Itinéraire d’un enfant du siècle
Ancien de la promotion 1913 et ultérieurement surnommé par celle-ci “ le bonze ”, Philippe Barbier Saint Hilaire est devenu théosophe à l’issue de la Grande Guerre et a alors renoncé à la carrière d’ingénieur des Ponts et Chaussées au profit d’une recherche spirituelle personnelle. Il partit pour le Japon puis, après un périple en Extrême-Orient, il s’arrêta définitivement à Pondichéry pour y suivre l’enseignement de Sri Aurobindo Ghose.
Ce sage avait été pendant une première partie de sa vie un autonomiste, autonomiste violent à la différence de Gandhi, puis il avait choisi de mener une vie consacrée au yoga et à la méditation sur l’évolution de l’humanité. PBSH participa à l’expansion de l’Ashram créé par Aurobindo et fut l’animateur réaliste et concret de son développement économique et scientifique.
Tournant délibérément le dos, et pour toujours, au mode chrétien de pensée, il tint cependant à sauvegarder ses liens familiaux à travers une correspondance jamais lasse dans laquelle il entreprit de faire comprendre, ou tout au moins de faire accepter par les siens, les raisons profondes de son choix de vie.
C’est cette correspondance que notre camarade de promo, son neveu et homonyme, nous propose dans ce livre.
Relations avec sa famille
Il voulut, malgré l’éloignement, conserver par la pensée un contact fort avec les siens et rester présent auprès d’eux. Toute sa vie, il suivit l’évolution de sa famille restée en France. Toutes ses lettres témoignaient de son profond respect pour son père et de son désir de lui faire accepter sa démarche, sinon de le convaincre. Il voulait maintenir son autonomie par rapport à ses parents et rejeter le conformisme de la société à laquelle il avait appartenu. Il avait la volonté de maintenir des liens avec les siens, mais il demandait à sa famille de l’accepter tel qu’il était, tel qu’il se voulait, tel qu’il était devenu après des années de travail intérieur et d’efforts. Il est clair qu’il se sentait à l’aise et en harmonie avec lui-même comme avec le monde.
Sa famille ne l’a jamais revu après son départ de France ; mort il y a trente ans, peut-être l’a‑t-on un peu oublié, mais sa correspondance dégage une formidable force d’interpellation pour son neveu et pour le lecteur que nous avons été !
Une démarche personnelle
Guidé par son guru, il poursuivit sa recherche mystique. Sa démarche excluait tout dogmatisme, traduisant ainsi sa grande authenticité, sa tolérance comme son refus d’embrigadement. Il n’édictait pas de règle pour les autres, chacun devant trouver sa propre vérité par une recherche personnelle. Sa démarche était sans prosélytisme.
PBSH s’est projeté dans un autre monde ; il a ainsi suivi un parcours original à cette époque, courageux, authentique et indépendant. On ne peut qu’être séduit par cette personnalité attachante qui a décidé, sans jamais faillir, d’aller au bout de son exploration.
Une personnalité équilibrée
Sa vie intérieure ne semblait pas contrarier une totale ouverture au concret. La nécessité de subvenir à ses besoins était acceptée sans que cela paraisse lui poser de questions, bien au contraire. Il a travaillé au Japon comme chimiste dans une entreprise de cosmétiques ; il est devenu la cheville ouvrière de l’Ashram. Il assumait sans rechigner et même adhérait avec plaisir à la règle du jeu : travailler pour assumer sa vie matérielle.
C’est aussi un passionnant témoignage sur le Japon, sur la Mongolie-Intérieure puis sur l’Inde des années trente à soixante. Mais nous avons regretté que les observations du voyageur sur l’Asie d’avant-guerre comme sur l’Inde d’après l’Indépendance ne soient plus développées ; il est dommage, de même, que sa correspondance n’éclaire pas mieux son cheminement à l’époque de sa mutation entre l’élève, l’officier et le religieux : quels événements, quelles réflexions l’ont-ils amené à ses choix ?