Faciliter et sécuriser l’accès aux sites Internet
En cinq années, tu es passé d’une intuition à une entreprise technologique. Quelles étapes as-tu traversées pour cela ?
Je citerais le premier tour de table, le lancement commercial, la certification de l’ANSSI, la signature du premier client, le premier trimestre positif, le premier appel d’offres perdu, etc. Mais c’est une reconstruction artificielle.
CYBERSÉCURITÉ
Les entreprises n’ont pas de développement ni d’intégration à réaliser.
inWebo est l’une des premières entreprises labellisées France Cybersecurity par l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information), elle compte parmi ses clients des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs.
Il faut en fait constamment développer la technologie, réunir les talents, ajuster le produit au marché et financer.
Ce sont des activités récurrentes à tous les stades du développement, beaucoup plus tangibles que le franchissement d’étapes. Au niveau personnel, six ans après la décision de quitter mon corporate job, je vis toujours un mélange de certitude sans faille et de doute quotidien.
Sans l’avoir anticipé, cette décision a marqué la fin de la vie confortable et un brin routinière, construite jusque-là.
inWebo s’est positionné sur le marché de la sécurité, comment se crée-t-on une place au soleil dans un marché dominé par des mastodontes ?
Avec un meilleur produit et en se concentrant sur les besoins du marché ! Ce n’est pas très compliqué, car les mastodontes ont fort à faire pour maîtriser leur organisation, gérer leurs ventes, rémunérer leurs actionnaires, et d’autres activités sans aucune valeur pour leurs clients.
En revanche, pour une toute petite structure, sur un sujet pointu et B2B (business to business) comme le nôtre, il est très difficile de percer la carapace créée par les directions des achats et la culture des grands groupes.
Je suis reconnaissant aux premiers dirigeants qui nous ont fait confiance, en misant sur notre capacité à les accompagner, alors que nos produits n’étaient pas aussi rodés qu’aujourd’hui.
SE FAIRE UN NOM
D’où vient le nom inWebo ?
Comment fabrique-t-on le nom d’une entreprise ?
In vivo, in vitro, in Webo ! Dans le Web, au sein du Web. Les Américains n’utilisent pas le latin, personne ne comprend l’origine du nom aux États-Unis ! Mais c’est un nom court, simple à prononcer dans toutes les langues. Les noms de domaine étaient disponibles, je les ai réservés.
“ Il est difficile de percer la carapace créée par la culture des grands groupes ”
Il n’y a donc pas eu de processus de création, le nom est arrivé avec l’idée, bien longtemps avant de décider de créer l’entreprise. Mais le logo, le design et le slogan ont évolué lentement. Je voulais éviter un design trop technique, des images de cadenas ou de coffres souvent associées à la cybersécurité.
Nous sommes donc partis à l’opposé de cette imagerie et on me l’a souvent reproché. Vous n’imaginez pas le nombre de sarcasmes entendus sur la couleur ou la forme initiale du logo !
Tu passes ton temps entre la France et les États-Unis, qu’est-ce que t’apporte cette double présence ? Et quels défauts ?
Je ne peux plus me plaindre de la frilosité et de la morosité de l’environnement business ! Installé dans la Mecque de l’Internet, là où les VC (venture capitalists) vous arrêtent dans la rue pour investir dans des projets qui ne sont encore que des présentations, je ne peux m’en prendre qu’à moi-même si je ne parviens pas à faire d’inWebo une entreprise globale.
Les opportunités sont beaucoup plus nombreuses, mais la compétition plus sophistiquée, car nous sommes en concurrence avec des start-ups innovantes et très bien financées et non avec les mastodontes évoqués précédemment.
Cet aiguillon nous maintient à la pointe de l’innovation. Nombre de nos partenaires ont leur siège dans la Silicon Valley alors qu’ils n’ont qu’un bureau commercial en France. Nous ne pourrions pas travailler avec ces sociétés sans présence aux États-Unis.
ANONYMAT ET GRATUITÉ
L’anonymat sur le Web est-il mort ? Et si oui, pourquoi ?
La contrepartie de services et de contenus gratuits a toujours été le suivi et le ciblage publicitaire. Il serait naïf de révérer un Web originel qui en aurait été dépourvu. Ce que nous appelons le Web a toujours été commercial !
L’usage des technologies de suivi est de plus en plus régulé, notamment en Europe, mais cela ne va pas changer la donne, qui est liée au modèle économique même du Web. Les commerçants tentent d’ailleurs d’importer dans leurs magasins les mêmes pratiques. De nombreuses start-ups proposent des solutions sur ce thème.
« FRENCHTECH »
120 entreprises françaises sont venues au Consumer Electronic Show 2015, est-ce une mode ou une tendance de fond ?
Quel regard poses-tu sur la « FrenchTech » ?
Aller au CES est devenu à la mode, comme aller au Mobile World. Ça durera le temps que ça durera. Quant à l’efficacité commerciale de cette présence, je n’en sais rien.
Je trouve très positif cependant que de plus en plus d’entreprises françaises aient très tôt une ambition globale. Une entreprise technologique qui se limiterait au marché intérieur français a très peu de chances de se développer.
Concernant la FrenchTech, je reste perplexe. Aux États-Unis et dans la Silicon Valley en particulier, les incubateurs sont privés, l’accompagnement et l’investissement sont le fait d’entrepreneurs.
L’action publique vise à stimuler la demande par la commande publique comme l’initiative Cloud first où les administrations doivent justifier le fait de ne PAS utiliser le Cloud pour leurs projets applicatifs, à créer des mesures de soutien comme le Small Business Act, et à construire des barrières à l’entrée protégeant le marché intérieur, via normalisations et certifications.
UNE MULTIPLICITÉ D’OBJETS CONNECTÉS
Le mobile remplacera-t-il le poste de travail individuel ?
Non ! Bien sûr, le desktop traditionnel – une unité centrale, un écran, un clavier, une souris – va progressivement disparaître en dehors de certaines niches. L’ordinateur de bureau est désormais portable, tactile ou une tablette connectée au Cloud qui nous suit en permanence.
Le mobile, c’est autre chose : ce qu’on gagne en hypermobilité en restant connecté pendant les déplacements, on le perd en taille d’écran et en facilité de saisie, d’édition, de navigation dans des documents riches. Fonctions différentes, contraintes différentes, objets différents.
On essaiera, bien sûr, de les faire converger ; on commence à voir des mobiles avec un clavier et un écran projetés sur une surface externe.
UN TEMPS POUR LA RÉFLEXION
Tu es un coureur de fond émérite, qu’est-ce que t’apporte le sport dans ta vie d’entrepreneur ?
Du temps propice à la réflexion et à l’inspiration. Je dis parfois que la R & D initiale d’inWebo s’est faite en marchant ou en courant.
À une époque j’en étais presque venu à prendre avec moi un carnet pour noter les idées qui me viendraient en courant afin d’être sûr de ne pas en oublier. L’heure passée à courir constitue l’un de mes seuls moments de détente déconnectés.
Si c’était à refaire, que changerais-tu ?
“ Échouer souvent, mais échouer tôt »
C’est toujours à refaire ! J’ai démarré inWebo sans équipe, sans client, sans investisseur. Il a fallu près de trois ans pour développer la technologie, le produit, puis signer avec un premier client.
Le marché n’existait pas vraiment non plus, il nous a fallu beaucoup plus de temps, d’argent et d’énergie que prévu avant d’équilibrer le bilan.
Je démarre actuellement d’autres projets, mais en prenant soin de réunir les ingrédients nécessaires à un développement rapide : fail often but fail early comme on dit dans la région de San Francisco. Échouer souvent mais échouer tôt.
Et que conserverais-tu ?
Les personnes – associés, investisseurs, et tous mes « anges gardiens » – qui ont partagé le risque avec moi, et qui ont fait du développement de cette entreprise une vraie aventure humaine.