La Région Grand Est : préparer et construire l’avenir
Pouvez-vous nous en dire plus sur la fusion des 3 anciennes Régions ?
Avant le lancement de la fusion décidée par le gouvernement en 2014, il y avait eu, en Alsace, une procédure de fusion des collectivités qui avait failli aboutir. Le « OUI » avait récolté 58 % au référendum de 2013. Néanmoins, le résultat n’était pas suffisant, car les règles du référendum exigeaient que plus de 25 % des inscrits votent « OUI », or la participation n’avait pas été suffisante.
L’idée d’un conseil unique en Alsace a été abandonnée, mais remise à l’ordre du jour un an plus tard avec le lancement des regroupements des Régions. Alors que pendant un long moment nous attendions une fusion de l’Alsace et de la Lorraine, la nouvelle Région a rassemblé l’Alsace, la Lorraine et la Champagne-Ardenne.
Après son élection Philippe Richert m’a demandé de devenir le Directeur Général des Services de la Région qu’il allait présider. Malgré le caractère inattendu de cette loi, nous avons tout de même pu réaliser un travail de préparation qui nous permet de mettre en oeuvre maintenant des actions.
Avec le recul, la Région est une entité rationnelle et contrairement aux idées reçues sur la loi et le regroupement des Régions, nous sommes en train de faire des économies. Même si cela va nécessiter du temps, nous observons une certaine cohérence qui s’appuie, entre autres, sur le calibrage des moyens et des effectifs au fur et à mesure des votes du budget.
Concrètement, la fusion a été génératrice de rationalité et de responsabilités, alors que l’effet de taille aura, à mon avis, un effet positif sur l’augmentation et la progression régulière de la performance. Et dans ce nouveau cadre, ma mission est d’organiser une administration performante.
Dans ce processus de fusion, quels ont été les dossiers qui ont monopolisé votre attention ?
Quels ont été les dossiers prioritaires qui vous ont alors occupés ?
Les différences managériales et sociales entre les trois anciennes administrations et les différences d’approche politique sont les principaux dossiers qui ont mobilisé notre attention.
Les Régions ont des historiques différents qui impactent leur gestion sociale et managériale.
Par exemple, la Lorraine s’est distinguée des deux autres Régions par son historique administratif. Elle a été très fortement touchée par le choc industriel des années 70 : arrêt de l’activité sidérurgique, fermeture des mines de charbon…
“ CONTRAIREMENT AUX IDÉES REÇUES SUR LA LOI ET LE REGROUPEMENT DES RÉGIONS, NOUS SOMMES EN TRAIN DE FAIRE DES ÉCONOMIES. ”
À l’époque des 30 Glorieuses, l’État, fort de ses moyens financiers, a requalifié le territoire, réinstallé des entreprises et compensé ses pertes d’emplois en résorbant le chômage à travers des recrutements de profils avec une qualification de base sur des postes de fonctionnaires (personnel technique et ouvrier de lycée, agent de travaux des routes…).
Il a fallu gérer ce décalage et cette situation complexe. Notre réponse managériale a été de redonner un sens au travail de chacun et de préparer une rationalisation des effectifs, mais également des rémunérations, ce qui prendra du temps. Nous devons trouver des formules pour faire évoluer les choses en allant dans le sens de la performance.
Nous nous sommes préparés à la fusion tout au long de l’année 2015. Quand la Région a été créée le 4 janvier 2016, nous avons mis en place immédiatement un directeur dans chaque domaine. Ainsi, l’administration de la grande Région a existé dès le premier jour !
Malgré les problèmes de convergences des politiques sur les différentes thématiques, nous sommes aujourd’hui une Région où les choses se mettent en place de manière pertinente et bénéfique.
Aujourd’hui, quels sont les principaux centres de préocLettrinecupation ?
Nous avons deux grandes priorités politiques :
- la compétitivité économique et l’emploi : nous disposons d’outils élaborés hérités des Régions et qui ne prennent pas uniquement la forme de subventions, mais qui sont également des fonds d’investissement stratégiques visant à soutenir le développement des PME ;
- le pacte pour la ruralité : la naissance de la Région Grand Est a mis en évidence d’immenses espaces peu denses et ruraux. Dans ce contexte, nous avons mis en avant avec les élus un pacte pour la ruralité qui s’appuie sur une administration proche du terrain pour éviter un certain centralisme.
Aujourd’hui, sur ces territoires, les autoroutes immatérielles (la fibre optique) sont le service le plus attendu. Alors que l’État se fixe un objectif à 10 ans pour apporter la fibre optique à tous les foyers français, dans le Grand Est, nous visons un élargissement de la fibre optique à toute la région d’ici 5 ans.
Pour contribuer à la compétitivité de la Région, les 2⁄3 du budget, qui s’élève à environ 3 milliards d’euros, sont alloués à la formation (les lycées, la formation professionnelle des demandeurs d’emploi, la formation sanitaire et sociale, l’apprentissage) à hauteur d’un milliard d’euros, et au transport (TER, transport scolaire et urbain) soit 900 millions d’euros.
Le reste du budget permet de financer, entre autres, des actions pour les entreprises, ou encore l’environnement.
La Région se veut plus proche des citoyens et des territoires. Qu’est-ce que cela va impliquer concrètement ?
L’organisation de la Région s’appuie sur trois sites, les trois Maisons de la Région à Strasbourg, Metz et Châlons-en-Champagne. Nous nous dirigeons vers une territorialisation plus fine afin d’être plus près du terrain avec la création de douze agences territoriales qui vont gérer avec la meilleure subsidiarité tous les aspects qui peuvent l’être directement sur le terrain, en circuit court.
Elles auront à leur tête un directeur qui va jouir du même rang que les directeurs centraux. Et nous sommes, d’ailleurs, en avance sur ces sujets par rapport aux autres Régions.
Quels sont vos principaux enjeux, mais également les perspectives qui en découlent ?
La réforme a apporté un changement assez positif au niveau des Régions. En parallèle, la relation entre l’État et les Régions a également changé de nature. De nouvelles compétences vont nous être transférées, comme, dès 2017, les transports scolaires et interurbains.
La France de demain ne sera plus organisée autour d’un État et de ses départements. En effet, l’État aura des fonctions plus légères sans pour autant se diriger vers le fédéralisme.
Des Régions plus grandes avec des fonctions et des compétences renforcées vont se profiler petit à petit, alors que de très grosses intercommunalités verront le jour.
Pour accompagner ces changements, nous devons mettre en place une organisation performante, proche du terrain et qui soit capable d’accueillir de nouvelles compétences.
Et pour conclure ?
Des lois qui ont pu surprendre peuvent conduire à des tournants historiques. C’est le cas de cette loi et du redécoupage des Régions qui va avoir des conséquences très importantes.
Finalement, quand le hasard vous donne l’occasion de jouer un rôle intéressant dans une telle évolution, c’est évidemment passionnant et relever le défi devient un devoir !