Mais pourquoi tant de monde s’intéresse-t-il à la Suède ?
Des performances enviables
Des performances enviables
Si tant de monde s’intéresse à la Suède, c’est avant tout pour ses performances économiques : PIB par habitant de plus de 40 000 euros (soit un tiers de plus que la France ou l’Allemagne), croissance économique supérieure d’un point à la France depuis plus de quinze ans (et à nouveau en 2012, et encore en 2013 selon le consensus des prévisionnistes), taux d’emploi élevé (74 % en 2012 contre 64% en France), y compris pour les femmes (72% contre 60% en France) et les seniors (73 % contre 45 % en France), excédent commercial de 6% du PIB, bonne compétitivité (la Suède est en particulier dans le trio de tête des classements du type forum de Davos) sans modération salariale grâce notamment à un important effort en R&D (3,4% du PIB en 2011 contre 2,3 % pour la France), pays noté AAA par les trois principales agences de notation, avec des finances publiques en très bon ordre (déficit public limité à 0,7 % du PIB durant la crise de 2008–2009 et retour à l’équilibre budgétaire dès 2010, dette publique de seulement 40 % du PIB), etc.
Sur le terrain social et sociétal, laSuède affiche un beau palmarès
Sur le terrain social et sociétal, la Suède affiche également un beau palmarès : espérance de vie en bonne santé élevée (71,7 ans pour les hommes, contre 61,8 en France), faibles inégalités de revenus (coefficient de Gini parmi les plus faibles d’Europe), bonheur (comme en témoignent par exemple les réponses à l’Eurobaromètre ; de plus, contrairement à un mythe répandu, les Suédois ne sont pas suicidaires avec environ 12 décès par an pour 100 000 habitants, contre 16 en France), grande confiance dans les institutions (environ 60 % des Suédois ont ainsi confiance dans leur gouvernement et leur parlement, contre la moitié des Français) et dans les autres, qualité de l’environnement avec 48% de sources renouvelables dans la consommation finale d’énergie, soit la part la plus élevée de l’Union européenne (13% en France).
Malentendus, mythes et réalités
L’intérêt pour la Suède tient aussi à son « modèle », attractif dans une perspective française parce qu’il associe une bonne croissance (et plus généralement de bonnes performances économiques) et un État-providence généreux.
Les Suédois sont habitués à des relations interpersonnelles apaisées
Pour autant, ce concept de « modèle suédois » est trompeur car il renvoie à deux réalités (voire plus, l’expression tendant à devenir un fourre-tout souvent mal documenté).
Le « modèle suédois » originel, qui a servi de référence dans les années 1960 comme « juste » milieu entre le capitalisme anglo-saxon et les économies socialistes soviétique ou chinoise, renvoyait au modèle économique ébauché dans les années 1930 et théorisé en 1951 par deux syndicalistes.
Ils appelaient à une social-démocratie fondée sur l’acceptation d’une économie de marché, une politique macroéconomique visant le plein-emploi, un État-providence généreux, des inégalités salariales faibles et un consensus social fort (ancré dans le compromis des accords de 1938 entre les partenaires sociaux).
Le principal dérapage de ce modèle et de la Suède des années 1970 et 1980 a concerné la maîtrise de l’inflation (en pratique autour de + 10 % par an) qui a, avec la déréglementation rapide du crédit, conduit le pays à une grave crise financière puis économique au début des années 1990.
Un « nouveau modèle suédois »
Pas de miracles
Au-delà de ce malentendu sur le concept, le « modèle suédois » est parfois présenté, à tort, comme une boîte à outils miraculeuse pour allier croissance économique et protection sociale. Or, d’une part les solutions trouvées en Suède correspondent à un contexte culturel, social et politique spécifique et il serait naïf de chercher à les copier dans un autre pays sans réflexion, d’autre part la réalité du modèle social suédois est assez éloignée de la représentation qui en est souvent donnée.
Ainsi, si l’État-providence suédois offre un confort quotidien pour tous (congés parentaux longs, garantie d’accès à une place en crèche pour tous les enfants, gratuité des cantines scolaires du primaire au lycée inclus, salaire étudiant sans conditions de ressources des parents, etc.) et une bonne couverture des « accidents de la vie » les plus graves, la générosité est limitée et encadrée pour les autres situations.
C’est particulièrement le cas, par comparaison avec la France, dans le domaine de la santé avec, par exemple, des tickets modérateurs très « mordants » (environ 23 euros de reste à charge pour une consultation de médecin et 40 euros pour un spécialiste, dans la limite de 130 euros par an).
Après la crise du début des années 1990, la Suède s’est profondément transformée, laissant place à un nouveau « modèle suédois » à l’inflation contrôlée, aux finances publiques solides (grâce notamment à une nette baisse de la dépense publique, passée de 72% du PIB en 1993 à 55 % en 2000 et 52 % aujourd’hui, soit moins qu’en France), à l’économie résolument tournée vers l’extérieur (avec une part des exportations dans le PIB qui est passée de 28 % en 1992 à 50% aujourd’hui et avec une importance grandissante de nouveaux partenaires commerciaux à forte croissance – BRICS, Arabie Saoudite, Pologne, Turquie) et aux services publics fortement libéralisés, tout en conservant un État-providence parmi les plus généreux du monde.
Un « modèle » différent de management
Les Suédois sont habitués à des relations interpersonnelles très apaisées, notamment à l’oral, et reçoivent très mal la critique (dans laquelle ils englobent très souvent l’absence de compliment). C’est donc sans surprise que le souhait du Français d’avoir une conversation franche et sans détour, de tout mettre sur la table, voire de « s’engueuler » un grand coup, déstabilise profondément le Suédois.
Ce fossé culturel, très souvent sous-estimé de part et d’autre, se traduit par des fonctionnements très différents dans la gestion de projet et la prise de décision : les réunions adoptent en Suède un format très collégial, avec un rôle mineur de la hiérarchie (seuls 7 % des Suédois estiment que leur manager doit pouvoir apporter une réponse aux problèmes rencontrés, contre 61% des Français), et les décisions sont prises sur la base du consensus.
La Suède offre des perspectives intéressantes pour nos entreprises
Ainsi, quand les ingénieurs français s’appuient sur un arbre des possibles et une analyse rigoureuse et scientifique (issue des grandes écoles), les Suédois avancent au feeling du groupe (« si tout le monde est d’accord, ce doit être une bonne idée »), prenant davantage de risques.
En pratique, la décision finale (et la responsabilité liée) relève en Suède comme en France du manager, et les efforts de persuasion autour de la machine à café ne manquent pas (les Suédois sont les deuxièmes plus gros consommateurs de café par habitant, derrière leurs voisins finlandais), mais le processus diffère.
Importance de la famille
Pas de code hiérarchique
Une caractéristique surprenante de la pratique suédoise en entreprise tient à l’absence quasi totale de code hiérarchique dans l’organisation et dans les relations entre employés et managers, dans le public comme dans le privé. Par exemple, le P‑DG d’Ericsson déjeune ainsi régulièrement à la cantine tandis que les journalistes tutoient le Premier ministre. Côté administrations, les pratiques managériales diffèrent aussi de nos habitudes puisque les agents publics n’ont pas de statut particulier mais un contrat de travail de droit privé.
Le management suédois intègre aussi l’importance de la famille en Suède et notamment (en comparaison avec la France) de la paternité (les jeunes pères, en congé parental, se promenant avec une poussette sont légion dans les rues de Stockholm). Ainsi, de nombreux Suédois (à tous les niveaux hiérarchiques) finissent vers 16 heures (sachant qu’il fait nuit dès 15 heures à Stockholm en hiver) pour récupérer les enfants à la crèche ou à l’école et dîner (tôt) en famille, avant de se reconnecter sur leur travail, depuis le domicile.
Au total, la pratique managériale suédoise n’est pas un modèle à importer d’urgence, mais de nombreux managers français présents (ou passés) en Suède témoignent d’une remise en question enrichissante de leurs habitudes et convictions.
Un camp de base pour explorer le marché nordique
Si la Suède, comme chacun des autres pays nordiques pris séparément, constitue souvent un trop petit marché pour être dans le radar des entreprises exportatrices françaises, la très forte intégration de la zone nordique permet d’adopter une approche globale de ce marché. En effet, non seulement le secteur bancaire est partagé avec six « grandes banques nordiques » présentes sur toute la zone et les États de la zone partagent le capital de plusieurs des grandes entreprises de réseaux et de services publics, mais cette intégration se retrouve aussi au plan commercial.
Ainsi, les entreprises nordiques comme les grands groupes étrangers abordent les quatre pays nordiques comme un marché unique, avec, par exemple, des produits de grande consommation souvent identiques dans toute la zone et un étiquetage dans les quatre langues (et sans l’anglais).
Un îlot de croissance
Si vous envisagez un projet en Suède
Pour en savoir plus sur l’économie suédoise (en français) :
www.tresor.economie.gouv.fr/ pays/suede
Pour vous accueillir et vous aider lors de vos premiers pas en Suède, ou tout simplement pour échanger sur les thèmes de cet article :
suede [at] xmpscandinavie. polytechnique.org
Pour vous aider dans vos démarches en Suède, mais aussi pour vous accompagner dans votre exploration des marchés suédois et nordique ou dans une mission de découverte ou d’étude de la Suède :
info [at] ambafrance-se.org
Or, prise dans son ensemble, la zone nordique offre un marché intéressant (et encore sous-exploité par les entreprises françaises), compte tenu de sa taille (avec un PIB d’environ 1 200 milliards d’euros, soit nettement plus que le marché espagnol), de son haut niveau de pouvoir d’achat (25 millions de consommateurs avec 40 000 euros de PIB par habitant, contre 30 000 euros en Allemagne) et de sa croissance durablement plus forte que la moyenne de l’Union européenne.
De plus, le marché nordique présente aujourd’hui, dans un cadre réglementaire et juridique très proche de la France (la zone nordique n’est pas la Chine), un îlot de croissance dans une Europe en récession.
Outre ces opportunités d’affaires sur la zone, la Suède offre des perspectives intéressantes pour nos entreprises, avec notamment le besoin de renouvellement du parc nucléaire (la Suède possède, comme la France, une capacité nucléaire installée parmi les plus élevée d’Europe), le chantier de la source européenne de spallation ESS à Lund, les importants investissements lancés dans les infrastructures de transport ferroviaire et l’excellence du secteur des NTIC.
Enfin, la Suède a un tissu industriel similaire à la France, avec de grandes multinationales (et 26 entreprises dans le Forbes Global 2000, soit autant que l’Italie ou l’Espagne : Volvo, Ericsson, Atlas Copco, H&M, Ikea, etc.) qui représentent plus de 100 000 emplois directs en France et offrent des opportunités de sous-traitance pour nos entreprises.
Les habitués des benchmarks en connaissent bien les limites et les risques de simplification abusive. Qu’il s’agisse de politiques publiques ou de pratiques managériales, la Suède n’offre aucune solution miracle et ne constitue pas un modèle. Mais l’observation de « l’expérience suédoise », de ses pratiques et habitudes différentes des nôtres, permet de mettre en perspective ce que nous estimons parfois acquis, indispensable ou efficace.
En dehors de ses performances, la Suède offre aussi un marché et une tête de pont pour explorer les nombreuses opportunités d’affaires de la zone nordique. De quoi justifier, au-delà des effets de mode, un (regain d’) intérêt pour la Suède.
XMP-Scandinavie
Créé en 2011, le groupe XMP-Scandinavie, qui rassemble 48 personnes, dont une douzaine basée en Suède (à Stockholm et Malmö-Lund), est prêt à vous accueillir et à vous aider : gestion de carrière (réseau), études ou recherche d’emploi en Scandinavie, mais aussi, tout simplement, aide face aux petites difficultés de la vie courante d’un expatrié. En effet, si 90 % des Suédois parlent anglais (contre la moitié des Français, source Eurostat), le différentiel socioculturel franco-suédois est très important, largement sous-estimé, et peut conduire à des pertes de temps et à une certaine frustration que quelques conseils vous éviteront.
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Un « modéle suédois » efficace. S’en inspirer, mais comment ?
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Manque peut-être les nombres respectifs de brevets par habitant, un ratio de deux, il me semble, qui enfonceraient un peu plus le clou là où ça fait mal, si j’ose m’exprimer ainsi