L’éolien offshore, une chance pour l’industrie française
La France a pris du retard sur l’Europe du Nord en matière d’éolien offshore, mais elle est maintenant décidée à créer une filière industrielle, avec du matériel spécifique de forte puissance. L’investissement est lourd, mais la chaîne logistique implique une forte localisation sur le territoire national et 10 000 emplois sont en jeu. La baisse des coûts doit continuer avec un objectif de 100- 120 euros/MWh en 2030.
D’un point de vue industriel, les projets nécessitent un niveau relativement élevé de capitaux et des montages financiers complexes et sont logiquement portés en grande majorité par des électriciens majeurs tels que Dong Energy au Danemark, RWE ou E.ON en Allemagne, EDF ou Engie en France.
“ Les barrières à l’entrée de ces marchés sont relativement élevées ”
La chaîne logistique industrielle est, quant à elle, divisée en grands lots de travaux : turbines, fondations, installations, câbles, sous-stations. Chacune de ces activités est dominée par un nombre restreint d’acteurs, les barrières à l’entrée de ces marchés étant à la mesure des risques – relativement élevées.
La fourniture de turbines en particulier fait l’objet d’une concurrence entre quelques acteurs dont le nombre a récemment été réduit par une vague de consolidation : Siemens, leader incontesté, MHI Vestas, General Electric (ex-Alstom), Adwen (Areva- Gamesa), Senvion.
REPÈRES
L’éolien offshore représente probablement l’une des toutes dernières exploitations des ressources maritimes par l’homme.
Son concept est relativement simple, puisqu’il consiste à profiter de conditions de vent plus favorables en mer qu’à terre et à s’affranchir des problèmes d’acceptation rencontrés par les projets d’éolien terrestre, en installant des turbines éoliennes à plusieurs kilomètres des côtes.
Des coûts encore élevés
Malgré des perspectives florissantes, l’avenir de l’éolien offshore est conditionné à une nécessaire baisse des coûts de production de l’énergie qui doit s’opérer tout au long de la chaîne de valeur.
General Electric a monté une usine d’assemblage d’éoliennes à Saint-Nazaire. © GENERAL ELECTRIC
Originellement aux alentours de 200 euros/MWh, ceux-ci doivent être ramenés vers un niveau proche du seuil des 100 euros/MWh, c’est-à-dire proche de la parité réseau dans de nombreux pays.
Compte tenu des nombreux efforts réalisés dans ce domaine par l’ensemble de la filière, cet objectif pourrait être atteint d’ici 2025–2030.
Une filiaire française en devenir
Comme pour d’autres énergies renouvelables (l’hydraulique exclue), la France a pris le train de l’éolien offshore en retard, ne s’y engageant qu’à partir de 2011, soit près de dix ans après les pays du nord de l’Europe.
L’acte fondateur de la filière française est un appel d’offres lancé par l’État en 2011, dont les résultats ont été publiés en avril 2012, et qui a attribué quatre zones représentant 2 gigawatts à un consortium mené par EDF associé à Alstom (les champs de Fécamp, Courseulles-sur-Mer et Saint-Nazaire) et à un autre mené par Iberdrola et associé à Areva (le champ de Saint- Brieuc)
Un deuxième appel d’offres a par la suite attribué deux zones (Le Tréport et Noirmoutier – île d’Yeu) représentant 1 gigawatt supplémentaire à un consortium mené par Engie associé à Areva.
Prix garantis contre création d’usines
Pour ces deux appels d’offres, le contrat proposé par l’État a été simple : l’État assure un tarif de rachat sur plusieurs années en échange de la création d’unités industrielles sur le territoire.
“ Près de 10 000 emplois doivent être créés dans les années qui viennent ”
C’est ce à quoi se sont engagés les différents consortiums, via leurs partenaires industriels privilégiés : General Electric a monté une usine d’assemblage de nacelles et une usine d’assemblage de générateurs à Saint-Nazaire, ainsi qu’une usine de mâts et une de pales à Cherbourg en partenariat avec LM Wind Power, acteur principal de la production de pales d’éoliennes.
La chaîne logistique implique par ailleurs une forte localisation sur le territoire national puisque, pour chaque champ, les différents composants (nacelles, pales et mâts en trois sections) sont acheminés par bateau vers des hubs logistiques situés dans des grands ports à proximité immédiate des champs pour y être préassemblés avant d’être transportés vers les sites d’installation par des bateaux spécialisés.
Au-delà des turbines, les autres lots (fondations, câbles, sous-stations) seront également synonymes d’activité en France, grâce à des entreprises comme STX, Vinci, Eiffage, Bouygues ou General Electric (ex-Alstom Grid).
Les ports de Saint- Nazaire, de Cherbourg et du Havre, quant à eux, ont engagé ou vont engager des investissements conséquents afin de développer les infrastructures nécessaires pour accueillir ces activités nouvelles. Au total, ce sont donc près de 10 000 emplois qui doivent être créés dans les années qui viennent grâce à ces deux appels d’offres.
Assemblage de l’éolienne offshore Haliade™ de General Electric.
© GENERAL ELECTRIC
DES MILLIERS D’EMPLOIS EN JEU
L’objectif affiché de l’État, transcendant les courants politiques et les changements de majorité, est non seulement d’augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique national, mais également de créer une filière française, et donc des emplois, capable de prendre des parts de marché à l’export et de concurrencer les acteurs nord-européens. Rappelons que l’éolien offshore représente près de 25 000 emplois en Europe.
Des délais de mise en place importants
Malgré ces engagements, ces ambitions et une forte volonté des différents acteurs d’aller de l’avant, la création de la filière prend du temps, à la fois pour des raisons administratives et techniques ; la mise en service du premier des six champs français n’aura pas lieu avant plusieurs années.
Ce volume permet toutefois de donner de la visibilité à cette industrie et l’éolien offshore représente d’ores et déjà près de 1 000 emplois en France, dans la préparation des champs français mais également dans l’export.
“ La France a les moyens d’avoir une ambition forte pour cette énergie ”
Au-delà de cette réalité déjà engagée, la filière a besoin de davantage de volume et de visibilité afin de pouvoir placer notre pays au premier rang du marché mondial de l’éolien offshore.
La baisse des coûts doit continuer et la profession se fixe un objectif de 100- 120 euros/MWh à l’horizon 2030, à condition que les volumes visés par l’État soient de l’ordre de 15 gigawatts. En 2030, l’éolien offshore pourrait ainsi assurer une production annuelle de 45 TWh, soit 8 % des besoins du pays.
La France a les moyens d’avoir une ambition forte pour cette énergie : elle dispose des ressources physiques, avec le deuxième potentiel de développement de l’éolien offshore en Europe, d’une surface maritime conséquente, avec plusieurs milliers de kilomètres de côtes réparties sur quatre façades maritimes et désormais d’une filière industrielle.
Rappelons que 15 GW d’éolien offshore occuperaient moins de 1 % de la zone économique exclusive métropolitaine.
La chaîne logistique implique une forte localisation sur le territoire national. © GENERAL ELECTRIC