Tara, un voilier au service de l’écologie
Nos missions se déclinent en trois programmes : océan et homme, océan et biodiversité, océan et climat. Nous avons ainsi organisé notamment trois grandes expéditions pour étudier et comprendre l’impact des changements climatiques et de la crise écologique sur nos océans.
Ces expéditions, majoritairement scientifiques, sont menées en collaboration avec des laboratoires et institutions scientifiques internationales prestigieuses.
REPÈRES
Tara, depuis 2003, c’est 300 000 kilomètres parcourus, 350 participants chercheurs, artistes, marins et journalistes de 40 nationalités, 2 000 jours en expédition, 40 pays traversés, 75 laboratoires et instituts scientifiques impliqués et 21 domaines de recherche scientifique impliqués : biologie marine, biologie moléculaire, taxonomie, océanographie, bio-informatique, biogéochimie, génomique, imagerie, écologie, modélisation, microbiologie (bactériologie et virologie), météorologie, bilan radiatif, nivologie, glaciologie, zoologie, ornithologie, archéologie, géologie, chimie.
L’Arctique de 2006 à 2008
L’expédition Tara Arctic 2006–2008 s’est inscrite dans le cadre de l’Année polaire internationale 2007–2009, sous l’égide du programme scientifique européen Damocles. Dans une région si difficile d’accès, où les missions scientifiques sont le plus souvent rares et brèves, en été seulement, Tara fut un poste avancé au cœur de la machine climatique.
“ L’expédition a collecté 35 000 échantillons de biodiversité marine ”
La goélette s’est livrée à l’emprise des glaces dérivantes sur la banquise arctique pendant plus de dix-huit mois pour y étudier à la fois l’air, l’atmosphère, et la banquise.
Cette mission a contribué à l’étude des changements climatiques en Arctique. Un tiers des résultats du programme scientifique européen Damocles en est directement issu. L’expédition a notamment démontré l’accélération de la dérive des glaces arctiques et a donné lieu à vingt et une publications scientifiques.
Tara, voilier mythique. © F. LATREILLE
UN LIEN ENTRE GRAND PUBLIC ET SCIENCE
Le bateau, l’aventure, l’universalité du projet créent des liens entre le grand public et la science. Près de 35 000 élèves en France ont suivi les aventures de Tara depuis plus de dix ans grâce au dispositif éducatif Tara Junior. 17 500 enfants ont pu visiter le bateau à travers le monde. Six documentaires et huit livres ont été réalisés pour partager les expéditions de la goélette. Une trentaine d’artistes ont été accueillis à bord en résidence. Neuf numéros du Journal Tara ont été tirés et distribués en français, anglais, espagnol, portugais, chinois et japonais. Près de 2 millions de personnes ont eu l’occasion de voir une exposition sur les missions de Tara et plus de 80 conférences ont été organisées.
Les océans de 2009 à 2013
Tara a ensuite réalisé une expédition de plus de trois ans sur tous les océans du monde dont l’océan Arctique, avec de prestigieux laboratoires et institutions internationales. L’expédition Tara Océans est la toute première étude planétaire du plancton marin et a également entrepris une étude de récifs coralliens.
“ Près de 35 000 élèves en France ont suivi les aventures de Tara depuis plus de dix ans ”
L’expédition a collecté 35 000 échantillons de biodiversité marine, créant ainsi une large banque de données open-source accessibles à la communauté scientifique. Les analyses de ces données inédites sont en cours par les chercheurs et devraient les occuper une dizaine d’années.
Ce travail, qui devrait déboucher sur une vision intégrée de l’écosystème planctonique mondial et ses relations avec l’environnement, a déjà permis dix publications scientifiques. Les premiers résultats probants de ces analyses sont imminents.
La Méditerranée en 2014
TROIS QUESTIONS À ROMAIN TROUBLÉ
Pouvez-vous nous parler de vous et de Tara Expéditions ?
Je suis avant toute chose un marin, un régatier plutôt puisque j’ai participé, en tant qu’équipier d’avant, aux deux campagnes de la Coupe de l’America à Auckland en Nouvelle-Zélande, en 2000 et 2003. Et ma formation – un Master 2 en biologie moléculaire et un Master à HEC – m’a amené à rejoindre l’aventure Tara dès le début. L’océan recouvre 71 % de notre planète et pourtant, selon l’expression d’Éric Tabarly, toujours vraie de nos jours, nous lui tournons le dos. Tara Expéditions est très humaniste, c’est une organisation à but non lucratif fondée par Étienne Bourgois et Agnès Troublé – la styliste Agnès B – en 2003. Nous avons l’ambition d’intéresser les publics à l’environnement, à l’océan, à travers les expéditions scientifiques de la goélette de 36 mètres Tara, ex-Antarctica. Ces expéditions, qui sont aussi des aventures humaines, éveillent en chacun de nous les épopées de nos livres d’enfance et permettent de partager les enjeux majeurs de l’océan et de cet environnement si important pour l’humanité.
Quelles ont été les contributions scientifiques de Tara à la connaissance des océans ?
Depuis huit ans, nous déployons des programmes scientifiques ambitieux à bord de Tara puis dans les laboratoires associés aux projets. La dérive arctique de Tara, entreprise de 2006 à 2008, a surpris par sa rapidité puisque nous avons dérivé à travers l’océan Glacial Arctique sur 5 200 kilomètres en 500 jours, soit deux fois plus vite que les modèles du climat ne le prédisaient. Par ailleurs, une série de publications est sous presse à propos de la vie microscopique océanique collectée à travers le monde par la mission Tara Océans de 2009 à 2013. Certains spécialistes n’hésitent pas à dire que ces données et résultats changeront vraisemblablement notre façon de considérer la vie marine et son rôle dans le climat. Je salue au passage l’engagement des scientifiques, des fondations d’entreprises et mécènes qui ont permis ce saut dans l’inconnu. Ces résultats seront partagés par la presse et sur notre site.
Quels sont les objectifs scientifiques et les enjeux de la prochaine campagne ?
Nous consacrerons Tara en 2016–2018 à l’étude des récifs coralliens du Pacifique à travers cet incroyable gradient croissant de diversité de Panama au Sud-Est asiatique. Et puis nous retournerons sur le « toit du monde », en Arctique, en 2019 pour une seconde dérive polaire. Nous avons aussi de nouveaux projets dans les cartons, comme une base polaire dérivante, et même un nouveau Tara d’environ 45 mètres que nous rêvons de financer et de construire en France. On me dit parfois à l’étranger qu’il n’y a que des Français pour imaginer des projets pareils. Nous pouvons tous en être fiers, à nous de les mener à bon port.
Propos recueillis par Dominique de Robillard (74)
Tara a réalisé une expédition en Méditerranée, de mai à novembre 2014, afin de mieux comprendre les impacts du plastique au niveau de l’écosystème méditerranéen, en analysant les fragments de plastique qui se répandent en mer et en explorant les dynamiques et la fonction des communautés microbiennes qui vivent sur le plastique.
Autre but de cette expédition : promouvoir les efforts d’associations locales et régionales sur les nombreux enjeux environnementaux liés à cette mer quasi fermée.
Le problème est identifié, il est réversible, les solutions pour le résoudre sont devant nous.
Sensibiliser, une priorité
Nous agissons aussi concrètement pour renforcer la conscience environnementale du grand public et des jeunes, notamment à travers le dispositif Tara Junior. Enfin, nous développons un plaidoyer pour mobiliser la société et inciter les décideurs à identifier les solutions dont nous tous avons besoin pour la planète.
Des projets pour des années
Durant la conférence sur le climat qui aura lieu à Paris à la fin de 2015, la goélette sera l’ambassadeur de l’Océan aux côtés du pavillon Océan et Climat situé sur les quais de Seine, pont Alexandre-III.
Puis, jusqu’en 2018, Tara va mener un projet d’étude scientifique des récifs coralliens de surface et de profondeur dans le Pacifique et en Asie du Sud-Est.
De 2019 à 2021, nous projetons d’entreprendre une nouvelle dérive arctique scientifique et pédagogique près de dix ans après sa première dérive arctique historique.