La Marine, au cœur de la défense nationale
Le contexte stratégique dans lequel évolue aujourd’hui la Marine nationale présente des ruptures, et des continuités. Ces ruptures sont d’abord d’ordre stratégique : nos intérêts ne se limitent plus à nos frontières, mais existent dans toutes les régions du monde avec lesquelles nous entretenons des échanges.
REPÈRES
Le contexte stratégique actuel est marqué par deux tendances lourdes.
La première est le retour en force des politiques de puissance maritime. Les nouveaux acteurs en sont la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil ou le Japon. Ces pays acquièrent des outils de puissance maritime (porte-avions, frégates, sous-marins à propulsion nucléaire, etc.). Ils les emploient pour sécuriser leurs voies maritimes d’approvisionnement stratégique et asseoir leur souveraineté. Leur vision est désormais mondiale.
L’autre est l’irruption d’acteurs non étatiques agissant en mer, organisations terroristes ou puissants réseaux criminels (piraterie, trafic de drogue, d’armes, d’êtres humains, etc.), les deux étant souvent liés. Les objectifs de ces organisations diffèrent, mais les menaces qu’elles représentent s’interconnectent pour se nourrir mutuellement. Cette interconnexion nécessite de pouvoir lutter sur plusieurs fronts
Préserver nos intérêts
En mer, nous devons être présents dans ces régions pour préserver ces intérêts. Certains sont tentés de créer de nouvelles frontières maritimes pour s’assurer de l’exclusivité sur les ressources des océans : cette tendance sera source de frictions à l’avenir.
“ On voit resurgir la piraterie que l’on croyait enterrée ”
De nouvelles menaces pèsent sur les flux maritimes : c’est le cas de la piraterie, que l’on croyait enterrée. En océan Indien, l’action des forces navales a permis d’en réduire fortement la menace depuis 2008.
Celle-ci explose en revanche dans le golfe de Guinée et en Asie du Sud-Est. La situation « non-guerre/non-paix » vient apporter le juridisme sur le champ de bataille et complexifie la conduite de l’action en mer.
Enfin, on assiste à un phénomène de « bourgeonnement littoral » : une arrivée massive des populations en bord de mer pour pouvoir bénéficier des ressources offertes par la mer. De fait, 70 % de la population mondiale vit maintenant à moins de 500 km des côtes1.
Ruptures technologiques
Les ruptures sont également technologiques. La course au gigantisme dans l’industrie navale se traduit par la construction de porte-conteneurs capables de transporter 19 000 « boîtes ». Certains paquebots embarquent jusqu’à 8 000 personnes.
Ces dimensions soulèvent d’importantes questions en matière de sécurité maritime.
Dans l’exploration des fonds marins, la technologie permet de franchir des seuils (actuellement 3 000 mètres pour les forages pétroliers) et donne accès à de nouvelles ressources particulièrement convoitées. Les nouvelles technologies de l’information, accessibles en tout endroit du globe, contractent le temps et l’espace et engendrent un phénomène d’immédiateté, qui est à la fois une facilité et une contrainte pour la conduite des opérations navales.
Enfin, la cybermenace doit être prise en compte : elle concerne aussi les systèmes connectés mis en oeuvre par la Marine.
Un espace de liberté
Au rang des continuités, la mer reste un espace de liberté, qui permet de relier les continents à des coûts défiant toute concurrence. Nos sociétés sont devenues totalement dépendantes vis-à-vis des flux maritimes, qui représentent 90 % de leurs approvisionnements.
“ Les menaces d’aujourd’hui n’effacent pas celles d’hier et ne préfigurent pas celles de demain ”
La mer est également un espace privilégié d’accès aux zones de crise. Les événements montrent tous les jours qu’intervenir en haute mer, dans un environnement complexe ou face à une opposition, ne peut être que l’apanage d’une marine hauturière.
La construction d’une telle marine prend nécessairement des dizaines d’années. Il faut donc pouvoir prendre en compte l’évolution rapide des menaces en mer et l’intégrer dans ce cycle long tout en gardant à l’esprit que les menaces d’aujourd’hui n’effacent pas celles d’hier et qu’elles ne préfigurent pas celles de demain : les hypothèses pour l’avenir doivent rester ouvertes.
La Marine intègre ces éléments de contexte. Elle le fait en inscrivant son action dans une quadruple continuité : de temps (elle agit en permanence), d’espace (au plus loin comme au plus proche de nos côtes), de spectre d’emploi (de la basse à la haute intensité) et de milieu (terre-mer).
Elle le fait à travers un dispositif dans la profondeur, qui s’appuie notamment sur ses opérations permanentes, coeur de sa capacité d’action.
Faire respecter le droit en mer
Déployée au plus proche des foyers de crise, ainsi que dans nos zones d’intérêt (Atlantique Nord, Afrique de l’Ouest, Méditerranée orientale, océan Indien, golfe Arabo-Persique), la Marine veille à la sécurité des flux maritimes, de nos intérêts en mer et de nos ressortissants à l’étranger.
Elle maintient en permanence des moyens prépositionnés dans ces zones, en mesure de renseigner nos autorités politiques et militaires sur l’évolution de la situation en mer et à terre et de réagir sans délai en cas de crise.
Partout où elle se déploie, elle affirme la volonté de l’État français d’assumer ses responsabilités et de faire respecter le droit en mer. Enfin, elle coopère avec les marines partenaires pour contribuer à assurer la paix et la stabilité.
Interception de narcotrafiquants en mer.
Garantir la souveraineté
Plus proche de nos cités, elle assure en permanence la surveillance de nos espaces de souveraineté et de nos approches maritimes en métropole et outre-mer. Elle se tient prête à intervenir en cas de menace en mer. Elle garantit la souveraineté de la France sur les espaces placés sous sa responsabilité, ainsi que sur leurs ressources.
3 000 marins en métropole et 500 marins outre-mer contribuent directement à la mission de protection du territoire national. Ces marins sont intégrés à un dispositif de surveillance qui s’étend sur l’ensemble de notre littoral (5 800 km). Les missions que la Marine conduit au quotidien dans nos espaces s’étendent du sauvetage en mer à la neutralisation d’engins explosifs historiques, en passant par l’assistance à navire en difficulté, la police des pêches, la lutte contre la pollution ou contre les trafics illicites.
Dissuader
Enfin, la Marine se place au coeur du dispositif de défense nationale, en mettant en oeuvre la dissuasion nucléaire, garantie ultime de notre sécurité et de notre indépendance. Cette mission est assurée de manière ininterrompue depuis plus de quarante ans, avec la permanence à la mer d’au moins un sous-marin nucléaire lanceur d’engins.
C’est donc le rôle de la Marine de s’adapter à ces enjeux. Elle le fait quotidiennement à travers ses missions opérationnelles au service de la Nation. C’est aussi pour cela qu’elle se modernise afin d’être prête à agir demain.
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1. Source : rapport du Sénat sur la maritimisation, 17 juillet 2012.