Sorel méconnu
Qui se souvient du Sorel polytechnicien (X 1865), ingénieur des Ponts et Chaussées, en poste pendant plus de vingt ans ?
Pour ceux qui le connaissent un peu, Georges Sorel ce sont les Réflexions sur la violence, le syndicalisme révolutionnaire et le mythe de la grève générale. C’est aussi une pensée du socialisme, inspirée du marxisme mais attachée à la tradition proudhonienne, si peu conventionnelle, qu’il fut accusé plus tard d’avoir flirté avec les extrêmes.
C’est sur la vie de Sorel ingénieur que s’est construit ce numéro de la revue Mil neuf cent : la pratique de cette profession fut une expérience décisive dans la formation de son œuvre.
Sorel, tour à tour et parfois simultanément conservateur, socialiste, anarchiste, syndicaliste toujours, mais jamais dûment affilié, fut un fonctionnaire à l’esprit indépendant, allant jusqu’à critiquer les ingérences de l’État dans des domaines qui n’étaient pas de sa compétence, comme celui de la distribution de l’eau préférant l’antique expérience du droit coutumier.
De même met-il en avant le savoir de l’ouvrier ou du chef d’atelier, face au pouvoir de l’ingénieur trop souvent imbu de sa compétence théorique. L’autogestion n’est pas loin.
C’est cette attitude viscéralement indépendante, attachée à la réalité des choses, qui a fait de Sorel ce penseur inclassable, fondamentalement pragmatique, et pourtant remarquable théoricien de la classe ouvrière, avec une vraie vision de l’organisation de la société, incluant passé et avenir.