Militaires, Toréadors et autres gourmets
Lorsque j’entre Chez Carmen, à Toulouse, la salle est bondée, le garçon me cherche « un coin de table ». Il n’a pas été facile pour moi de choisir un endroit à votre convenance dans cette ville où abondent les bonnes adresses. J’ai donc suivi les conseils de vos camarades gascons.
« Qu’est-ce qu’on mange ? »
Première impression : une clientèle élégante et surtout masculine a remplacé les chevillards. À l’évidence, on ne vient pas Chez Carmen pour un repas frugal ou une petite salade.
Le serveur revient vers moi : « Alors qu’est-ce qu’on mange ? » Il est toulousain, cela ne fait aucun doute, familier comme il se doit en ces lieux où la chère est bonne et abondante, restaurant traditionnellement populaire.
M. et Mme Carmen ont ouvert cette « affaire » située en face des anciens abattoirs de la ville de Toulouse, dans le quartier Saint- Cyprien, alors que veaux, vaches, cochons beuglaient et grognaient encore à la porte.
« Alors qu’est-ce qu’on mange ? » Le choix est difficile, la carte est riche, toutes sortes de pièces de viande, bien entendu. La maison a conservé sa tradition bouchère.
On n’abat plus les animaux juste en face, les chevillards n’apportent plus à Mme Carmen leurs morceaux « prélevés directement sur la bête» ; malgré cela, son fils et maintenant son petit-fils ont su conserver cette qualité incomparable.
J’ai le plaisir et le privilège d’être servie par Olivier, le petit-fils des fondateurs de cette institution, qui compte aujourd’hui trois adresses dans la Ville rose et, si j’en crois la rumeur polytechnicienne, toutes trois généreuses aux gosiers.
Secrets de fabrication
Pour l’entrée, j’ai choisi une salade de pot-au-feu : original et succulent, j’en suis encore tout émue. Je questionne le patron, c’est tellement bon. Mais malgré mes menaces, il gardera jalousement le secret de cette vieille recette concoctée par sa grand-mère.
Bien que repue, le devoir m’entraînant aux pires excès, j’ai choisi un plat. Le garçon m’apporte un onglet à l’échalote, rien à dire : cuisson parfaite, viande tendre et goûteuse, sauce exactement assaisonnée. C’est accompagné d’un joli bol en terre cuite rempli de frites maison, je n‘en laisse pas une. Mes voisins non plus.
La carte des vins est plutôt riche, presque trop. Il y en a de toutes les régions, pour tous les goûts et tous les portefeuilles ; de quoi étourdir don José. J’aurais préféré un choix plus restreint et plus « ciblé », je me contente d’un pichet de cabardès AOC à cinq euros. Olé !
Agaceries tripières et plats canailles
Çà et là, on sert : terrine de pieds de cochon ou de veau arrangée au piment d’Espelette, côtes, entrecôtes, cassolettes d’escargots, déclinaisons de foie gras, pot-au-feu et son os à mœlle, souris d’agneau rôtie à l’ail, langue de veau, canards et j’en passe, toutes agaceries tripières et plats canailles de l’abattoir.
Bien que trop rassasiée, mais on ne vient pas ici pour les desserts, je finis sur un café gourmand respectable. Je n’ai pas osé le baba au rhum ou le mille-feuille que me recommandait très chaudement le garçon.
Les capitouls ont tranché
Les clients s’attardent, les tablées sont joviales, voire chantantes, couvées par le patron et les garçons à la présence chaleureuse et prévenante.
Le tout dans un décor simple qui n’oublie pas les anciennes générations de Carmen : tableaux, photos d’antan, trophées, et même le diplôme d’honneur de la ville. Les capitouls ont tranché : c’est ici qu’il faut se sustenter.
___________________________
Chez Carmen, 97, allée Charles-Fitte 31300 Toulouse
Tél. : 0561590659.
www.chezcarmen.fr
4 Commentaires
Ajouter un commentaire
Bien vu, cette rubrique nous
Bien vu, cette rubrique nous fait rire ! Nous allons essayer ce restaurant.
chez Carmen
Bravo pour cet article, très drôle et divertissant. je note 5/5
bravo, et merci pour cet
bravo, et merci pour cet article parfaitement ecrit et très amusant. Cela donne vraiment envie d’y aller.
Militaires, toréadors et autres
Chez Carmen, le plaisir des papilles est donc au rendez-vous ! C’est important « car men » aime les bons plats ! Ineffables parfums de rouges fruits confits, délicates saveurs âpres de raisins mûrs. Pied de cochon sans son évêque. Il viendra encore à la table s’ajouter l’intime chaleureux et le vin vermillon. L’ivresse est profonde et la narcose embellit l’instant si fugace au potron-jacquet azur sans tramontane pour l’addition. Bravo pour cet article qui me fait penser à un Pudlowski des grands moments. 18 sur 20 est largement mérité !…