Portrait de Ravi VISWANATHAN (82)

Ravi Viswanathan (82), la saga d’un X, français de Pondichéry

Dossier : TrajectoiresMagazine N°725 Mai 2017
Par Pierre LASZLO

Une ascen­dance exo­tique peut faire de vous un super-Fran­çais, le signa­taire en témoigne. C’est aus­si une carac­té­ris­tique de ce ban­quier, qui en outre relie deux conti­nents : l’Europe de son inser­tion et l’Asie de ses origines.

Il naquit à Pon­di­ché­ry où son père, qui s’était ins­crit à l’université de Dijon et en était sor­ti pro­fes­seur de lettres modernes, ensei­gnait. La mai­son fami­liale avait une biblio­thèque riche de mil­liers de volumes.

“ L’influence de Lions et Aubin lui fit approfondir davantage processus stochastiques et probabilités ”

Lorsque Pon­di­ché­ry fut inté­grée à l’Inde en 1962, son père res­ta fran­çais. La famille bou­gea régu­liè­re­ment, au gré des affec­ta­tions du père, pro­fes­seur puis prin­ci­pal de col­lège : Séné­gal, Algé­rie, Dji­bou­ti, Mar­ti­nique. Mais la mai­son fran­çaise du Haut-Doubs lui fut point d’ancrage.

Ravi Vis­wa­na­than décou­vrit en adulte seule­ment l’Inde et sa diver­si­té cultu­relle. Il y affec­tionne, outre Pon­di­ché­ry, la spec­ta­cu­laire chaîne de l’Himalaya, aper­çue depuis Shim­la ou le Cache­mire ; le Rajas­than et ses palais ; le Tamil Nadu pour ses temples.

Il sui­vit la filière clas­sique dans le secon­daire, puis une pré­pa M’ à Louis-le-Grand, avec Jean-Pierre Sar­mant en phy­sique. Son ser­vice mili­taire se fit en Alle­magne, à Trèves. À l’École, il opta pour le foot­ball et goû­ta l’excellente ambiance dans l’équipe. Il s’y cas­sa un bras, ce qui affec­ta une bonne moi­tié de sa scolarité.

Des­sin : Laurent SIMON

Il conserve des sou­ve­nirs forts de ses ensei­gnants de l’École, en par­ti­cu­lier de Jacques-Louis Lions – après l’X, il sui­vra les cours de Pierre-Louis Lions à Dau­phine ; et de Jean-Pierre Aubin, pour la théo­rie des jeux, en option.

La méca­nique quan­tique, avec Jean-Louis Bas­de­vant, lui fut une révé­la­tion. Ain­si que l’histoire, telle qu’Her­vé Le Bras la lui fit décou­vrir. Après l’École et l’Ensta en école d’application, l’influence de Lions et Aubin lui fit appro­fon­dir davan­tage pro­ces­sus sto­chas­tiques et pro­ba­bi­li­tés, et leurs appli­ca­tions à la finance.

Ain­si, Indo­suez le recru­ta pour son pre­mier emploi, en 1987. Puis, ce furent sept ans au Cré­dit Agri­cole-Lazard Finan­cial Pro­ducts. En 2000, il créa Nex­gen Finan­cial Hol­dings, basé à Dublin, avec l’État de Sin­ga­pour comme action­naire prin­ci­pal, dont il devint co-PDG.

Nex­gen a été rache­té en 2007 par Natixis pour deve­nir Natixis Cor­po­rate Solutions.

Vit-il venir 2008 ? Oui et non, dit-il, avec une pointe de regret. En 2012, avec Luc Giraud, il créa Vis­Vires Capi­tal, fonds d’investissement basé à Sin­ga­pour et Paris, qui inves­tit en Inde et dans les pays émer­gents, le luxe, les médias et le ciné­ma… Un total de 50 mil­lions de dol­lars d’investissements à ce jour.

Son tem­pé­ra­ment calme et doux, auda­cieux aus­si, pince-sans-rire, n’est pas étran­ger à sa réus­site en affaires. À titre d’exemples, Vis­Vires cofi­nan­ça les films La famille Bélier ; d’Omar Sy, Demain tout com­mence ; ain­si qu’un film de Kev Adams, Tout là-haut, tour­né par­tie dans les Alpes, par­tie dans l’Himalaya, sor­ti en 2017.

Super-Fran­çais, Ravi Vis­wa­na­than fit sien le dic­ton « Saint Mar­tin boit le bon vin, et laisse l’eau courre au mou­lin ». Cet oeno­phile s’enorgueillit de sa col­lec­tion de quelques mil­liers de bonnes bou­teilles, qu’abrite sa mai­son du Haut-Doubs. Il en fit un apos­to­lat : rési­dant avec les siens à Sin­ga­pour, il s’associa en 2012 avec le mil­liar­daire indien Anil Amba­ni pour acqué­rir la moi­tié du capi­tal de Gro­ver Zam­pa, deuxième vignoble du pays avec 2,5 mil­lions de bou­teilles par an.

“ Il ambitionne le meilleur, et pas seulement en vins ! ”

Plus récem­ment, les deux par­te­naires inves­tirent à hau­teur de 30 % chez Sula, la marque domi­nante en Inde avec 12 mil­lions de bou­teilles. À eux seuls, ces deux pro­duc­teurs couvrent 70 % du mar­ché indien. Les Indiens se met­tront au vin ; la classe moyenne indienne ira vers de tels pro­duits de luxe : tel est son double pari.

Il est aus­si à la tête de deux res­tau­rants de haut de gamme à Sin­ga­pour, où il vit avec sa famille : l’un de cui­sine indienne moderne et l’autre russe, tenu par son épouse d’origine russe, Julia Shertstyuk.

Pour un anni­ver­saire de mariage, il offrit à sa femme une rare­té, un Veuve Clic­quot de 170 ans d’âge, repê­chée d’une épave en Bal­tique – une bou­teille qu’il conquit aux enchères pour 30 000 euros. Cette anec­dote lui res­semble : il ambi­tionne le meilleur, et pas seule­ment en vins.

Commentaire

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19880053répondre
18 mai 2017 à 18 h 02 min

Valeurs

Une belle réus­site finan­cière, certes, due à beau­coup de tra­vail. Belle prouesse que de pou­voir se payer une bou­teille à 30.000 euros. Ça ou une Rolex. 

Cela étant dit, que ce type d’hé­do­nisme cor­res­ponde aux valeurs de l’É­cole poly­tech­nique (au point d’être cité en exemple), me laisse quelque peu dubitatif.

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