Pour déguster le meilleur mikho de Paris, courez au My Tho
Non loin de la Boîte à claque, ce fut le point de ralliement des réfugiés et anciens d’Indochine, comme l’épicerie Than Bin, et bien avant la grande vague d’immigration vietnamienne, bien avant les frères Tang et la multitude de restaurants sinovietnamiens de Paris.
La salle n’a guère évolué depuis des lustres, l’énorme réfrigérateur a quitté les lieux, les couleurs des murs ont changé, le rouge sang-de-boeuf traditionnellement asiatique a laissé place à un jaune lumineux agrémenté de quelques jolis portraits d’artistes vietnamiens. Pour le reste, rien n’a changé, les chaises sont toujours aussi peu confortables, les tables et le bar sont disposés à l’identique. Sobriété.
Seule la vaisselle cède à la tendance du design carré, rendant plus complexe la consommation du mikho (soupe chinoise sans bouillon), du phö (soupe tonkinoise) ou du hu-thiu (soupe saïgonnaise au bouillon), pourtant si délicieux qu’on aimerait pouvoir y bâfrer rituellement avec nos baguettes.
Il faut dire que la jeune et accueillante propriétaire m’a dévoilé qu’elle avait récupéré l’ensemble des recettes et savoir-faire de ces premiers prédécesseurs. Les pâtes, fraîches, sont faites maison. D’où ce sentiment de vérité au fond des bols.
Le prix est en rapport avec la qualité des mets : il est loin le temps où l’énorme bolée de soupe coûtait cinq francs, mais, puisque le goût, la finesse, et le sourire sont restés, nous sommes prêts à nous adapter à l’inflation, somme toute raisonnable. Même si les quantités et l’environnement se sont adaptés à l’air du temps, sveltesse oblige.
Je suis restée fidèle au My Tho, où j’allais déjà avec ma Vietnamienne de mère et depuis une quarantaine d’années, j’y retrouve ma madeleine annamite avec plaisir. Les habitués n’ont pas changé (n’allez pas croire que j’ai cent douze ans), certains sont partis, leur descendance les a remplacés.
Allez‑y, vous y dégusterez un parfum d’autrefois et y croiserez autochtones et globe-trotters.