COP 21 : Du temps des observateurs à celui des acteurs
Les négociateurs sont regroupés en coalitions de négociation (un pays peut appartenir à plusieurs d’entre eux) selon des affinités géographiques (groupe africain, groupe des petites îles qui plaident pour une limite de 1,5 °C), institutionnelles (UE) ou politiques (like-minded developing countries, attachés à leur souveraineté).
REPÈRES
Il existe en fait deux COP (conference of parties). D’une part, la COP des négociateurs (195 pays et l’UE). Sous la houlette du secrétariat de la convention installé à Bonn, les COP se succèdent annuellement avec leurs acquis difficiles, leurs moments d’émotion, comme l’adoption du protocole de Kyoto en 1997, leurs échecs (La Haye en 2000, Copenhague en 2009) et leurs relances (Cancun en 2010, Durban en 2011).
D’autre part, la COP des acteurs non étatiques avec leurs grands collectifs : entreprises, collectivités locales, ONG, scientifiques, syndicats, femmes, peuples autochtones, jeunes, agriculteurs. Les acteurs relatent l’action sur le terrain, innovent, débattent, mobilisent et manifestent.
Des négociations organisées et pilotées
Les présidences s’engagent, déploient leurs efforts pour créer la confiance entre les parties et faciliter l’émergence des consensus, organisent des négociations propices aux clarifications et aux avancées, mobilisent l’opinion publique et les parties prenantes.
La France aborde la présidence de la COP 21 avec la volonté de réussir et un engagement au plus haut niveau de l’État : Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du Développement international, présidera la COP en décembre 2015.
Associer la société civile
Il y a toujours eu dans les COP des observateurs accrédités dans les réunions plénières, de grands rendez-vous, des expositions technologiques, la parole donnée à la société civile (Voces por el clima, Lima, 2014).
UNE AMBITION FORTE
À Paris, c’est un vaste élan qu’il faut impulser. Si l’on obtient l’accord ambitieux recherché, avec l’objectif identifié par le GIEC et accepté politiquement à Copenhague en 2009 – limiter le réchauffement climatique en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels –, le signal sera donné d’une transition vers des sociétés et des économies résilientes et sobres en carbone.
De grandes initiatives multipartenariales ont émergé, comme S4all (Sustainable energy for all) avec son dispositif de mobilisation et de suivi et ses propositions de financement.
Reposant sur une vision à long terme et des horizons (de 2030 et 2050 à la fin du siècle) dont il est difficile d’envisager les contours, cette transformation profonde ne peut réussir qu’avec l’engagement de tous, acteurs de l’économie et citoyens, qu’avec une société civile en marche guidée par le consensus des États, la force du droit et les signaux du marché.
Il faut montrer que la transformation est possible, souhaitable, que le changement est déjà là, porteur de solutions, d’opportunités et de croissance. Il faut dessiner un futur désirable, construire des trajectoires de décarbonation crédibles, renforcer le débat démocratique et rendre le citoyen capable de peser sur son destin.
C’est la première fois que cette dimension des acteurs est autant envisagée comme partie intégrante du résultat, voire destinée à être reconnue dans le texte de l’accord. À Paris, on s’attend à environ 20 000 négociateurs, 20 000 « invités », 3 000 journalistes. C’est la foule des grands moments, ceux où l’on engage l’avenir.
L’alliance de Paris pour le climat
L’ambition de la présidence française est que tous, gouvernements, organisations internationales et acteurs, unissent leurs forces dans une alliance à quatre piliers entre l’accord universel à force légale, la priorité, les contributions nationales, volontaires, des pays en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et, s’ils le veulent, d’adaptation, les soutiens financiers et technologiques aux pays en développement et, quatrième élément, plus nouveau : les solutions portées par les acteurs.
Une alliance qui se veut proche des réalités nationales et des engagements sur le terrain.
Un accord universel
“ Les négociateurs sont regroupés en coalitions de négociation ”
L’accord universel doit être dynamique et ambitieux ; il doit être juste et répartir les efforts en fonction de l’équité et de la solidarité, au premier chef des pays développés qui portent la responsabilité historique du changement climatique. Il doit encourager l’adaptation aux dérèglements climatiques, exigence fondamentale pour les pays en développement.
Fondé sur une vision à long terme, ce devrait être un accord durable, avec des rendez-vous permettant d’évaluer la situation. Il doit donner un signal clair à l’ensemble des acteurs pour s’engager résolument dans la transformation requise.
La négociation est trop lente, même si tous les pays disent vouloir l’accord. C’est le rôle de la présidence française, en lien avec la présidence péruvienne, de créer les impulsions nécessaires pour faciliter la négociation et rechercher des zones de convergence en amont de Paris.
Une responsabilité commune
Les contributions nationales relèvent elles aussi d’un changement de paradigme avec leur champ universel et leur caractère volontaire, en application du principe de responsabilité commune mais différenciée et des circonstances nationales propres à chaque pays.
LA SOCIÉTÉ CIVILE AUSSI
Tous les acteurs de la société civile sont concernés. Les collectivités locales, échelon essentiel, ont lors du sommet des territoires, début juillet à Lyon, pris des engagements concrets de réduction d’émissions et d’amélioration de leur résilience et adopté des outils de coopération renforcés.
Un millier de responsables d’entreprises sont venus au Business and Climate Summit à Paris, fin mai, présenter leurs actions et affirmer leur volonté d’en faire davantage. Les ONG et les communautés locales sont parties prenantes de nombreuses initiatives. Les jeunes, par exemple, se réuniront juste avant la COP.
Les scientifiques, réunis à l’Unesco en juillet, ont travaillé à l’élaboration de scénarios de long terme et aux solutions concrètes à mettre en œuvre pour respecter des trajectoires sobres en carbone.
Au 1er octobre 2015, 146 pays représentant 87 % des émissions globales de gaz à effet de serre avaient déjà remis leurs contributions, pays développés comme en développement, de tous les continents. C’est un formidable effort. Au-delà des engagements pris, la préparation des contributions dans chaque pays engage opportunément un débat public.
Le secrétariat de la conférence-cadre des Nations unies sur les changements climatiques a présenté un rapport sur l’impact agrégé de ces contributions par rapport à la limite des 2 °C. Il constate que, même si ces publications illustrent une nouvelle trajectoire, le compte n’y est pas, illustrant la nécessité d’un accord dynamique, aiguillon d’une ambition croissante au fil des années.
À la hauteur des ambitions
Le volet financier et technologique, indispensable à l’obtention d’un accord, vise d’abord à mettre en œuvre l’engagement pris par les pays riches à Copenhague de 100 milliards de dollars annuels de financements publics et privés en 2020, à commencer par l’opérationnalisation, aujourd’hui acquise, du Fonds vert, capitalisé à hauteur de 10,2 milliards de dollars pour la période 2015–2018.
La COP 21 doit conforter cet engagement, en clarifiant les méthodes de comptabilisation des financements climat, en procurant transparence et prévisibilité à la réalisation de ces engagements, et en mobilisant de nouvelles ressources.
Il s’agit aussi d’orienter les milliers de milliards de l’investissement privé, au Nord et au Sud, vers le financement d’infrastructures et de modes de production et consommation résilients et sobres en carbone, avec des instruments pour la gestion du risque climat et des signaux économiques comme le prix du carbone.
Davantage, plus vite et maintenant
Le quatrième pilier de l’alliance de Paris (l’agenda des solutions) doit permettre de « faire davantage, plus vite, maintenant » en renforçant l’ambition sur la période 2015- 2020, et d’associer dans l’action les acteurs non étatiques aux côtés des gouvernements.
“ Répartir les efforts en fonction de l’équité et de la solidarité ”
Le plan d’action Lima-Paris lancé par le Pérou à la COP 20 à la suite du sommet de New York (septembre 2014) déploie des initiatives multipartenariales, dans des secteurs clés pour l’atténuation (énergies, technologies, villes, transports, etc.), de même que pour l’adaptation et la résilience (accès à l’eau, sécurité alimentaire ou prévention des risques).
La base de données Nazca, en cours de constitution, doit permettre de rassembler le plus grand nombre d’initiatives, collectives et individuelles. Des travaux sont en cours pour lui permettre d’en assurer la comparabilité et le suivi.
Un tournant essentiel
L’alliance de Paris pour le climat doit marquer un tournant, constituer un point d’arrivée pour les négociations mais aussi un point de départ pour l’action. Il reste à chacun de nous à confirmer ces engagements et à devenir acteur de cette transformation.
Il y a urgence : ce que nous ne faisons pas aujourd’hui, nous le perdons en marge de manœuvre pour demain.