Jean-Sébastien BACH : Passion selon Saint Jean
Jean-Sébastien Bach a probablement écrit quatre Passions, oratorios sur les derniers jours du Christ, selon les quatre Évangiles. Seules celles selon Jean et Matthieu ont survécu, et comptent parmi les œuvres les plus célèbres et célébrée s du compositeur.
La Passion selon saint Jean est la plus intime, et il existe en DVD plusieurs éditions à recommander en version traditionnelle (Harnoncourt et Suzuki, principalement).
Mais le concert que nous commentons aujourd’hui n’a rien à voir avec un enregistrement traditionnel de la Passion selon saint Jean. En effet, Peter Sellars met réellement en scène en 2014 cette Passion, pourtant destinée à être représentée statiquement comme un oratorio.
Or, il ne la met pas en scène comme on pourrait le faire avec un opéra, à grand renfort de costumes, décors et scènes réalistes, mais au contraire avec une mise en espace, un jeu sur les corps et les mouvements qui tranchent avec la sobriété des costumes et des décors, et en font un spectacle musical et plastique à la fois.
Le chœur, généralement statique, ici joue vraiment, tout en noir, représente la foule qui tantôt se lamente levant les bras au ciel, tantôt hurle, prie, pleure en se roulant par terre. La foule partage sa souffrance avec nous, Sellars créant avec le chœur le même effet que des sculptures de Rodin (quel travail sur les mains, les postures, etc.).
L’Orchestre philharmonique de Berlin, d’habitude l’un des plus fournis au monde, est ce soir-là réduit à un effectif « baroque » plus conforme à l’époque de sa création, et complété d’un orgue positif, de violes et d’un théorbe, grand luth très élégant.
L’orchestre est sur la scène, mais les instruments solistes qui accompagnent certains airs se déplacent pour entourer les chanteurs qui bougent beaucoup également, comme, par exemple, les deux hautbois qui accompagnent le premier air de sainte Anne.
Cette mise en scène subtile tient en haleine l’auditeur pendant les deux heures de spectacle, il vibre, il pleure, il passe par toutes les émotions des personnages de la passion du Christ.
Il se passe toujours quelque chose, pendant les récitatifs, les chœurs, les arias. Mention spéciale pour la très poignante scène du reniement de saint Pierre d’une incroyable émotion.
Musicalement, naturellement le meilleur : un des plus beaux orchestres du monde en format d’époque, on l’a dit, son chef attitré pendant encore quelque mois (Rattle va rejoindre son Londres l’année prochaine), le grand ténor Mark Padmore comme évangéliste récitant, Padmore que l’on a vu à Paris diriger lui-même cette Passion un vendredi saint de 2014, cumulant les rôles de chef d’orchestre et d’évangéliste, grand souvenir.