monge, les Eschassériaux, les Chaubry, pour avoir pris soin de ces documents, les avoir “ enrichis ” à l’occasion en recherchant des pièces chez les “ correspondants ”, les avoir transcrits et classés, en avoir parfois autorisé la lecture avec un soin jaloux… ce qui compliquait le travail des historiens mais avait aussi son bon côté, d’en éviter la dispersion et la perte.
Soyons leur reconnaissants aussi, à la nième génération, d’avoir approché la communauté polytechnicienne pour proposer que ces archives deviennent, désormais, sa propriété – “ notre propriété ”.
Grâce à l’AX, qui a décidé très vite de répondre favorablement à ma suggestion et accepté de racheter ces archives ; grâce à l’École et à sa bibliothèque, qui ont accepté de prendre la responsabilité de ces caisses de documents pour, très bientôt, les ranger, reproduire partiellement, exploiter ; grâce à la Sabix, qui a joué son rôle de “ go-between ” entre toutes les parties et proposé un montage qui leur convienne, à toutes, voici donc le fonds “ Gaspard Monge ” affecté à l’École polytechnique – un autre de ses enfants.
Nous aurons, dans quelques mois, l’occasion de revenir dans La Jaune et la Rouge sur la description précise de ce fonds en proposant une première analyse de ce qu’il contient, une approche critique des travaux d’historiens déjà permis par leur consultation, une approche prospective des travaux futurs qu’il nous faudra encourager.
Nous espérons pouvoir aussi organiser (en 2003?) un colloque “autour” de ces archives et de Gaspard Monge, et faire signe à cette occasion aux associés de la Sabix et aux lecteurs de La Jaune et la Rouge intéressés par cet étonnant personnage.
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Gaspard monge examinateur de marine
Je vous informe de la publication de mon livre « Le collège de Neptune » qui relate l’histoire du collège naval d’Alais(1786/1792) où Gaspard Monge exerça comme examinateur.
Ce document inédit sur la vie des élèves et les professeurs est préfacé par le Cdt de l’Ecole navale et le chef d’etat major de la marine.
Editions les presses du midi.
C. Rouqette