Une mission vitale pour la ville
Thibaud Desbarbieux, parlez-nous de L’ANRU, de sa fonction, de son but ?
L’ANRU est un établissement public créé en 2003. Au sein d’une politique plus large dite « politique de la ville », l’objectif de l’ANRU est de mettre en œuvre un programme national qui vise à restructurer les quartiers classés en zones urbaines sensibles. L’objectif est de rénover ces quartiers, leur habitat et leurs équipements publics.
Notre métier consiste à mettre en œuvre ce programme, qui est sur le point de s’achever, mais sera suivi d’un nouveau, lancé en 2014, et dont nous aurons également la charge. Le but sera à nouveau de travailler sur des secteurs qui concentrent souvent trop de pauvreté, en intervenant sur l’habitat et la composition urbaine.
Concrètement comment fonctionne votre mission ?
Pointe-à-Pitre – Résidence Gertrude Decorbin.
Les agglomérations et communautés urbaines fédèrent les acteurs locaux (offices HLM…), nous présentent leurs projets de rénovation urbaine, avec un dossier complet que nous étudions. En fonction de la fiabilité estimée de leur projet mais surtout de leur ambition, nous évaluons si celui-ci correspond aux objectifs que nous poursuivons (diversité de l’habitat, mixité des fonctions, densité appropriée, ouverture du quartier sur la ville, efficacité énergétique…) et si les réponses sont adaptées au contexte.
En fonction, nous décidons si nous sommes à même d’apporter notre concours financier, qui est modulé en fonction de la qualité des projets.
Par-delà l’aspect financier, jusqu’où va le rôle de votre établissement ?
Nous apportons notre concours financier aux agglomérations et communautés urbaines et nous suivons la bonne exécution des projets subventionnés, certes, mais intervenons également dans une fonction d’appui et de conseil, forts de notre expérience et notre expertise en matière de projets sociaux et urbains.
En outre, nous sommes extérieurs au jeu d’acteurs locaux et pouvons également jouer un rôle de facilitateur dans ces projets éminemment complexes.
Quelles sont les priorités de l’ANRU qui ont été décrétées pour l’année 2015 en cours ?
Notre priorité consiste à s’assurer que toutes les conventions arrivent bien à échéance, et à repartir sur de nouveaux projets.
L’expérience nous incite à prendre le temps nécessaire à leur conception. Ils doivent être conçus à une échelle de temps et d’espace plus longue, afin de pouvoir garantir l’insertion des quartiers difficiles dans la dynamique des agglomérations et des métropoles.
Un autre point d’inflexion de notre intervention est que nous voulons faire en sorte que les actions menées sur les aspects sociaux puissent mieux converger, créer davantage de synergies. Par exemple, l’école ne sera pas abordée que sous l’angle du bâti mais également sous celui de l’évitement scolaire afin d’éviter qu’elle ne concentre un trop important taux de populations en difficulté.
In fine, quel est l’objectif pour ces quartiers en réhabilitation ?
En réalité, le but est de faire en sorte qu’ils deviennent des quartiers comme les autres, voire mieux que les autres, et dans lesquels des choses se passent, des dynamiques se créent.
L’objectif de la politique de la ville, c’est d’en sortir. Pour cela, l’enjeu est de savoir identifier les problèmes, de détecter les dysfonctionnements mais aussi les atouts, et d’apporter une réponse adaptée.
En quoi ces problématiques sur lesquelles l’ANRU travaille sont-elles, selon vous, au cœur de l’actualité ?
“ Notre action est importante car elle a vocation à concourir à casser les ghettos et à favoriser le vivre ensemble ”
Notre action est clairement actuelle. Prenez les événements tragiques de ce début d’année, avec les attentats. Ces drames qui ont bouleversé tout le pays et même au-delà ont contribué à relancer le débat sur un apartheid social, que l’on peut tenir en partie pour responsable de dérives graves.
Notre action est importante car elle a vocation à concourir à casser les ghettos et à favoriser le vivre ensemble. Nous savons que notre mission est importante, et qu’en conséquence, nous sommes attendus au tournant.
Justement comment appréhendez-vous cette attente dont vous faites l’objet ?
La méthode « projet » et « partenariat » a fait ses preuves. Le cadre de vie a été considérablement transformé dans beaucoup de sites et les habitants ont repris confiance dans l’action publique.
Il faut donc la dupliquer en prenant mieux en compte les problématiques de développement économique pour être à même de ramener les gens vers l’emploi, de créer une dynamique dans les quartiers, de faire venir des entreprises, de développer des pépinières, de mettre tous les moyens possibles en œuvre pour permettre la réinsertion du plus grand nombre.
Derrière le cas particulier de chacun de ces quartiers sensibles, il y a bien entendu une vision plus globale…
Mulhouse – Eco Quartier Wolf Wagner. © Norbert Lhostis – Ville de Mulhouse
Absolument, nous sommes dans une logique d’intégration, afin que ces quartiers sensibles puissent servir le développement des métropoles. Aujourd’hui, la réussite de ces projets tient en partie à l’investissement de chacun.
Je pense notamment aux investissements privés. Nous devons inciter les entrepreneurs à changer leur regard sur ces quartiers, à savoir voir la source d’opportunité qu’ils représentent. Il faut parvenir à ramener de l’activité. Commerces, bureaux, logements privés en accession ou à la location, petits locaux artisanaux…
Les opportunités ne manquent pas pour ceux qui se sentent prêts à recréer la ville dans toutes ses composantes. Il y a de la place pour ces investisseurs et c’est le message que nous souhaitons leur adresser ici.