L’Aigle et le Pinson
Le pinson picorait quelque crottin fumant
Laissé sur le pavé par un cheval de fiacre.
Un aigle cependant bravant cette odeur âcre
Quitta son nid hautain proche du firmament
Et ses serres griffues enlevaient le pinson
Sans attendre de lui la moindre gratitude.
D’ailleurs de son gosier serré d’inquiétude
On ne pouvait attendre que de bien faibles sons.
Pourtant l’oiseau cria : je quitte pour ton aire
Un nid douillet, bien chaud, et, ma foi, confortable.
Je préfère être tué et servi à ta table
Plutôt que congelé dans un tel frigidaire.
L’aigle répondit : non, car tes muses te suivent,
Elles vont tout là-haut respirer un air pur
En quittant tes jardins petits bien clos de murs.
Les maigres clavecins vont entendre les cuivres
Prêter leur souffle immense aux vieux alexandrins
Mais ce souffle opportun qui brave les orages
Laissera les humains dans l’ombre des nuages
Qui leur cachent les cieux sans masquer leurs chagrins.