moyens de paiement

Étymologie :
À propos de moyens de paiement

Dossier : ExpressionsMagazine N°724 Avril 2017
Par Pierre AVENAS (X65)

De la mone­ta romaine au bit­coin vir­tuel, l’abstraction l’a empor­té, même si uti­li­ser une mon­naie digi­tale consiste tou­jours à comp­ter … sur ses doigts.
Et si l’argent est le nerf de la guerre, il est aus­si por­teur de la paix, qu’il per­met d’acheter, comme l’illustre l’étymologie.

De la paix au paiement

Le verbe payer a une éty­mo­lo­gie sur­pre­nante : il remonte au latin clas­sique pacare « faire la paix », déri­vé de pax, pacis « paix » (d’où paix et peace en anglais), qui a pris en bas latin le sens moral de « satis­faire, apai­ser », puis dans les langues romanes le sens plus concret de « don­ner de l’argent, pour satis­faire ou apai­ser ».On sait bien que les bons comptes font les bons amis !

“ Payer, c’est acheter la paix ”

Cette même ori­gine latine se voit mieux dans l’italien pagare ou l’espagnol pagar « payer », alors que l’anglais to pay vient de l’ancien fran­çais. Mais en alle­mand, (be) zah­len « payer » est d’une autre ori­gine et se relie à Zahl « nombre ». Payer en alle­mand, c’est éty­mo­lo­gi­que­ment comp­ter l’argent qu’on donne.

Com­ment disait-on, alors, « payer » en latin clas­sique ? On employait le verbe sol­vere, qui signi­fiait aus­si « délier » : lorsqu’on a payé, on est délié de sa dette. Sur ce latin sol­vere, deve­nu en ancien fran­çais soudre, très tôt rem­pla­cé par payer, on a for­mé plus tard l’adjectif sol­vable, c’est-à-dire « qui a les moyens de payer ».

La monnaie : un moyen de paiement

Sauf à faire du troc, on paye au moyen d’une mon­naie, en latin mone­ta, lui-même relié au verbe monere « aver­tir ». Pour­quoi cela ? Parce que toute mon­naie s’assortit d’un aver­tis­se­ment, voire d’une admonesta­tion, contre le faux mon­nayage ? Pas du tout : on pense plu­tôt que les pièces de mon­naie étaient fabri­quées à Rome non loin d’un temple consa­cré à Junon, sur­nom­mée Junon Mone­ta, c’est-à-dire la déesse qui aver­tit. Pour­quoi cela ? parce que c’est de l’enceinte de son temple que les fameuses oies du Capi­tole ont aver­ti de l’arrivée des Gau­lois, ce qui a sau­vé Rome en 390 avant J.-C.

Comme pour « payer », l’origine latine est plus visible en ita­lien, mone­ta, et en espa­gnol, mone­da, et l’anglais money vient de l’ancien fran­çais. Mais cette fois, on a en alle­mand Münze « mon­naie », venant aus­si du latin mone­ta.

Une conver­gence de bon augure pour une union moné­taire ? Illu­soire en fait, car l’usage cou­rant varie beau­coup d’une langue à l’autre.

Ain­si en anglais : la mon­naie (éta­lon) se dit cur­ren­cy, la mon­naie (la pièce) se dit coin, la mon­naie (pour l’appoint) se dit change, et de l’argent se dit money.

Donc beau­coup de faux amis entre le fran­çais et l’anglais, et il y en a autant entre la plu­part des langues d’Europe, avec par exemple en alle­mand Wäh­rung « mon­naie éta­lon » et Geld « de l’argent » à côté de Münze « pièce de monnaie ».

Épilogue

À l’origine, la prin­ci­pale richesse était le bétail, en latin pecus, d’où pecu­nia « for­tune », pecu­nia­rius « pécu­niaire » et pecu­lium « pécule ». Ce qui comp­tait, c’était le nombre de têtes du chep­tel, d’où la notion de capi­tal, du latin caput, capi­tis « tête ». Pline l’Ancien rap­porte que les amendes se payaient en mou­tons ou en boeufs, donc en nature.

La mon­naie fidu­ciaire, du latin fidu­cia « confiance », de fides « foi », est appa­rue avec le métal et la pièce métal­lique. À ce pro­pos, Ser­vius, roi de Rome au VIe siècle avant J.-C., fut selon Pline le pre­mier à battre « mon­naie d’airain à l’effigie d’un mou­ton ou d’un boeuf », comme pour acter le pas­sage du bétail à la mon­naie métallique.

Puis la mon­naie scrip­tu­rale, du latin scri­bere « écrire », a pris de l’importance, et c’est main­te­nant la mon­naie élec­tro­nique qui s’installe grâce à Inter­net, mais on emploie tou­jours un voca­bu­laire dont l’origine latine rap­pelle des croyances et des pra­tiques de l’Antiquité.


En illus­tra­tion : Mon­naie romaine émise en 46 avant J.-C. À l’avers, por­trait de Junon Mone­ta. Au revers, outils de mon­nayage : tenailles, enclume, mar­teau et pileus, le bon­net rituel du for­ge­ron Vul­cain, fils de Junon et Jupiter.

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