A la recherche d’un nouveau cadre juridique
Ici sont abordées les évolutions juridiques nécessaires pour faire évoluer la réglementation. Ceci dans un cadre international, mais aussi pour que la France puisse garder dans ce domaine l’avance qui a permis un essor industriel remarquable. Il faut adapter le cadre aux nouveaux usages, prestations de services et transport de personnes et de marchandises.
La nécessaire évolution du cadre juridique de l’emploi des drones aériens civils présente des enjeux pour l’État.
Ceux-ci ont été identifiés par un groupe de travail sous l’autorité du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, dont les recommandations ont été publiées dans un rapport du 16 octobre 2015.
REPÈRES
La France a été l’un des premiers pays à réglementer l’activité des drones aériens civils dès 2012, en se limitant aux usages professionnels. Depuis lors, le marché du drone civil a connu un développement important au bénéfice des opérateurs et une augmentation du nombre des survols de zones interdites ou sensibles, ainsi que des vols de drones en agglomération pouvant présenter des risques pour la sécurité publique.
Des incidents répétés au cours de l’année 2014 ont conduit les pouvoirs publics à faire évoluer le cadre juridique à partir de 2015.
DES ENJEUX POUR L’ÉTAT
Transport de colis par drone. © FOTOLIA
Dans ce rapport, le SGDSN a dressé trois constats :
- la nécessité de faire évoluer la réglementation, et en particulier de responsabiliser davantage les télépilotes avec pour objectif de réduire les comportements à risques ou malveillants ;
- l’absence de moyens adaptés pour détecter les usages malveillants ;
- et enfin le renforcement de la coopération internationale en vue d’une action coordonnée vis-à-vis des instances telles que l’Organisation de l’aviation civile internationale ou l’Union européenne.
Le SGDSN a fait état de lacunes juridiques et capacitaires et identifié des pistes d’évolutions du cadre juridique.
UNE AMORCE D’ÉVOLUTION
Les deux arrêtés du 17 décembre 2015 (dits « Utilisation » et « Conception ») ont abrogé les deux arrêtés de 2012. Toutefois, les grands principes sont inchangés.
Les principales modifications concernent les modalités d’évolution en espace aérien contrôlé civil :
- notamment la possibilité d’évoluer sans vue en espace aérien contrôlé si un protocole d’accord a été établi entre le responsable de l’activité et l’organisme de contrôle de la circulation aérienne ;
- l’extension du périmètre de certains scénarios ;
- l’utilisation de drones à l’intérieur d’espaces clos et couverts, qui n’est plus soumise aux prescriptions de l’arrêté dit utilisation ;
- la simplification de nombreuses démarches ;
- et enfin le vol de nuit qui est rendu possible sur autorisation du préfet après avis de la Direction de la sécurité de l’aviation civile.
UNE PROPOSITION DE LOI
27 PROPOSITIONS
L’AESA a publié le 18 décembre 2015 un avis technique sur le concept d’opérations de drones. Cet avis inclut 27 propositions pour un cadre réglementaire centré sur les opérations et sur la manière dont les drones sont utilisés, plutôt que sur leurs caractéristiques.
L’avis distingue trois catégories d’opérations : ouvertes (faible risque), spécifiques (risque moyen) et certifiées (risque élevé), et définit, pour chaque catégorie, des exigences de sécurité en fonction des risques.
La proposition de loi (141) adoptée en première lecture par le Sénat le 17 mai 2016, relative au renforcement de la sécurité de l’usage civil des drones civils, s’inscrit dans le prolongement des lacunes juridiques identifiées par le SGDSN.
La proposition met en place une stratégie reposant sur quatre piliers :
- l’obligation d’enregistrement en ligne des drones comme aux États-Unis ;
- la formation des télépilotes d’aéromodèles ;
- l’obligation d’information des utilisateurs par les fabricants de drones sur les conditions d’utilisation en conformité avec la réglementation en vigueur ;
- le signalement électronique et lumineux des drones.
ADAPTER LE CADRE AUX NOUVEAUX USAGES
Le drone est un vecteur de transport pour des secteurs d’activité qui envisagent de nouveaux usages de plus en plus intelligents et autonomes, mais aussi un champ d’investigation pour le juriste qui s’interroge sur la réglementation, et en particulier sur les problématiques de responsabilité résultant de l’usage de drones autonomes.
Premier drone de transport de passagers, l’Ehang 184, est au stade de vols d’essais. © EHANG
TRANSPORTER DES PERSONNES
Le premier drone de transport de passagers, l’Ehang 184, a été présenté au Consumer Electronics Show en 2016. Il est au stade des vols d’essais.
Néanmoins, on image aisément avec l’évolution des technologies que cette nouvelle forme d’usage pourrait se développer, compte tenu des avantages concurrentiels qu’elle présenterait.
PRESTATIONS DE SERVICES ET TRANSPORT DE MARCHANDISES
POUR RASSURER PETITS ET GRANDS
L’article 1er de l’arrêté du 15 décembre 2015 précise que « ses dispositions ne s’appliquent pas aux ballons captifs ni aux cerfs-volants ». Nos lecteurs pourront donc continuer à faire voler des cerfs-volants sur la plage sans autorisation préfectorale.
De nouveaux usages des drones, dont certaines fonctions primaires sont autonomes, sont déjà testés en grandeur réelle. Compte tenu de l’état de l’art et des technologies disponibles, il ne s’agit pas encore de drones autonomes pour l’ensemble des fonctions, mais seulement de déporter le télépilotage à distance d’une cinquantaine ou d’une centaine de kilomètres.
À titre d’exemple, une filiale du groupe La Poste poursuit la phase de test d’un drone de livraison de colis. Il en est de même des postes australienne ou suisse.
Les drones devront pouvoir être opérés sans ségrégation de l’espace aérien, avec l’aviation habitée. © JAG_CZ / FOTOLIA
UN NOUVEAU CADRE RÉGLEMENTAIRE
Les drones possèdent un fort potentiel d’applications dans le domaine civil. Avec l’évolution des technologies et notamment lorsque les technologies de détection et d’évitement pourront être suffisamment miniaturisées pour être intégrées dans un drone avec un niveau de maturité suffisant, le cadre réglementaire devra nécessairement être adapté à ces nouveaux usages ainsi qu’aux évolutions technologiques.
DANS L’ESPACE AÉRIEN MONDIAL
La Commission européenne a défini une feuille de route en quatre périodes pour l’intégration des drones dans l’espace aérien européen, puis mondial. De la deuxième période (2014−2018) à la quatrième (2024−2028), la Commission a fixé des objectifs réglementaires.
L’intégration des drones dans l’espace aérien mondial non ségrégé ne sera pleinement réalisée que durant la période 2024–2028. Dans cette quatrième période du plan d’action, les drones devront pouvoir être opérés sans ségrégation de l’espace aérien, avec l’aviation habitée et en suivant les mêmes procédures de gestion du trafic aérien, tout en assurant un même niveau de sécurité et de sûreté.
Cette intégration ne pourra se faire que lorsque les recherches stratégiques auront pu rendre disponibles les technologies nécessaires.
C’est la raison pour laquelle la feuille de route de la Commission présente un plan de recherche stratégique identifiant les exigences pour l’intégration des drones dans l’espace aérien non ségrégé, ainsi que les facilitateurs technologiques et opérationnels.
Survol d’une zone urbaine. © ICHOLAKOV / FOTOLIA