La ruée vers l’intelligence
On connaît le bonheur d’écriture de notre camarade Stéphane Marchand. Il l’applique cette fois à l’intelligence – entendez la recherche scientifique –, facteur essentiel de développement des nations dans la compétition économique mondiale.
La guerre pour disposer des meilleurs cerveaux, soit en les formant, soit en les attirant, est déclenchée. Partout universités, laboratoires (les deux sont maintenant le plus souvent liés), organismes de recherches se livrent un combat sans merci mesuré par les publications scientifiques, la reprise de ces publications, les dépôts de brevets et la création de start-up au sort incertain, sauf pour la fraction d’entre elles qui rend disponible une nouvelle technologie.
Recherche fondamentale et recherche appliquée s’adossent et débouchent sur des bonds d’intelligence lorsque la liberté de chercher (le « penser à côté » d’Einstein) et la rigueur (l’excellence jugée par les grands pairs) sont au rendez-vous.
Dans une première partie, l’auteur passe en revue les batailles de l’intelligence en astrophysique, neurosciences (là où on étudie l’intelligence de l’intelligence), imagerie médicale, mathématiques qui utilisent les théories les plus anciennes aussi bien que les plus modernes (fractales, chaos) pour faciliter le décryptage du génome ou la prévention des crises d’épilepsie, le stockage de l’électricité, etc.
Dans une seconde partie, il dresse le tableau de la géopolitique de l’intelligence. Les pays occidentaux, et singulièrement les États-Unis, y ont longtemps tenu la corde grâce à leurs systèmes d’enseignement supérieur, et les universités et laboratoires américains demeurent la plus formidable place forte dans cette bataille dont jailliront les innovations d’aprèsdemain.
Mais désormais le monde émergent, et tout particulièrement la Chine, fait sentir son désir de participer à la conquête du savoir et des technologies. L’auteur brosse le portrait des chercheurs les plus en vue dans les laboratoires de pointe de notre planète. Et il les trouve également dans les pays arabes, armés de leurs pétrodollars, aussi bien que dans de petits pays comme Israël, la Suisse et Singapour.
L’Europe n’est pas trop mal placée, avec une prime à la Grande-Bretagne en biologie.
Les chiffres de la France ne sont « ni glorieux, ni honteux ». Avec les défauts d’un vieux pays de recherche dans lequel ont prospéré une accumulation de niveaux de contrôle et un système universitaire en pleine évolution, elle reste une puissance en matière de recherche, et ses chercheurs sont courtisés dans le monde entier.
Quant à l’Inde, elle finira par monter dans le train de l’excellence scientifique qui va permettre à la Chine de donner à son gigantesque atelier industriel un nouvel élan par la recherche.
Ainsi se développe la guerre pour les cerveaux, nouvel enjeu de compétition entre les nations. La mondialisation a fait de l’intelligence le grand levier de la compétitivité, et c’est désormais la géopolitique de l’intelligence qui va aimanter le monde.
Qu’il s’agisse des nanotechnologies, des biotechnologies, des technologies de l’information, des sciences cognitives, du cosmos ou de la quête d’une batterie efficace pour la voiture électrique, Stéphane Marchand nous fait pénétrer au cœur des archipels d’intelligence qui construisent notre avenir.