Étymologie :
À propos de Fondation
La fondation de l’X finance des actions d’intérêt général et pour cela, elle lève des fonds, où l’on sait que fonds est le pluriel… de fonds (financier) et non pas de fond (de tiroir par exemple). Ces homonymes forment l’un des pièges classiques de l’orthographe en français, mais ont-ils bien la même origine étymologique ? Même si cela semble probable, il est bon de s’en assurer, d’autant plus qu’en anglais, fonds se dit fund, visiblement apparenté au français, alors que fond se dit bottom, en apparence un mot de nature très différente. On va voir qu’il n’en est rien, en passant par un peu d’étymologie comparative entre le latin et l’anglais.
Quand un /F/ en latin correspond à un /B/ en anglais
Le nom fond vient du latin fundus, dont le premier sens est bien « fond », en particulier pour le fond de la mer (un haut fond là où c’est peu profond).
Et l’anglais bottom « fond » lui est apparenté en effet, car d’une part les consonnes /d/ et /t/ sont de même nature (des dentales), et d’autre part les initiales /f/ et /b/ ont des traits phonétiques communs, et se retrouvent dans d’autres mots des sens identiques ou voisins :
Par exemple, le latin flos, floris « fleur » et l’anglais blossom « floraison », le latin flare « souffler » et l’anglais to blow « souffler », le latin forare « forer » et l’anglais to bore « percer », etc.
Et il existe d’autres cas semblables, où l’on suppose un mot indo-européen antérieur commençant par un *bh- aspiré, évoluant vers /f/ en latin et /b/ en anglais. L’anglais bottom se relie donc bien au latin fundus, tout comme le français fonds, comme on va le voir.
Histoire d’une polysémie
Dès le latin, fundus désignait non seulement le fond d’un récipient, ou d’un lieu comme une vallée, mais aussi par extension une surface de terre, un terrain, une propriété, d’où un bien financier, et même une garantie juridique.
Cette polysémie s’est continuée en bas latin et en ancien français, avec une orthographe fluctuante : funz, funs, font, fond, fonds… C’est alors que le grammairien et académicien Vaugelas, dans ses Remarques sur la langue française (1647), a jugé bon de clarifier la situation en fixant fond (pour fond du tonneau…) et fonds (pour fonds de terre…), d’où l’usage moderne de fonds, qu’il soit de garantie, d’investissement, de commerce, etc.
“ Travaillez, prenez de la peine :
C’est le fonds qui manque le moins. ”
(Jean de La Fontaine)
Après les polysémies, des homonymies
La séparation fond/fonds ne se voit pas dans les dérivés, comme fondation, du bas latin fundatio : la fondation (de l’X en 1794) ou les fondations (d’un bâtiment) renvoient à fond, alors que la fondation (de l’X, créée en 1987) renvoie à fonds.
D’autre part, à côté de fundare « fonder », dérivé de fundus, le latin a, d’une deuxième origine, fundere « faire fondre, (ren)verser », d’où des homonymes. Ainsi, foncer s’emploie pour une couleur foncée, car le fond d’un creux est sombre… mais foncer « aller vite » dérive de fondre, au sens de l’aigle qui fond sur sa proie.
Et d’une troisième origine, on a le latin fons, fontis « source, fontaine », devenant en ancien français font, qui ne subsiste que dans les fonts baptismaux, ceux sur lesquels on porte, par métaphore, une institution que l’on fonde.
Épilogue, où seuls les mots soulignés sont apparentés
Bref, lorsqu’à peine sorti des fonts baptismaux, un fonds financier fond, au risque de s’effondrer, voire de toucher le fond, il est fondamental de surveiller sa bottomline.
Il y a Fondation et Fondation !
La séparation fond/fonds ne se voit pas dans les dérivés, comme fondation, du bas latin fundatio : la fondation (de l’X en 1794) ou les fondations (d’un bâtiment) renvoient à fond, alors que la fondation (de l’X, créée en 1987) renvoie à fonds. Et il y a donc fondation et fondation !
Consulter toutes les chroniques étymologiques de Pierre Avenas
En illustration : la Fondation Louis Vuitton, Paris