Giacomo PUCCINI : La Fanciulla del West
Puccini nous amene au Far West pour cet opéra créé en 1910. Mais ici les cowboys sont désormais des ouvriers, les Indiens sont en réserve, les shérifs ne montent plus à cheval.
Puccini nous a transportés au cours de sa carrière dans la Chine médiévale, au Japon de l’ère Meiji, dans le Paris des Misérables (quatre fois), en adaptant chaque fois sa musique aux styles des pays et des périodes visités.
Avant les explorations harmoniques de Turandot (inachevé, 1924), il se devait de nous amener au Far West pour cet opéra créé en 1910 au Metropolitan Opera de New York.
Cette production de La Fille du Far West à Vienne en 2013, cent ans après sa première représentation dans cette ville, transpose l’action dans le Middle West des années 1950.
Les cowboys sont désormais des ouvriers, les Indiens sont en réserve, les shérifs ne montent plus à cheval. Mais les décors et costumes sont très réussis et adaptés.
À l’apogée de sa popularité, après des œuvres d’un vérisme très accessible et populaire (La Bohème, Tosca, etc.), Puccini tente ici une musique plus expérimentale, comme Richard Strauss et Janacek l’ont tentée à peu près au même moment.
Peu d’airs, mais plutôt un flux continu d’une musique passionnante et caractéristique qui raconte et décrit l’intrigue et les sentiments.
Dans un univers exclusivement masculin de chercheurs d’or, la jeune Minnie est naturellement l’objet de toutes les convoitises et attentions, d’autant qu’elle est la seule à avoir un minimum d’instruction. Mais elle s’éprend du bandit Dick Johnson, ce qui rend fou de jalousie notre shérif.
Bien entendu, l’amour de la soprano et du ténor contrarié par le baryton ne semble pas original. Déjà vu également, Minnie, comme Tosca, semble prête à abandonner le plus précieux pour sauver ce qui lui est le plus cher.
Et comme dans Le Vaisseau fantôme, la rédemption par l’amour aménage une fin plus heureuse qu’on ne l’a cru tout au long de l’opéra.
Mais cette œuvre contient de grandes originalités et surprises. La tension de la partie de poker du second acte, l’ambiance de saloon du début de l’opéra, la scène de la pendaison sont d’un effet dramatique saisissant. Le célèbre air de ténor de Dick sur le point d’être pendu est un des plus beaux airs de Puccini.
Et je vous promets que voir ce bandit mexicain déguisé en mineur américain chantant en italien à Vienne, avec le léger accent allemand de Kaufmann, vaut tous les dépaysements que peut offrir l’opéra.
Jonas Kaufmann dans son magnifique costume de cuir est la star de cette production. Demandé dans le monde entier, et donc rare partout (l’Opéra de Paris est probablement la seule maison d’opéra à pouvoir se vanter de le programmer dans deux productions pour la prochaine saison), il mérite sa réputation.
Un chant riche, émouvant par sa voix même comme par les sentiments qu’il exprime. Et avec un physique idéal. Mais il est aussi très bien accompagné.
Nina Stemme, soprano suédoise exceptionnelle, une Brunehilde, une Ariane, est remarquable de musicalité, d’engagement et de dramatisme. Le shérif de Tomasz Konieczny, reître et vulgaire à souhait, est idéal de noirceur et de méchanceté jalouse. Et l’orchestre viennois brille sous la baguette douée de Franz Welser-Möst.
Simultanément Sony édite un récital Puccini à la Scala de Jonas Kaufmann. Les œuvres sont enregistrées de façon chronologique, et permettent de retrouver en image de vraies raretés (extraits de Le Villi, le premier opéra de Puccini ; le Preludio sinfonico, où Puccini puisera des thèmes pour Le Villi et Edgar, opéras de jeunesse mais postérieurs à Parsifal et Otello).
Les airs plus célèbres sont chantés par Kaufmann de façon superlative, un très bon complément à La Fille du Far West.