Yehudi MENUHIN
Pour le centenaire de sa naissance, Warner publie en cinq coffrets de quatre-vingts CD une large anthologie de ses enregistrements pour La Voix de son Maître – EMI de 1930 à 1999.
Pour le centenaire de la naissance de Yehudi Menuhin, Warner publie en cinq coffrets de quatre-vingts CD au total une large anthologie de ses enregistrements pour La Voix de son Maître – EMI de 1930 à 1999, année de sa mort.
L’unanimisme autour de Menuhin et les superlatifs qui émaillent tous les jugements sur ses interprétations incitent à la méfiance : au fond, qu’est-ce qui le distingue des très grands violonistes du XXe siècle, les Heifetz, Ferras, Milstein, Oïstrakh, Francescatti, Perlman ?
Yehudi Menuhin en 1937.
Et l’on s’interroge d’autant que Menuhin aura été un artiste engagé très médiatisé, prenant position sur les grands conflits, toujours à la tête de la lutte pour les droits de l’homme, donnant pendant la Seconde Guerre mondiale deux cents concerts par an pour les soldats alliés, défendant Furtwängler lors de son procès en dénazification, ambassadeur de l’Unesco, etc.
Ce qui constitue le caractère véritablement unique de sa musique tient en peu de mots : sonorité à la fois rayonnante et déchirante, reconnaissable entre toutes, simplicité et spontanéité, passion brûlante, ouverture, hors des grands classiques, à des musiciens inconnus comme Berkeley, Finney, Panufnik, et à d’autres musiques : le jazz avec Stéphane Grappelli, les ragas de l’Inde avec Ravi Shankar ; et bien sûr, technique virtuose mais qui ne prend jamais le pas sur la sincérité de l’interprétation.
Le premier coffret, Acteur de l’histoire (18 CD), présente de Bach les premiers enregistrements des Sonates et Partitas, les deux Concertos, le Double Concerto avec Georges Enesco, dont le Largo poignant à pleurer, les Concertos de Mozart, Schumann, Dvorak, Walton, Berkeley, Williamson, Panufnik, Beethoven et Mendelssohn avec Furtwängler, les Sonates de Bartok, une foule d’œuvres de Sarasate, Wieniawski, Debussy, Tchaïkovski, Bloch, Somers, Chausson (Poème), Frank Martin, Harris, Finney, Ben-Haïm.
Et aussi, last but not least, des improvisations jazz avec Stéphane Grappelli sur des standards de Gershwin, Cole Porter, Irving Berlin et un fabuleux Jalousie (oui, en jazz) de légende ; enfin, avec Ravi Shankar au sitar, des ragas indiens.
Sous le titre Le Virtuose et ses enregistrements légendaires (13 CD), le second coffret rassemble de Bartok les deux Concertos (pour violon et pour alto) et les six Duos, le Concerto d’Alban Berg (À la mémoire d’un ange), de Paganini le Concerto n° 1, les vingt-quatre Caprices et d’autres œuvres dont Mouvement perpétuel, la première Sonate de Prokofiev, la peu connue Fantaisie de Schubert (avec Louis Kentner au piano), l’intégrale des Sonates de Beethoven avec Louis Kentner, les deux Sextuors de Brahms avec notamment Maurice Gendron et Cecil Aronowitz, les Sonates de Debussy et Poulenc, et de nombreuses pièces de Beethoven, Rachmaninov, Kreisler, Falla, Granados, Sarasate, Ravel (dont Tzigane), Dvorak, Wieniawski, Szymanowski, etc.
Menuhin dirige aussi François-René Duchable dans la transcription pour piano par Beethoven de son Concerto pour violon, dite 6e Concerto.
Yehudi Menuhin et sa sœur Hephzibah en Australie en 1951.
Enregistrés en concerts, notamment au cours de festivals, les sept disques du coffret suivant contiennent les Concertos de Brahms, Britten, Partos (à découvrir), les deux Concertos de Bach quarante ans après, les trois Trios de Brahms avec Casals et Istomin, le sublime Trio n° 2 de Schumann, la Sonate pour violon et violoncelle de Ravel avec Maurice Gendron, et des œuvres de Stravinski, Hindemith, Bartok (le Divertimento pour orchestre à cordes), Corelli et Paganini.
Pour terminer (nous n’avons pas pu entendre les disques du coffret des Inédits), l’intégrale des enregistrements de Menuhin avec sa sœur Hephzibah (20 CD) avec qui il entretenait une relation fusionnelle semblable à celle de Mendelssohn avec sa sœur.
Des Sonates de Mozart, Bartok, Brahms, Beethoven (dont À Kreutzer), Schumann, Elgar, Williams, Enesco, les Sonates de Lekeu, Franck, et des Trios de Beethoven, Tchaïkovski, Schubert, Brahms (avec cor), le peu connu Double Concerto de Mendelssohn pour violon et piano, enfin, dirigés par Menuhin, quatre Concertos de Mozart : les 14 et 19, ainsi que les Concertos pour deux et trois pianos.
La qualité technique des enregistrements, tous remastérisés, est bonne pour ceux des années 1930 et 1940, très bonne pour les années 1950 et excellente pour les autres.
On l’aura compris : c’est là le parcours, en soixante-dix ans de musique, d’un interprète d’exception, vibrant, droit, fragile et chaleureux, éternel et génial adolescent qui aura traversé le XXe siècle et ses tragédies sans jamais renoncer à son message d’espoir.
En le découvrant au fil du temps, nous savons que nous y connaîtrons de ces moments qui, comme le disait Charles de Gaulle, « dépassent chacune de nos pauvres vies ».