Aux portes de l’espace
En quoi consiste l’activité de la division Moteurs spatiaux de Snecma ?
Nous sommes en premier lieu responsables de la propulsion cryotechnique d’Ariane 5 ECA, fonctionnant à l’hydrogène et à l’oxygène liquides. Il s’agit de la propulsion de l’étage principal et de l’étage supérieur de ce lanceur.
Nous avons l’autorité technique sur l’ensemble propulsif de chacun de ces étages, c’est-à-dire des fonctions de l’étage (pressurisation des réservoirs, commande, …) qui participent à la propulsion.
Nos produits emblématiques sont le moteur Vulcain®2, d’une poussée de 135 tonnes dans le vide, et le moteur HM7B d’une poussée de 6,5 tonnes dans le vide.
Ce dernier a été utilisé sur Ariane depuis le 1er vol en 1979. Mais nous produisons ou nous assurons la maîtrise d’œuvre d’autres équipements des ensembles propulsifs des étages.
Nous développons également un nouveau moteur cryotechnique d’étage supérieur, le moteur Vinci, d’une poussée de 18 tonnes, initialement destiné à une nouvelle version d’Ariane 5 mais qui a également été retenu pour Ariane 6.
En dehors de la propulsion du lanceur qui permet de mettre les satellites sur une orbite de transfert, nous concevons et réalisons des moteurs de satellites à plasma stationnaire (moteurs électriques utilisant l’effet Hall) qui leur permettent de passer de l’orbite de transfert à leur orbite définitive, puis de se maintenir sur cette dernière.
Cette activité n’a pas la taille de la propulsion Ariane mais elle en est le complément.
Quels sont les enjeux de la propulsion cryotechnique ?
La propulsion des lanceurs est un élément essentiel de l’indépendance de l’accès à l’Espace. Ariane a permis à l’Europe de casser le monopole américain et de pouvoir accéder aux applications satellites, qu’elles soient civiles ou militaires. C’est un élément de souveraineté essentiel.
La propulsion- fusées à liquides, dont la propulsion cryotechnique, constitue un apport de souplesse et de performance incontournable. Elle a été majeure dans le succès d’Ariane et dans sa précision d’injection en orbite.
Les états européens, au premier rang desquels la France avec le CNES, ont depuis plus de 30 ans constamment soutenu cette filière qui est aujourd’hui au meilleur niveau mondial. En Europe, la compétence complète en propulsion cryotechnique revient à Snecma.
Depuis les débuts d’Ariane, où le HM7 était déjà en service, quelles sont les principales évolutions ?
Nos progrès résident d’une part dans tous les modèles, thermiques, mécaniques et fonctionnels que nous avons mis au point depuis des décennies, d’autre part dans les concepts techniques, les matériaux et les procédés.
Les modèles modernes permettent de concevoir plus rapidement et de comparer un grand nombre de définitions alternatives. Le moteur HM7 est à l’image des technologies des années 60. Un premier cap a été franchi avec les moteurs Vulcain qui ont la technologie des années 90.
Depuis, nous avons démontré avec le programme Vulcain X, que nous étions capables de réduire fortement les coûts, à iso performance. Par exemple nous avons construit et essayé la TPX, une turbopompe hydrogène de la gamme Vulcain, qui contient deux fois moins de pièces que sa grande sœur la Turbopompe hydrogène du moteur Vulcain 2.
Moins de pièces c’est une fiabilité encore améliorée et c’est aussi le gage d’une réduction de coût, essentielle dans un contexte très compétitif pour les lanceurs.
Les ensembles propulsifs futurs seront également plus faciles à mettre en œuvre, notamment grâce à une plus grande, voire totale, électrification des systèmes de commande qui sont aujourd’hui pneumatiques.
Comment préparez-vous l’avenir ?
A la fin de la décennie, nous allons faire voler le moteur Vinci®, successeur du moteur HM7. Il apporte davantage de poussée, de performance mais aussi et surtout la capacité de rallumage qui est une nécessité pour beaucoup de missions, notamment pour la mise en orbite de satellites à propulsion tout électrique.
EN BREF
Motoriste aéronautique majeur au niveau mondial, Snecma (Safran) est également le maître d’œuvre de la propulsion cryotechnique d’Ariane.
À Vernon, où les activités de propulsion-fusée ont débuté en 1947, sa division Moteurs spatiaux regroupe aujourd’hui un ensemble de compétences unique en Europe.
Depuis 2006, le site a en outre repris les activités de propulsion électrique des satellites.
Mais nous sommes déjà, avec le soutien du CNES, en train de préparer les technologies de son successeur, qui s’appellera peut-être Vinci 2. Ce moteur fera sans doute largement appel à la fabrication additive.
Le moteur Vulcain®2 va connaître, pour sa part, d’ici la fin de la décennie, quelques évolutions pour Ariane 6 mais nous disposons déjà du concept et des technologies d’un Vulcain®3 qui apportera de sensibles réductions de coût, et des améliorations de performances.
En ce qui concerne la propulsion des satellites, la révolution est déjà en marche. À ce jour la propulsion électrique est encore peu présente sur les satellites géostationnaires.
Mais les opérateurs sont à présent convaincus de l’intérêt des satellites tout électriques et la demande pour les propulseurs correspondants est forte.
Nous sommes en train de développer le moteur PPS®5000 qui répondra à tous ces besoins. Ce moteur a déjà été sélectionné par plusieurs maîtres d’œuvre au vu des résultats d’essais de démonstrateurs.
Quel est le rapport entre vos activités de propulsion fusée et les moteurs aéronautiques qui représentent la grande majorité de l’activité du groupe ?
Nos technologies de base sont très proches et il y a une vraie synergie entre l’aéronautique et le spatial. À tel point que le site de Vernon, qui est le site historique de la grosse propulsion à liquides spatiale, est à présent très impliqué dans les activités aéronautiques : nous intervenons en production de pièces complexes de moteurs aéronautiques, en montage et instrumentation de machines aéronautiques expérimentales, en conception et définition.
Le recrutement est-il un problème pour votre activité ?
Nous avons deux atouts pour recruter : d’une part faire partie de Safran qui est un très beau groupe de haute technologie, en croissance et qui offre de réelles opportunités de mobilité professionnelle, d’autre part avoir un domaine d’activité qui fait rêver et qui est donc attractif.
Pour un jeune ingénieur, travailler sur nos produits, avec les méthodes du spatial est très formateur et l’enthousiasme est présent, particulièrement à chaque lancement.
En outre, nous travaillons dans un environnement privilégié, dans une forêt à une heure de Paris.