L’année de la Fin de la Jupe
2012 a vu l’X fêter le 40e anniversaire de l’ouverture aux Xettes1. L’AX a dignement fêté cet anniversaire par un superbe livre et un numéro spécial de La Jaune et la Rouge. Hélas la fête a un peu été gâchée par une longue polémique, initiée en Mai 2013 sur Rue89. Il est donc légitime de se demander si, à l’X, la femme est enfin l’égal de l’homme. L’uniformologe diplômé que je suis est alors au regret de constater que c’est très loin d’être le cas.
Posté le 1er octobre 2013
Au commencement était Anne Chopinet
La photo de notre camarade Chopinet (72) est célèbre. La camarade, mais aussi la photo. Elle est jolie – la photo, mais aussi la camarade – belle même, mais surtout sexy.
Son propos n’étant pas de commenter la plastique d’une camarade, l’auteur souhaite insister sur l’opération de relations publiques (de marketing ?) menée à cette époque : il fallait valoriser l’entrée des filles à l’X, et la mode n’était pas au militaire (nous étions 4 ans après mai 68, en plein comités de soldats). Alors on s’efforça de gommer tout ce que l’uniforme avait de martial :
Au commencement était Anne Chopinet
Cette photo de notre camarade Chopinet (72) est célèbre. La camarade, mais aussi la photo. Elle est jolie – la photo, mais aussi la camarade – belle même, mais surtout sexy.
Son propos n’étant pas de commenter la plastique d’une camarade, l’auteur souhaite insister sur l’opération de relations publiques (de marketing ?) menée à cette époque : il fallait valoriser l’entrée des filles à l’X, et la mode n’était pas au militaire (nous étions 4 ans après mai 68, en plein comités de soldats). Alors on s’efforça de gommer tout ce que l’uniforme avait de martial :
- Le tricorne, à fond plat, exemple unique dans l’armée française, paraît plus adapté à un pique-nique à Chantilly qu’à une prise d’armes.
- Le col, dit Aiglon mais s’ouvrant sur un large jabot, inédit lui aussi, est également fort peu militaire, à comparer au col dit « officier » des garçons. On a probablement voulu éviter la comparaison avec le col dit « Mao » des chinoises…
- Pas de tangente pour les Xettes – on ne va pas donner une arme aux femmes, quand même… – mais pas de ceinturon non plus.
- Enfin, une jolie jupe, dans la mode de l’époque, au dessus du genou.
- Seules les chaussures, probablement approvisionnées par l’intendance sur un marché pré-existant, sont dans les standards de l’armée française de l’époque, c’est-à-dire appartenant à la catégorie « peut mieux faire »
De 1974 à 1994, 20 ans de modifications, puis… rien !
C’est tout d’abord la jupe qui se rallonge. La légende veut que l’épouse2 du Général Briquet (38), mise mal à l’aise par les genoux nus de ces demoiselles, ait convaincu son mari. La notice technique de 1974 précise ainsi que « la longueur de la jupe est déterminée de façon à ce que le bas s’arrête au milieu du genou »3 . Puis on donne une tangente à nos Xettes.
Qui dit tangente dit bottes. C’est logique. Une tangente est une arme, une arme est faire pour se battre, et on ne peut se battre en espadrilles. C’est pour ces mêmes raisons que les troupes défilant en armes portent des guêtres (Marine Nationale), ou des lacets blancs (ersatz symbolique de guêtres – armée de l’Air). Comme souvent, la réalité est plus prosaïque : nos camarades avaient tout simplement froid en hiver ! En tout état de cause, qui dit bottes dit qu’il n’y a rien de plus laid que de montrer un bout de jambe entre la botte et la jupe. Celle-ci-rallonge donc à nouveau. Et comme il faut pouvoir marcher, elle s’élargit. Et c’est ainsi que l’on obtient l’objet informe qui existe de nos jours.
En 1994, les Xettes « obtiennent le droit de porter le bicorne ». Cette phrase entre guillements – qui est partout, du livre sur le GU au Wikix4 – comporte une erreur majeure : chaque Xette a obtenu le droit au port du bicorne le jour où elle a réussi le concours. Toutes les grand-mères de France savent qu’intégrer l’X n’a qu’un intérêt, c’est de porter un beau bicorne. Et la légende, encore elle, dit qu’il a fallu une fille de ministre et une future pilote de chasse pour convaincre le général de quelque chose qui allait de soi5 . Où va se loger le machisme…
Depuis vingt ans, il ne s’est plus rien passé, à tel point que le binet Missettes,qui, je cite, « donne de la voix aux Xettes », créé il y a 5 ans et animé actuellement par les 2011, s’est donné pour objectif de… réformer le GU
De 1922 à nos jours, près d’un siècle de fantasmes
Un autre aspect amusant, c’est que ce GU des Xettes a été régulièrement l’objet de dessins, de projets : nous avons ainsi recensé au moins
- Un dessin dans le Petit Crapal de 19226 (page 64 du « GU des Elèves de l’EP »)
- L’article de notre camarade M.P.M. (85) dans l’IK
- Une étude réalisée, si ma mémoire est bonne, par Pierre Cardin en 1987 pour une chasse aux trésors7
- Un projet de Campagne Kès 2000 (page 70 sqq du « GU des Élèves de l’EP »)
On a ainsi, à chaque fois, cherché à adapter le GU à la mode, la vision qu’on se faisait de l’Xette, à faire sourire, voire à provoquer, sans se rendre compte qu’il fallait tout simplement adapter ce qui existait à la morphologie féminine
Le même GU pour tous
Pour une vraie égalité, il est indéniable qu’il faut que l’uniforme, ce GU si important dans la symbolique de l’École, celui avec lequel on défile le 14 juillet, soit le même pour tous, à savoir
- Une tunique longue, comprenant 6 ou 7 boutons, en fonction de la morphologie, et col officier
- Un pantalon
- Des bottines à talons plats
C’est laid, une jeune fille en pantalon et talons plats penseront certains ? Quelle importance ? C’est bô parce que c’est notre GU. Et j’imagine déjà le journaliste qui commente le défilé : « il n’y a plus de différence, à Polytechnique – le journaliste qui commente le 14 juillet dit Polytechnique – entre les filles et les garçons »
Et au bal, on fait quoi ?
Les mères – et les pères d’ailleurs – savent tous que le second avantage de faire l’X, c’est d’aller au bal en GU. Or aller au bal en bottes, il en est hors de question. Aller au bal en pantalon non plus. Il faut donc créer une « robe de soirée de GU ». C’est tout à fait possible : la Marine Nationale est, par exemple, parvenue à doter ses officiers féminins d’un très élégant boléro, non sans leur avoir imposé un spencer très peu féminin pendant 40 ans.
Un second uniforme, qui ne serait porté au mieux que deux fois, c’est cher et bien inutile me direz vous ? Il suffirait qu’il fût prêté. L’habillement de l’École a entretenu, et mis aux mesures, pendant plus de 30 ans, 300 manteaux au cas où il viendrait à l’idée un ministre de faire défiler les X par ‑10°C, on peut tout à fait faire de même pour les robes de soirée.
Le jour où une Xette dansera le quadrille en GU au bras de son cavalier en civil, la cause de la femme aura fait, à l’X, son avancée finale.
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1. Nous préférons en effet ce terme à celui de « polytechniciennes ». Les X sont des X, les Xettes sont donc des Xettes, qui en est le féminin naturel sans aucune connotation péjorative
2. L’auteur est preneur de toute information à ce sujet
3. Lettre du Général Briquet au ministre de la Défense, collections Ecole polytechnique (Palaiseau)
4. Le Wikix est une sorte de Wikipedia interne à l’X
5. L’auteur serait très heureux que l’Xette en question confirme ou infirme cette légende
6. Le Petit Crapal, journal des élèves avant-guerre, est un mix de Savate, d’info-Kès et de programme du Point Gamma.
7. Si un lecteur détient ce document…
Jusqu’où peut-on aller ?
A policeman measures the distance between knee and bathing suit, which had to be under 6 inches.
Washington D.C. 1922
Anne Chopinet prenant une coupe de champagne avec le président Georges Pompidou, 14/07/1973.
Additif 1
Le tricorne a bien été modifié. il était à l’origine plus haut, sans cocarde ni galon cul-de-dé. Une photo de face le confirme. Désolé, Anne, c’est encore toi sur la photo…
Additif 2
Bingo ! Les mémoires de Michel Debré l’attestent : l’uniforme des Xettes a été choisi par… sa femme ! Pas étonnant qu’il soit si peu militaire