Lysogene lutte contre les maladies rares neurodégénératives de l’enfant
Karen Aiach est diplômée d’une grande école (ESSEC). Elle est passée par un grand cabinet de consulting avant de créer son propre cabinet. Elle est aussi la mère d’Ornella, diagnostiquée à six mois à peine de la maladie de Sanfilippo A.
« NOUS AVONS CRÉÉ LA PREMIÈRE SOCIÉTÉ DE BIOTECHNOLOGIE AU MONDE SPÉCIALISÉE DANS LE DÉVELOPPEMENT DE THÉRAPIES GÉNIQUES POUR TRAITER LES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL CHEZ L’ENFANT », INDIQUE KAREN AIACH.
Le constat est terrible : il n’existe aucun traitement pour cette maladie. Face au destin, Karen Aiach aurait pu baisser les bras. Elle décide de se battre et doit faire face au manque de traitement et d’intérêt de la recherche publique et privée, car cette maladie rare de niche n’est pas « rentable ».
« Je suis une personne très dynamique qui croit plus en l’action qu’aux paroles », explique Karen Aiach. « Face à la triste réalité, l’initiative privée m’est apparue comme inévitable pour faire face avec rapidité à une situation exigeant sens de l’urgence et agilité dans la prise de décision. »
L’ACTION PRIVÉE ÉTAIT INÉVITABLE
Avec l’aide de Gad Aiach, son mari, Karen Aiach prend contact avec les équipes scientifiques qui travaillent sur ces maladies lysosomales, dans le monde entier, en Australie et en France.
MALADIE DE SANFILIPPO A
La maladie de Sanfilippo de type A est une maladie lysosomale rare et irrémédiablement fatale. Les manifestations cliniques sont principalement neurologiques avec des premiers symptômes habituellement observés au cours des 2 premières années de vie. Elles sont la cause d’une détérioration progressive des capacités cognitives et motrices du patient tout au long de la première décennie de vue et entraînent le décès au cours de la deuxième décennie.
Un retard profond de développement, des troubles du sommeil et des problèmes de comportement sévères sont les symptômes les plus importants de la maladie, engendrant une détérioration importante de la qualité de vie des patients et de leurs familles. En France, la maladie de Sanfilippo de type A concerne environ une naissance sur 100 000 et il n’y a actuellement aucun traitement disponible sur le marché.
En 2006, Pr Olivier Danos les rejoint. Cet expert en thérapie génique de renommée mondiale a longtemps dirigé Généthon, le laboratoire de recherche de l’AFM-Téléthon. « Karen Aiach est une visionnaire. Elle possède une énergie et une volonté qui ont bousculé la recherche et le développement de nouveaux traitements pour les maladies lysosomales.
Son expertise est aujourd’hui reconnue par les meilleurs spécialistes au niveau international, et les travaux menés par Lysogene ouvrent des perspectives thérapeutiques inédites pour les patients », confie Olivier Danos.
Ensemble, Karen et ses associés vont alors réfléchir à une approche de thérapie génique pour traiter la maladie de Sanfilippo de type A. « Dès lors que notre méthode thérapeutique était viable et claire dans notre esprit, il fallait imaginer une structure organisationnelle pour la porter et la développer. C’est ainsi qu’est née la première société́ de biotechnologie au monde spécialisée dans le développement de thérapies géniques pour traiter les maladies du système nerveux central chez l’enfant. »
LA THÉRAPIE GÉNIQUE
Grâce à une structure d’entreprise légère, agile et innovante, Karen Aiach passe de la phase de recherche à la phase clinique, en moins de 4 ans. « Ma fille a été la première patiente à recevoir le traitement, suivie de trois autres petits patients. Les premiers résultats se sont avérés prometteurs », précise-t-elle.
Des résultats suffisamment encourageants pour pouvoir désormais élargir le spectre des travaux de recherche à la maladie de Gaucher, la maladie de Niemann-Pick, la maladie de Fabry ou encore la maladie de Pompe.
« Si elles restent largement méconnues, plus de la moitié de ces maladies ont des composantes neurologiques majeures, et sont la cause la plus fréquente de neurodégénération en pédiatrie. »
Pour lutter contre ces pathologies, Lysogene a opté pour la thérapie génique. « Dans ce domaine, la France est l’un des leaders mondiaux. Cette approche thérapeutique consiste à donner à l’organisme du malade les moyens de produire lui-même une enzyme essentielle qui lui manque, ou en d’autres termes de lui donner les moyens d’imiter la nature pour combler son déficit protéique.
Pour ce faire, nous apportons à l’organisme un gène fonctionnel qui remplace le gène défectueux à l’origine de la maladie, et va agir comme une usine protéique locale et pérenne. Le “vecteur” qui transporte le gène est délivré directement au niveau du cerveau au moyen d’une opération neurochirurgicale ».
LA GANGLIOSIDOSE À GM1
La gangliosidose à GM1 ou maladie de Landing est une maladie lysosomale rare et irrémédiablement fatale. Elle est caractérisée par une déficience d’une enzyme, la ß‑galactosidase. Cette déficience entraîne une accumulation toxique de gangliosides dans les tissus, et notamment dans le système nerveux central.
Il existe trois formes de gangliosidose à GM1 : une forme infantile grave d’évolution rapide débutant avant 6 mois (type 1), une forme d’apparition plus tardive dans l’enfance, entre 7 mois et 3 ans (type 2) et une forme tardive de l’adulte (type 3) caractérisée par une dystonie généralisée.
En France, cette maladie concerne environ une naissance sur 200 000 et il n’existe actuellement aucun traitement. Source : Orphanet
UNE OPÉRATION NEUROCHIRURGICALE
L’opération est délicate. L’injection est réalisée par un neurochirurgien sous anesthésie générale « Le gène fonctionnel est replacé dans les cellules neuronales qui retrouvent un fonctionnement normal. »
Devant les progrès réalisés, Lysogene développe actuellement deux produits : l’un pour traiter la maladie de Sanfilippo de type A, et l’autre pour traiter la maladie de Landing ou gangliosidose à GM1.
« Nous avons constitué une équipe d’experts reconnus dans la conception de programmes de recherche et de développement clinique et qui travaillent en totale osmose entre nos deux localisations de Paris et de Cambridge (Massachusetts) ».
Pour financer ses premiers développements cliniques, Lysogène a été tout d’abord aidé par des fonds philanthropiques puis par des fonds institutionnels. « Au moment où nous avons apporté les preuves de concept de notre approche, nous avons levé 16,5 millions d’euros, en mai 2014, lors d’un tour de table mené par Sofinnova Partners, investisseur historique, qui a réuni Bpifrance, via le fonds Innobio, et Novo A/S (holding du groupe danois Novo Nordisk). »
Cette année, Lysogene a franchi une étape supplémentaire. « Au regard de la progression de notre programme contre la maladie Sanfilippo A, nous avons levé 22,6 millions d’euros sur le marché Euronext à Paris. » « Notre approche et notre expérience sont transposables à d’autres maladies rares. La réglementation nous autorise à procéder à des essais cliniques sur beaucoup moins de patients et de conserver l’exclusivité du médicament durant douze ans en Europe et sept ans aux États-Unis. »
Aujourd’hui, Ornella a 12 ans. Certains de ses symptômes ont disparu grâce au traitement de thérapie génique de Lysogene. Elle est beaucoup plus sereine, sa famille aussi. Ces résultats obtenus sont très encourageants pour la prochaine étape clinique de phase III qui doit démarrer prochainement.