Former les manageurs de la transition
Pour contribuer avec le maximum de valeur ajoutée à la transition énergétique, les « manageurs de demain » doivent considérer les trois piliers complémentaires qui se dégagent des travaux de réflexion prospective et de modélisation sur la transition énergétique.
Trois piliers
Le premier se situe du côté de l’offre. Il concerne le déploiement de technologies nouvelles plus propres, c’est-à-dire économes en ressources rares et en émissions de gaz à effet de serre : énergies renouvelables et nucléaire, procédés industriels moins énergivores, mais aussi technologies de récupération et de stockage, du CO2 par exemple.
REPÈRES
Réfléchir sur l’enseignement de la transition énergétique a comme préalable une réflexion prospective sur les transformations à anticiper. Cette réflexion est aujourd’hui très active. Mais elle demeure marquée par beaucoup de controverses et incertitudes. Un élément qui émerge toutefois est le rôle clef de l’innovation technologique, source de solutions, mais dont le déploiement nécessite aussi une attention particulière aux impacts éventuels sur l’environnement et à l’acceptabilité économique et sociale de ces mutations. Néanmoins commence à se constituer une offre d’enseignements nouvelle, qui cherche à répondre à ces enjeux.
Le second vise le côté de la demande, notamment la consommation des ménages. En effet, le potentiel d’économies d’énergie envisageables grâce à une meilleure efficacité au niveau des usages de l’énergie est très important. Cependant, au-delà de gaspillages évidents qu’il convient de supprimer, fournir les mêmes services de chauffage, ou de transport, tout en réduisant les besoins d’énergie primaire, notamment de combustibles fossiles, nécessite des modifications de comportement substantielles, et pour cela de nouveaux investissements d’équipements et d’infrastructures, de logements, d’infrastructures urbaines, de matériels et réseaux de transport.
Enfin, le troisième pilier met l’accent sur la coordination des choix, au niveau des filières industrielles (rôle du recyclage, perspective d’une économie « circulaire »), des réseaux d’infrastructures et d’électricité (smart grids), et bien sûr, des régulations publiques ou du rôle des prix et de la fiscalité.
Une clef de la transition
L’innovation technologique apparaît comme un élément clef de la transition énergétique
Ainsi l’innovation technologique apparaît comme un élément clef de la transition énergétique. De plus, elle nécessite de mobiliser des disciplines extrêmement diverses, et des innovations dont la maturité demeure très variable. La formation des ingénieurs et scientifiques doit viser à fournir les compétences pour relever ces défis, ce qui implique de développer particulièrement les capacités au dialogue entre disciplines.
Mais la transition énergétique ne se résume pas à un projet technologique. Le pilotage de projets de transition énergétique nécessite des « manageurs » aptes à en appréhender les dimensions économiques, industrielles, sociétales, et environnementales.
L’évaluation des impacts des innovations technologiques doit intégrer très en amont ces dimensions, sous peine de se heurter à des problèmes d’acceptabilité insurmontables.
Deux parcours de troisième année, à l’École polytechnique, sont directement concernés.
Énergies du XXIe siècle
Ce programme est conçu pour fournir les bases scientifiques pour le développement d’énergies non émettrices de gaz à effet de serre, comme les énergies renouvelables et les énergies « non fossiles » comme le nucléaire. C’est un programme multidisciplinaire qui combine des enseignements de physique, de mécanique, de mathématiques appliquées, et d’économie et sciences sociales. Il aborde les techniques modernes et futures de production d’énergie, de son transport, de sa gestion, et de leurs conséquences sur notre société.
Ce programme, lancé il y a quelques années avec le soutien d’EDF et du CEA, a eu tout de suite beaucoup de succès auprès des élèves.
Sciences pour les défis de l’environnement
De nouveaux parcours d’enseignement
La création, à l’École polytechnique, de l’Institut Coriolis, pour l’énergie et l’environnement, qu’anime Claude Basdevant, reflète ces enjeux, puisqu’il s’agit de pleinement valoriser le potentiel de l’ƒcole polytechnique en ces domaines, en développant les synergies entre l’enseignement et la recherche, et en favorisant l’interdisciplinarité autour de ces enjeux. Dès à présent, ces orientations se manifestent concrètement, dans l’évolution des enseignements de troisième année (au niveau Master M1), et dans l’offre de quatrième année (Master M2).
Ce programme est plus orienté sur les impacts environnementaux et la modélisation des systèmes complexes que constituent notre environnement physique ou biologique, la gestion des populations, les systèmes énergétiques, etc. La compréhension et la prévision des mutations de notre environnement, qu’elles soient à petite ou grande échelle, nécessitent un solide bagage scientifique interdisciplinaire.
Il en est ainsi, par exemple, pour comprendre, prévoir et anticiper les liens entre pression anthropique (modification des sols, changements climatiques, pollutions, surexploitations), biodiversité et fonctionnement des écosystèmes (cycles biologiques, de matière et d’énergie).
Le programme est organisé autour de trois pôles en interaction : écologie et biodiversité ; environnement géophysique ; économie et gestion de l’environnement, les élèves étant invités à aborder toutes les facettes des problèmes environnementaux tout en se spécialisant dans un des domaines.
Des parcours variés
La transition énergétique est par ailleurs fortement présente au sein du programme Innovation technologique, qui a l’ambition d’initier les élèves aux outils et méthodes de l’entreprenariat tout en leur faisant acquérir une spécialité scientifique et technique.
La compétence technique ne peut se construire sans compréhension des défis scientifiques
Les parcours de quatrième année, qui, à côté des écoles d’application ou en lien avec elles, prolongent cette offre d’enseignement sur la transition énergétique, sont naturellement plus focalisés.
Ces masters M2 s’inscrivent toujours dans des partenariats et un rayonnement à l’international : REST (Renewable Energy Science and Technology) ; Nuclear Energy ; WAPE (Water, Air, Pollution and Energy at local and regional scales, qui constitue le parcours international du Master Océan, Atmosphère, Climat et Observation spatiale) ; EDDEE (Économie du développement durable de l’énergie et de l’environnement), ou encore PIC (Projet innovation conception).
Répondre aux défis de la transition énergétique
De ce bref recensement ressortent quelques orientations fortes et caractéristiques significatives. Tout d’abord, un diagnostic commun sur le besoin de former de nouvelles générations de chercheurs et d’ingénieurs pour anticiper et gérer les systèmes énergétiques de demain et leurs impacts dans le contexte d’un changement climatique et d’une exigence accrue de sécurité. Cela nécessite des formations construites sur des parcours solides sur le plan scientifique et technique, pluridisciplinaires, et fortement connectés à la recherche.
Ce lien entre enseignement et recherche est facilité par l’importance des thématiques liées à l’énergie dans les axes de recherche des laboratoires du Centre de recherche de l’École, notamment celui de Mécanique des solides (LMS), d’Utilisation des lasers intenses (LULI) et d’Économétrie (ECO).
Des liens avec l’entreprise
Un projet emblématique
Plus emblématique encore est l’implication de l’École dans l’Institut photovoltaïque d’Île-de-France (IPVF). Ce projet, sélectionné au titre des Instituts d’excellence en énergie décarbonée, est porté par EDF, Total, le CNRS et l’École polytechnique (avec le PICM, Physique des interfaces et des couches minces), associés à l’Air Liquide, Horiba, Jobin Yvon et Riber. Il vise à constituer un des cinq plus grands centres mondiaux sur les dispositifs photovoltaïques de nouvelle génération.
Par ailleurs, en réponse aux besoins émergents du monde socioéconomique, l’École s’attache à établir des liens durables et étroits avec le monde de l’entreprise par le biais des chaires d’enseignement et de recherche : treize sont actives actuellement, en partenariat avec une centaine d’entreprises, fondations ou partenaires académiques.
Elles font une large place aux thématiques liées à la transition énergétique. Alliant recherche de pointe et enseignement d’excellence, et s’inscrivant dans une perspective d’ouverture internationale, ces chaires offrent aux entreprises un contact privilégié avec la recherche et des étudiants formés dans des domaines concrets.
Conduire des projets innovants
Les formations qui se mettent en place accordent en effet une place importante à la formation à la conduite des projets innovants, ainsi qu’aux aspects économiques et sociaux associés à la transition énergétique. La compétence technique en ce domaine ne peut en effet se construire sans compréhension des défis que représente l’existence de controverses scientifiques, ou les potentiels de crises liées aux défaillances des grands systèmes techniques.
L’objet de la Chaire DDX-EDF, créée dès 2003 sous l’impulsion de Claude Henry et à vocation interdisciplinaire, se situe en ce domaine : élaboration de représentations et d’approches de la décision adaptées à ce contexte ; recherche de nouvelles formes de marché et de gouvernance.