Magie du champagne : Krug

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°537 Septembre 1998Rédacteur : Laurens DELPECH

Le fon­da­teur de la dynas­tie des Krug, Joseph Krug, naquit à Mayence en l’an 1800. Les archives de la famille ayant dis­pa­ru en 1915 lors d’un bom­bar­de­ment alle­mand, il n’est pas facile de savoir quand il est arri­vé en France.

On sait tou­te­fois de façon cer­taine qu’il épou­sa en 1841 Miss Emma Jau­nay, à l’ambassade d’Angleterre à Paris et qu’en 1843 il acquit à Reims un ensemble de bureaux et de caves des­ti­né à abri­ter la firme de cham­pagne por­tant son nom. Krug était né : une petite firme déci­dée à faire le meilleur cham­pagne du monde.

Comme Dom Péri­gnon, Joseph Krug était un génie de l’assemblage. Il ne pos­sé­dait pas de vignes, il ache­tait les vins tran­quilles pour les assem­bler et faire son cham­pagne. Joseph Krug pen­sait qu’un pro­duc­teur de cham­pagne devait se concen­trer sur son métier et ne pas faire celui du vigne­ron, tout comme un indus­triel du tex­tile ne se mêle pas d’élever des moutons.

Cette saine concep­tion du métier leur per­mit de faire pen­dant près de cent cin­quante ans un cham­pagne déli­cieux, que le monde entier s’arrache, le Krug Grande Cuvée, confor­mé­ment à une concep­tion très cham­pe­noise du vin, qui fait pré­va­loir l’assemblage de vins pro­ve­nant de diverses vignes, de divers cépages et de diverses années. Cepen­dant, démon­trant une fois de plus qu’il y a tou­jours une excep­tion qui confirme la règle, les Krug ont acquis en 1971 le Clos du Mesnil.

Le Clos du Mesnil

Appe­lé Clos Tarin, du nom de son ancien pro­prié­taire, par les vil­la­geois du Mes­nil-sur-Oger, un vil­lage situé au centre des plus beaux vil­lages de la Côte des Blancs, c’est en fait l’ancien Clos créé par le monas­tère béné­dic­tin du Mes­nil, qui a gar­dé la même confi­gu­ra­tion depuis 1698. Le Clos fait 1,87 hec­tare, presque la super­fi­cie de la Romanée-Conti.

La pre­mière déci­sion des Krug fut de res­tau­rer le vignoble. Leur idée de base n’était pro­ba­ble­ment pas de créer un cru, une idée très éloi­gnée de leurs tra­di­tions, mais plu­tôt de com­men­cer à acqué­rir des vignes de bonne qua­li­té pour sécu­ri­ser leur appro­vi­sion­ne­ment en rai­sin en une période d’expansion des ventes de cham­pagne en France et à l’étranger, où le moindre “ livreur ” qui vivait aupa­ra­vant des achats de rai­sin par les mai­sons de cham­pagne rêvait de se mettre à son compte pour faire lui-même du champagne.

Du reste, le pre­mier mil­lé­sime du Clos du Mes­nil ne date que de 1979 et n’a été com­mer­cia­li­sé qu’en 1985, soit qua­torze ans après l’achat du Clos.

En tout, Krug est pro­prié­taire de huit hec­tares à Aÿ et de six au Mes­nil. Ces vignes sont toutes celles de grands crus clas­sés 100 %. Depuis le début des années 80, Krug appar­tient au groupe Rémy-Coin­treau, mais la famille reste aux com­mandes, Hen­ri Krug se char­geant de la vini­fi­ca­tion et Rémi de la commercialisation.

Krug a appli­qué au Clos du Mes­nil ses tech­niques tra­di­tion­nelles de vini­fi­ca­tion en petits fûts de chêne usa­gés de 205 litres. Il faut dire que plan­tée en pente douce et orien­tée vers le sud-est, cette vigne ne pou­vait être consi­dé­rée que comme for­mant un ensemble, notam­ment en rai­son de la pré­co­ci­té de ses rai­sins. Si vous inter­ro­gez les Krug, ils ne vous diront jamais que le Clos du Mes­nil est supé­rieur à la Grande Cuvée, pour eux com­pa­rer ces deux cham­pagnes, c’est ten­ter de com­pa­rer une sym­pho­nie à une sonate…

Le Clos du Mes­nil est un vin de carac­tère qu’il faut savoir lais­ser vieillir, mais tous les cham­pagnes de Krug sont des vins de carac­tère, qu’il faut attendre. Par exemple, si vous ache­tez aujourd’hui une Grande Cuvée, théo­ri­que­ment déjà prête à boire car elle aura pas­sé six ans dans les chais de la mai­son Krug avant d’être mise dans le com­merce, n’hésitez pas à la lais­ser encore vieillir un an ou deux, si vous avez la chance de pos­sé­der une bonne cave. Le Krug Grande Cuvée repré­sente 80 % de la pro­duc­tion de la mai­son. Il existe aus­si un Krug rosé (déli­cieux) et quelques mil­lé­si­més, dont de très vieux millésimes.

Comment les boire

Comme tous les cham­pagnes, les cham­pagnes Krug sont de mer­veilleux vins d’apéritif, très agréables à boire lorsque le palais est vierge de tout goût et qu’on peut en appré­cier le charme et la finesse. Leur carac­tère vineux en fait aus­si les com­pa­gnons de beau­coup de plats. Étant don­né leur qua­li­té et leur prix, on pri­vi­lé­gie­ra les accords d’exception : lan­gous­tines, tur­bot rôti, foie gras (en ter­rine ou poê­lé), gibiers à plume, plats à base de morilles.

L’accord avec les fro­mages peut sur­prendre et fait l’objet de batailles d’experts, sou­vent inté­res­santes mais assez théo­riques ; il faut s’en tenir à mon avis à un cri­tère simple et ten­ter l’accord avec des fro­mages pro­ve­nant lato sen­su de la même région : Époisses, Maroilles, voire Brie. Ces mêmes experts se déchaînent géné­ra­le­ment contre l’idée de ser­vir du cham­pagne en fin de repas, la rela­tive aci­di­té du vin s’accordant mal avec le sucre.

À mon avis, ce n’est pas vrai pour les très bons cham­pagnes car leur mousse cré­meuse et la finesse de leurs bulles contri­buent à main­te­nir un cli­mat d’euphorie et de détente bien agréable.

Commentaire

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alexrépondre
25 janvier 2017 à 4 h 59 min

Invi­té à un pro­gramme de neuf
Invi­té à un pro­gramme de neuf à la réunion, le cham­pagne était ser­vit avec du fro­mage, il n’é­tait pas très bon ou bien le choix du fro­mage n’al­lait pas avec le cham­pagne. Chez moi je le sers en apé­ri­tif et au des­sert, je trouve qu’il s’ac­corde bien avec le sucré.

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