Polar Pod à la découverte de l’océan austral

Dossier : MerMagazine N°706 Juin/Juillet 2015
Par Jean-Louis ÉTIENNE

Le Polar Pod est un vais­seau de recherche conçu pour déri­ver en deux ou trois ans tout autour de l’Antarctique, por­té par le cou­rant Cir­cum­po­laire entre 50° et 55° S, les Cin­quan­tièmes Hurlants.

“ Les missions lointaines sont devenues trop coûteuses ”

L’océan Aus­tral est encore mal connu. Les don­nées recueillies par les satel­lites, les balises auto­ma­tiques ou les cap­teurs posés sur des élé­phants de mer ou des alba­tros ne suf­fisent pas.

La pré­sence humaine est indis­pen­sable pour effec­tuer des mesures in situ, mais les navires de recherche s’aventurent rare­ment en ces lieux. Les mis­sions loin­taines sont deve­nues trop coûteuses.

La sta­bi­li­té ver­ti­cale du Polar Pod va per­mettre d’effectuer des mesures très pré­cises sur les échanges entre atmo­sphère et océan.

REPÈRES

L’océan Austral joue un rôle essentiel pour le climat de la planète. Faisant le tour du continent Antarctique, il brasse les eaux de l’océan Indien, de l’Atlantique et du Pacifique ; c’est un des moteurs de la circulation océanique mondiale. De plus, ses eaux froides sont avides de gaz carbonique : c’est un des puissants « puits de carbone » de la planète : dans quelle proportion ?

Explorer la faune aquatique

Les essais confirment la bonne tenue à la mer.

Les hydro­phones fixés à 70 mètres sous la sur­face écou­te­ront les conver­sa­tions ani­males. Chaque espèce ayant sa signa­ture sonore, un inven­taire com­plet sera réa­li­sé, du krill à la baleine bleue.

Troi­sième domaine d’étude, la vali­da­tion cali­bra­tion des mesures satel­li­taires dans cette région du monde très peu fré­quen­tée. Nous avons reçu de très nom­breuses lettres d’intérêt du monde entier pour par­ti­ci­per à cette explo­ra­tion océa­no­gra­phique inédite.

Affronter des conditions extrêmes

Le Polar Pod est ins­pi­ré du Flip, un navire ver­ti­cal construit en 1962 par la marine amé­ri­caine pour écou­ter les sous-marins dans le Pacifique.

TROIS QUESTIONS À JEAN-LOUIS ÉTIENNE

Quel parcours vous a amené à cette expédition ?
Docteur en médecine, ancien interne en chirurgie, spécialiste de nutrition et de biologie du sport, j’ai participé à de nombreuses expéditions en Himalaya, au Groenland, en Patagonie et à la course autour du monde sur Pen Duick VI avec Éric Tabarly (1977−1978). En 1986, je fus le premier homme à atteindre le pôle Nord en solitaire, tirant moi-même mon traîneau pendant 63 jours. Puis j’ai réalisé la plus longue traversée de l’Antarctique jamais réalisée en traîneaux à chiens : 6 300 kilomètres. En 1988, j’ai fait construire Antarctica le voilier polaire emblématique aujourd’hui rebaptisé Tara. En avril 2010, il réussit la première traversée de l’océan Arctique en ballon.
Quelles ont été vos contributions scientifiques à la connaissance des océans ? 
J’ai surtout mené des projets pédagogiques (scolaires et grand public) à partir des expéditions que j’ai faites. Au début sur Édutel (Minitel de l’Éducation nationale), puis sur Internet. Sur Antarctica nous avons été les premiers à développer l’usage d’Internet à l’école.
Quelles conditions difficiles ou exceptionnelles de navigation avez-vous rencontrées ? 
Hormis les navigations difficiles dans les glaces au Spitzberg et en mer de Ross en Antarctique, j’ai rencontré les plus gros états de mer dans le Pacifique Sud au cours de la course autour du monde sur Pen Duick VI avec Éric Tabarly.
Propos recueillis par Dominique de Robillard (74)

Laurent Mer­mier, du bureau d’ingénierie navale Ship ST à Lorient, lui a don­né corps. Ali­men­té en éner­gie par quatre éoliennes, iso­lé par des cloi­sons sous vide, équi­pé pour le trai­te­ment des déchets, ce labo high-tech pour­ra accueillir sept per­sonnes avec une « signa­ture » proche de zéro émission.

En décembre 2014, des essais sur une maquette au 141e ont été réa­li­sés au bas­sin des carènes Ifre­mer à Brest, sous la res­pon­sa­bi­li­té de Marc Le Boul­luec. Sur des houles de 7 et 11 mètres de creux, le bateau a une remar­quable sta­bi­li­té ver­ti­cale, avec un faible pilonnement.

On constate cepen­dant un mou­ve­ment de tan­gage dans la zone habi­tée située entre 10 et 30 mètres au-des­sus de la flot­tai­son, pro­vo­quant des accé­lé­ra­tions entre 0,1 et 0,3 g com­pa­tibles avec le confort au tra­vail de l’équipage. Ce tan­gage peut être cor­ri­gé en fai­sant varier la hau­teur du flot­teur cylin­drique inter­mé­diaire et le volume des tubes du treillis au-des­sus de la flottaison.

Une vague de 25 mètres de creux à crête vient affleu­rer à la par­tie infé­rieure de la par­tie habi­table. Dans l’ensemble, ces essais confirment la bonne tenue à la mer dans les Cin­quan­tièmes Sud.

La mise en chan­tier devrait débu­ter en sep­tembre 2015 pour une mise à l’eau en mai 2016 et un départ de l’expédition à l’été aus­tral 2017.

Une trantaine de lettres d’intérêt

Cette cam­pagne a sus­ci­té beau­coup d’intérêt et nous avons reçu une tren­taine de sollicitations.

“ La mise en chantier devrait débuter en septembre 2015 ”

Celles-ci couvrent essen­tiel­le­ment trois domaines d’étude. Tout d’abord, les échanges entre atmo­sphère et océan. En effet, les eaux froides de l’océan Aus­tral sont un puits de car­bone dont on ne connaît pas les per­for­mances. En second lieu, les mesures acoustiques.

On connaît aujourd’hui la signa­ture sonore de toutes les espèces ; les hydro­phones pla­cés à 75 mètres sous l’eau per­met­tront de faire un inven­taire de la faune marine.

Enfin, la vali­da­tion et l’étalonnage des mesures faites par les satel­lites dans un sec­teur où se rendent très peu de navires.

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