Livre : Souvenirs inavouables par Cagoul'X

La promotion X64 fête ses cinquante ans

Dossier : TraditionsMagazine N°La promotion X64 fête ses cinquante ans
Par Serge DELWASSE (X86)

Par ailleurs, la 64 est LA pro­mo du Mythe. Avoir jeté un bazoff – en tenue, s’il vous plaît – dans la pis­cine, tout en réus­sis­sant à ne pas se faire virer, res­te­ra pro­ba­ble­ment comme l’une des réa­li­sa­tions tra­dis les plus emblé­ma­tiques du XXe siècle.

Les ingré­dients d’une telle réus­site ? Une khô­miss déter­mi­née tra­vaillant en bonne intel­li­gen « Nous sommes mi-juin. […] C’est le moment que notre adju­dant de com­pa­gnie choi­sit pour faire du zèle. Il balance des pains injus­ti­fiés à droite et à gauche et ça énerve, ça énerve beau­coup, à un moment comme on l’a dit où la pro­mo est pas­sa­ble­ment tendue.

Des rumeurs montent récla­mant que ça s’arrête. Les pains conti­nuent et ce ne sont plus des rumeurs qui remontent aux oreilles de la Kho­miss mais des exi­gences de faire arrê­ter ça.

« J’étais hési­tant, La tra­di a bien pré­vu des sanc­tions, on sait ce qu’il faut faire mais, même si on sait ce qu’on doit faire —bénarde pour un offi­cier, pis­cine pour un bazoff et, tenez-vous bien, pan­ta­lon de Grand U sur le pavé des Champs Ély­sées à l’issue du défi­lé du 14 juillet pour le Géné­ral— c’est quand même une déci­sion assez lourde.

Pour la plu­part des sous-offi­ciers l’affectation à Poly­tech­nique en fin de car­rière est une récom­pense. Pour les offi­ciers aus­si d’ailleurs.

« En fait Ange m’a bien aidé, et scel­lé son sort en même temps, en me balan­çant quelques JAS – jours d’arrêts simples. A l’époque on oppo­sait les JAS aux Jours d’arrêts de rigeur, sup­pri­més par Charles Her­nu, Min­Def. Seuls les JAR menaient au micral. note de Dlw – pour une ridi­cule his­toire de revers de poche mal bou­ton­né. Juste quelques JAS de trop à la mau­vaise per­sonne, « déten­teur de l’autorité suprême d’enclencher un bran. » […]

La Khomiss X64 50 ans après
Les auteurs, avant et après. La légende veut que Babar, Géné K, se soit débrouillé pour ne pas être sur le trom­bi­no­scope officiel…

X‑Minne raconte :

« Conseil de K‑discipline » : l’adjudant-chef Ange était cou­pable donc mouillable. Repé­rages avant exé­cu­tion, entrai­ne­ment, bali­sage du che­min de la pis­cine, récu­pé­ra­tion des clés auprès du pitaine-clé pour que tous les pas­sages soient libres.

« Un matin à l’heure de l’appel l’adjudant chef, corse d’origine, se pointe au casert. Je m’étais entraî­né sur Jean D., notre cro­tale, qui avait sa taille. J’avais modi­fié ma cagoule en y per­çant des trous pour enfi­ler une ficelle que je ser­rais autour de mon cou pour qu’il ne puisse pas me l’arracher et me reconnaitre.

« Comme je fai­sais du judo, après lui avoir enfi­lé un sac à linge kaki sur la tête j’ai pra­ti­qué un ushi-gari et il s’est retrou­vé par terre.

« L’Ange se débat comme un diable et me mord au sang. Heu­reu­se­ment que la « police scien­ti­fique » ne m’a pas aus­cul­té car elle aurait retrou­vé l’empreinte de ses dents. Eus-je été cré­dible en pré­ten­dant que « c’était mon cha­mô l’auteur de la mor­sure et que si un élé­phant trompe énor­mé­ment, un cha­mô peut mordre énor­mé­ment ? »

« On l’immobilise, lui ligote les mains dans le dos et direc­tion le lieu du sacri­fice dans le plus grand silence, croit-on. On décou­vri­ra que l’accent tou­lou­sain de l’un d’entre-nous l’avait fait identifier.

« Puis, c’est le « saut de l’Ange ».

« L’Ange Corse n’a pas aimé. En tous cas, ça a du vrai­ment le rendre furieux. Le vilain s‘est plaint. L’affaire est mon­tée jusqu’au minis­tère. Il a pré­ten­du, à tort, que sa légion d’honneur l’avait sui­vi dans l’eau : outrage majeur à la nation, puni­tions imposées. […]

Étape deux :« Kès qu’on fait, mon Général ? »

René [de Gaillande, Kessier] raconte comment il a appris le « succès damné » :

[…] « J’étais à côté de lui lorsque Pierre est venu m’annoncer que tout s’était bien pas­sé et que l’ange était bien mouillé. Bon, je me suis réjoui. Le géné­ral m’a deman­dé ce qui se pas­sait. Je lui ai dit « rien mon géné­ral, rien d’important en tous cas. »

Et puis Pierre est reve­nu m’informer que notre cama­rade, notre pote, avait été effec­ti­ve­ment recon­nu et que l’ange était en train de por­ter plainte.

« À ce moment là… j’ai eu un vrai pro­blème et je suis sor­ti du concert pour aller, avec quelques mis­saires, ten­ter de faire com­plices de notre action les gens qui vivaient aus­si de la tra­di­tion de l’École, c’est-à-dire les autres adju­dants. Il y avait un pré­sident des adju­dants, Jou­bert, avec qui, en tant que cais­sier des élèves, j’avais des rela­tions privilégiées.

Il a tout fait pour convaincre l’Ange de fer­mer sa gueule parce que ça allait être très mau­vais pour lui. Ça a été très cri­tique mais, à un moment don­né, on était cer­tains que du côté des adju­dants ça s’arrangeait.

« Je suis reve­nu au concert. Je me suis assis aux côtés du géné­ral qui m’a dit « qu’est-ce que vous faites ? » Je lui ai dit « rien mon géné­ral, tout va bien » et il a du pen­ser que j’avais des incontinences.

« Mais ça s’est mal ter­mi­né car les adju­dants n’ont pas réus­si à remettre l’Ange sur le droit che­min. À la sor­tie du concert j’ai rac­com­pa­gné le géné­ral dans ses appar­te­ments au Bon­court. Il m’a dit « mais qu’est-ce qui vous est arri­vé ce soir ? ». « Mon géné­ral, on a renoué avec la tra­di­tion. » « Ah ! Ah ! » « Oui, on a mit un juteux à la pis­cine. » « Ah, génial, ça fai­sait au moins quinze ans qu’on n’avait pas fait ça. » « Oui mon géné­ral, mais il y a un hic. Il y a un hic, c’est que… un type a été iden­ti­fié. » « Ah, les cons ! ».

C’était effec­ti­ve­ment le mot du géné­ral, dans un réflexe « Ah, les cons ! ». Il m’a dit « mais qu’est ce que je vais faire ? ». Je lui répon­du « mais c’est vous qui déci­dez mon géné­ral. » Il me dit « je le vire. » « Vous le virez ? Pas pos­sible. »

« Et à ce moment là l’idée m’est venue de lui dire « mais si demain nous sommes huit à vous dire que nous avons mis le juteux à la pis­cine, est-ce que vous virez les huit ? » « Ah, met­tez-moi les dans mon bureau demain à huit heures du matin. »

Étape trois : « qui veut être coupable ? »

René poursuit :

Khomiss-X64-en-cagoule
Sous la cagoule, il y a pro­ba­ble­ment quelques coupables

« C’était abso­lu­ment clair et, après avoir réflé­chi à ce qu’on allait dire le len­de­main matin, Gérard et moi avons réuni un amphi très tôt pour « dési­gner » des volon­taires. Il en fal­lait huit et sur­tout pas des types trop mal clas­sés dans le groupe.

« Il y a eu des volon­taires, cinq ou six qui avaient par­ti­ci­pé à l’opération et deux ou trois qui étaient volon­taires et qui n’avaient abso­lu­ment pas par­ti­ci­pé, ce qui est déjà un signe de soli­da­ri­té poly­tech­ni­cienne bien comprise. »

Babar, Géné K se souvient :

[…] « Un amphi mémo­rable où on voit ceux qui en ont… du cou­rage : des mis­saires dont cer­tains n’ont pas été rete­nus parce que trop proches de la queue de la courbe de Ché­ram (Apo­cope de Ché­ra­dame, Direc­teur des Etudes, dont la courbe dia­bo­lique per­met­tait d’identifier les cancres – Note de Dlw) et d’autres, abso­lu­ment épous­tou­flants, parce qu’à des années-lumière de la moindre incar­tade mais pro­fon­dé­ment soli­daires et sou­hai­tant le mon­trer intensément.

Soli­da­ri­té, amour de l’École, de sa pro­mo et de son comportement.

« Nous avons abou­ti au mix par­fait : six mis­saires (la moi­tié de la Khô­miss, c’était bien nor­mal) et deux exo­gènes (qui appor­taient une pro­tec­tion sup­plé­men­taire contre le risque d’exclusion)

« La mili qui avait des oreilles était par­fai­te­ment au cou­rant de ce qui se pas­sait et le Géné­ral n’a pas été sur­pris de nous voir arri­ver à huit en Grand U à 11 heures dans son bureau au Bon­court. En fait, je pense que secrè­te­ment il était sou­la­gé de ne pas avoir à virer un élève pour une simple appli­ca­tion d’une tra­di­tion, certes peu usi­tée, mais dont, dans son for inté­rieur, il com­pre­nait le bien fondé.

Petit laïus et la sanc­tion tombe : 45 jours d’arrêts de for­te­resse, et pas de levée de crans à espé­rer pour le 14 juillet (comme c’était la tradition) […]

Les prisonniers vont en forteresse
Une haie d’honneur, for­mée par l’ensemble des cocons de la 64, salue les prisonniers

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